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JUIFS HT CHRETIENS

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accentua la marche en avant, dans trois ouvrages qui ont fait de lui un précurseur influent : l’Essai sur la loi de Moïse, Paris, 18a2 (devenu, après refonte, l’Histoire des institutions de HJoïse et du peuple hébreu, Paris, 1838) ; Jésus-Christ et sa doctrine, Paris, 1838 ; Paris, Home et Jérusalem, Paris, iSSg. La France, à la suite de Salvador ; l’Allemagne, sous l’impulsion du comité réformiste de Francfort-sur-le-Mein (18/53) ; l’Amérique, avec Isaac Wise qui fonda, en 1854, le séminaire de Cincinnati, et ses auxiliaires et continuateurs Silveumann, Adler et Shklden, poursuivirent cette transformation. La littérature hébraïque moderne, dans son ensemble, y a travaillé : elle « présente un caractère nettement rationnel ; elle est autidogmalique, antirabbinique », dit Naiiu.m Slouschz bun David, /.a renaissa nce de la littérature liéljraï/jue (l7’i’i-ISS5), Paris, 1902, p. 2, cf. 24. 2(j-31, 225’228. Celui qui a formulé le plus brillamment quelques-unes des idées de ce néo-judaïsme, ou judaïsme libéral ou moderniste, (.’a été J. Dahmes-TBTBR, Les prophètes d’Israël, Paris, 1896 (recueil d’études écrites de 1880 à 1891). Diverses manifestations récentes du néo-judaïsme sont significatives. Le D’M. GuEDEMANN, grand rabbin de Vienne, a publié une Jildische Apologetik, Glogau, 1906, où il propose un judaïsme qui n’est plus une religion positive, mais une philosophie. Le rabbin L.-G. Lévy a fondé l’union libérale Israélite, caractérisée par le titre de l’opuscule programme : Une religion rationnelle et laïque, 3’édit., Paris, 1908, et qui a son temple (depuis 1907) à Paris, son rabliin qui n’est autre que L.-G. Lévy, et un organe mensuel, /, e rayon. Enfin, le sionisme, quelque peu composite puisqu’il a groupé, parmi ses chefs, avec son fondateur, le docteur T. Heuzl, de Vienne, des hommes aussi dissemblables que Max Nordau et sir Francis MoNTEi’iortE, a été défini : un nationalisme rationaliste ; malgré certaines déclarations de tel ou tel de ses adhérents, il comporte l’abandon de l’idée religieuse et la reconstitution toute simple d’un Etat juif en Palestine, ou ailleurs.

Pour le judaïsme libéral, le Messie n’est j)lus un être personnel. C’est un règne, une ère nouvelle, oïl

« s’accomplit l’œuvre de l’unité, annoncée par les

prophètes et tentée en vain par Rome » ; la Révolution française est « la date suprême et fatidicpiedans les fastes de la destinée juive », dit J. Daumestete », Les prophètes d’Israël, p. agô-ag’j, 192. Et le traducteur de la Bible, S. Cauen, Archives Israélites, Paris, 1847. P- ^°’" L^ Messie est venu pour nous le 28 février 1790 avec la déclaration des droits de l’homme. » Cf. d’autres textes dans A. Li’îmann, L’avenir de Jérusalem, Paris, 1901, p. 6964, 72-73. La concei)tion scientifique du monde s’est substituée à la conception mythique. Plus de surnaturel, jjIus de miracles, ])lus de ])ratiques obligatoires ; ni im mortalité de l’àme ni perspectives de la vie future.

« Derrière toutes ces sup|iressionset toutes ces ruines, 

subsistent les <leux grands dogmes qui, depuis les prophètes, font le judaïsme tout entier : unité divine et messianisme, c’est-à-<lire unité de lui dans le monde et triomphe terrestre de la justice dans l’humanité, (^e sont les deux dogmes qui, à l’heure présente, éclairent l’humauilé en marche, dans l’ordre de la science et dans l’ordre social, et qui s’appellent, dans la langue moderne, l’un unité des forces, l’autre croyance au progrès f,.1. Darmkstk-TBR, op. cit., p. 19’i-19.5.

