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JUIFS ET CHRÉTIENS

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accusa Reuclilin d’avoir été corrompu par l’or juif. REiiCiiLiN riposta par Le miroir ties yeux (Der Au-Ifeiispie ^el, lôii). Ce fut une lutte vive, où Reuclilin et Pf<>lt’erkorn échangèrent d’autres écrits de polémique, et à laquelle prirent part, pour Reucblin, deux juifs convertis, le franciscain Galatinus (Pieuhiî db Colonna), Opiis de arcariis calliolicæ yerilatis (151 ! S), et i’AUL Rn : (ii, médecin de l’empereur Maxirailien 1", ainsi que le cardinal Gii.lbs de Viterbe, le franciscain Georcbs l$BNtr.Ni, évêque de Nazareth, et, dans le camp de Pfellerkorn, Arnold Luyuius, de ïongres, et le ilominicain Jacques (lociisraATTEN. Celui-ci était inquisiteur de la foi pour la province de Mayence. A ce titre, il fut saisi du différend. Reuclilin en appela au pape. Le jugement traîna d’année en année ; enlin, en i ï>20, LiioN X condamna Reuclilin et son Miroir des yeux, qualilié de « dangereux, suspect, plein de partialité pour les Juifs ». Dans l’intervalle, les « jeunes humanistes », les « poètes » lanceurs de la Réforme, les auteurs des Lettres des hommes obscurs, surtout Ulricu du Uittbn, s’étaient faits les champions de Reuchlin et avaient prolité de l’occasion poïir attaquer l’Eglise, si bien que la querelle de Reuchlin devenait « la préface d’une bataille bien plus importante qui devait entraîner une définitive scission des intelligences », L. Pastor, Histoire des papes, trad. A. Poizat, Paris, 1909, t. VII, p. iôô.

La Réforme protestante et la Contre-Réforme catholique réagirent sur la répression du judaïsme en général et, en particulier, sur la condamnation du Talmud. La bulle Cum siciit nuper de Jules 111 (29 mai 1554) prescrivit de rechercher et de briiler, avec le Talmud, tous les livres juifs blasphémant le Christ. Pendant le pontificat de P.vul IV, un nombre incalculable d’exemplaires du Talmud furent livrés aux llammes, surtout à Crémone, où l’un des plus illustres juifs convertis, Si.kte de Sienne, vint poursuivre leur destruction. Cf. sa Ilihliotheca sancta Paris, iCio, p. 120, 3lo. Dans l’Index librorum prohibitorum (156^), Pie IV prohiba le Talmud, ses gloses, annotations, interprétations et expositions, en spéciliant que ces livres seraient tolérés s’ils paraissaient sans le nom de Talmud et sans injures pour le christianisme. De là des éditions expurgées ; l’augustin Adamas, de Florence, eut mission de Grégoire XIII de s’occuper de ce travail expurgatoire. Grégoire XIII (bulle Antiqua Judæorum, i" juillet 1581) soumit à l’inquisition les détenteurs du Talmud. Clément VIU (bulle Cum Ilebræiirum, 28 février iSgS) conlirma les lettres de ses prédécesseurs ; en outre, il condamna tous les livres, en langue hébraïque ou autre, défectueux au point de vue catholique, défendit de les imprimer sous aucun prétexte, etiam sub prætextu quod expurgula fuerint, donec expurj^enlur, sive quod de noiO typis excusa juerinl mutalis nominibus, vel etiam sub obtentu seu toleranliæ aut permissionis, ul prælendunt, secretarii aut cu/usvis pcrsonæ sacri concilii Tridentini, aut Lndicis librorum prohibitorum per receiitis mémoriae Pium papam 11’"^ prædecessorem nostrum editi. Cf., dans les éditions de Vlndex antérieures à celle de Léon XIII, à la suite des dix règles générales, les Obser%ationes ad re^ulam 9""’démentis papæ VII f jussu factae. Plusieurs décrets, dont l’un du Saint-Ollice (18 mai i ôgâ). précisèrent que ce n’était pas aux catholiques d’expurger les livres juifs, mais aux Juifs eux-mêmes, et que les Juifs que l’on trouverait en possession d’ouvrages antichrétiens seraient punis. Une lettre importante du cardinal de Crémone (29 novembre lôag) résume les mesures de l’Eglise contre le Talmud et appuie dans le sens de Clément VIII. Un projet d’ordonnance du cardinal

Petka reprend, au sujet du Talmud, les dispositions des pa[)es, à partir d’Innocent IV. L’or<lonnance, quelique peu modiûée, fut contresignée et promulguée parlÎENoîr.XIV (15 septembre i^Si) Signalons enfin un édit de Pie VI (octobre 1775), qui rappelle et confirme cette ordonnance, cf. Analecta juris ponti/icii, Rome, 18O0, p. i/(22-i /| :  ! 3, et un autre (janvier i^gï), qui la renouvelle.

BiuLioGRAriiiE. — J. Rartolocci, Bibliotheca magna rabbinica, t. I, p. 552-6/(2, t. III, p. 359-()()3, 7317/18 ; J.-C. Wolf, Bibliotheca hebræa, t. II, p. 657993, t. IV, p. 320-450 ; J. Derenbourg, article

. Talmud, dans VJùicyrlopédie des sciences religieuses, Varis, 1882, t. XII, p. 1007-103O ; A. Darmesteter, Le Talmud. dans la Kevue des études juit/es, l’aria, 188y, t. XVIII, Actes et conférences, p. ccclxxxincxLii ; II. Laible, Jésus Christus im l’halmud, Berlin, 18y I ; R. Sinker, Essays and sludies, Cambridge, 1900, p. 58-79 ; ^^’Travers Ilerford, Christianity in Talmud and Midrash, Londres, 1908 ; A. Meyer, Jésus im Talmud, dans E. Ilennecke, llandbuch zu den neutestamcntlichen Apokryphen, Tubingue, igo/|, p. 47-71 ; H.-L. Slrack, liinleitung in den Thulmud, 4’édit., Leipzig, 1908 ; article Talmud, dans la Realencyklopadie, 3* édit., Leipzig, 1907, t. XIX, p. 3 1 3-334 ; Jésus, die llæretiker und die Christen nach den âltestenjiidisclien Angaben, Leipzig, 1910 ; les ouvrages cités dans les pages précédentes.

V.

L’usure

^ 1. Ce qu’a été l’usure juive.

§ II. Ce que l’iiglise a pensé de l’usure juive.

§ I. Ce qu’a été l’usure juive

38. Etat de la question. — « Juif » est synonyme d’Il usurier » dans toutes les langues européennes. Est ce la faute des Juifs ? Est-ce une injustice du langage ?


La thèse commune à la quasi-unanimité des historiens juifs est que les Juifs n’ont pas eu des torts, ou presque pas. Nul ne l’a présentée d’une façon aussi habile et à la fois brutale qu’I. Loeh, Réflexions sur /es /(/i/s, p. 2g-30, 52-81. Cf., du même, Le Jiif de l’histoire et le Juif de la légende, Paris, 1890.

Peuple « essentiellement agricole », dit-il, les Juifs se sont transformés en un peuple commerçant sous la pression des circonstances. La mctamor[ihose est due à la perte de leur autonomie et à leur dispersion à travers le monde. Là où ils l’ont pu, ils se sont livrés aux professions manuelles et à l’agriculture. En général, ils en ont été empêchés, exclus qu’ils ont été graduellement de la possession du sol. Ils se sont tournés vers le négoce. Etablis sur tous les rivages de la Méditerranée, gagnant peu à peu rintéricur de la Grèce, de l’Italie, de la Gaule, de l’Espagne, seuls capables de nouer des relations avec l’Orient, ils formèrent la chaîne entre l’Asie et l’Europe et, grâce à leur origine orientale et à la facilité des échanges avec les colonies juives de l’Orient, de la Grèce, de l’Arabie, peut-être de l’Inde, et surtout de Conslantinople, firent venir les riches produits des régions asiatiques, au grand avantage des peuples. Cependant, des négociants rivaux s’étaient fixés à Marseille (vi « siècle), en Espagne (vii « siècle), en Italie (ix « et x’siècles). Les croisades apprirent aux chrétiens le chemin de l’Orient. La bourgeoisie des villes, dont leur trafic avait facilité l’apparition, et les corpcu’ations de métiers leur arrachèrent le grand commerce ; il ne leur en resta que les branches inférieures, le commerce de l’argent et les affaires de banque, l’usure. L’usure des Juifs, au moyen âge, n’est pas