Là-dessus il y aurait be.iucou[) à dire, ceci en particulier que nous empruntons ù une étude fort sympathique consacrée à J. Darmcsteler par G. Paris, Penseurs et poètes, Paris, 1896, p..52-53 : « Qu’est-ce qu’une religion qui n’admet pas l’intervention de

Dieu dans la vie, et par conséquent ignore la prière, et qui ne promet pas une vie future pour réparer les injustices de celle-ci ? Tant qu’il y aura des âmes qui ne pourront [)as se contenter de la science ou plutôt de l’ignorance humaine, qui ne pourront pas se résigner à naître pour mourir et à souffrir sans savoir pourquoi, elles n’appelleront religion que ce qui leur donnera une explication du monde et une promesse de bonheur infini. » Mais ce n’est pas le lieu de discuter le judaïsme moderniste. Qu’il suflise de noter son changement d’altitude dans la question du Messie, et aussi vis-à-vis du christianisme et du Christ.

Des Juifs libéraux reconnaissent partiellement la vertu du christianisme. A des critiques se mêlent parfois des éloges dont le judaïsme n’avait pas l’habitude. I. Zangwill a chanté, dans de belles pages, la grandeur du christianisme. Quand lord Reaconsiield (n’IsRAiiLi), à l’instar de Heine lui-même, voit, dans le christianisme, « un judaïsme à l’usage de la multitude, mais encore un judaïsme » ; quand H. Rodri-GUEs, Les trois filles de Ui Bible, Paris. 1865, regarde les religions juive, chrétienne et musulmane, comme trois sœurs qu’il invile à mettre de coté les formes extérieures du culte qui les séparent el à s’unir sur le terrain, qui leur est commun, de l’uni té de Dieu et de la fraternité universelle ; quand J. Darmestetbr, op. ci/., p. XVIII, ig6, salue, dans l’Eglise catholique, « la seule force organisée d’Occident », et l’instrument par lequel le judaïsme " a jeté dans le vieux monde polythéiste, pour y fermenter jusqu’au boni des siècles, le sentiment de la grande unité et une inquiétude de charité et de justice », certes, ce langage ne saurait nous satisfaire pleinement, mais il nous ])lait de constater que quelque chose de la vieille acrimonie anlichrétienne a disparu.

R. Travers IIerford, A dictionary of Christ and the Cospels, Edimbourg, 1908, t. II, p. 877, 881-882, observe que |ilusipurs Israélites de tendances libérales ont rendu hommage, quoique imparfaitement, à la grandeur du Christ. Le i)lus explicite est le juif anglais C, -G. Montei-iore, président de l’Association anglo-juive. L’n récent ouvrage de C.-G. M(mtefiore, intitulé Outlines of libéral judaism for the use of parents and teachers, Londres, 1912, presse les Israélites d’étudier et d’admirer Jésus.

§ III. Les conversions

S5. L)e 313 à HOO. — U y a des conversions de Jiif’s au christianisme qui ne sont pas sincères, et les Juifs s’efforcent de détacher du christianisme les fidèles. C’est |iarce qu’ils pressent les chrétiens de renier l’Evangile que l’Eglise leur défend d’avoir des esclaves chrétiens, de vivre familicreinenl avec les chrétiens et d’exercer des fonctions publiques. Amoi. oN, Contra Judæos. xi.ii, raconte que des Juifs <|ui sont, contre la loi, percepteurs d’impôts, abusent de leur situation, in remolioribus locis, pour entraîner les pauvres à l’ajioslasie.

Le judaïsme jouit d’un vrai prestige. La superstition, toujours agissante sur ces natures trustes, mal dégrossies, d’une foi superficielle, les incline aux pratiques juives. Elles leur font envie. Qu’est-ce que cet autel de saint Elic, qu’avait érigé un Nasas, juif de Sicile, scelestissinias Judæorum. dit saint Grégoire le Grand, lipist., III, xxxvili, un autel autour duquel au j)rofit de sa bourse il convoquait le l)euple ? Dans quelles limites des chrétiens en litige avec des Juifs acceptaient-ils d’être jugés par les anciens des Juifs, ce que défendit une constitution de 4 18, Cod. Justin., I, ix, 15 ? On ne sait. V.n Espagne, deschrétiens faisaient bénir leurs récidtcs indistinctement par les rabbins ou les prêtres calholiques,