Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/837

Cette page n’a pas encore été corrigée

1661

JUIFS ET CHRÉTIENS

1662

de l’appliquer uniquement, avec Fuikolander, à des gnostiques juil’s, à des anlinouiisles de la diaspora antérieurs au christianisme. « Cependant si, en droit, les minim sont des hérétiques de plusieurs sortes, il faut reconnaître qu’en fait les rnhhins visent le plus souvent », dans leurs textes relatifs aux minim, «. les Juifs devenus chrétiens, et surtoutceux qu’on doit en toute rigueur nommer judéo-chrétiens, parce qu’ils ne voulaient pas rompre avec le judaïsme », Lacuangb, op. cit., p. 292. On a même prétendu que les minim furent seulement les judéochrétiens, que les sectes judéo-chrétiennes, informées des décisions du sanhédrin concernant la maléiliction dont nous avons parlé accusèrent les Juifs de maudire Jésus trois fois par jour, et que « cette imputation… repose sur un malentendu. Ce n’est pas au fondateur du christianisme ni à la généralité des chrétiens, mais aux seuls minéens que s’appliquait la formule demalédietion. Toutes ces lois ne visaient nullement les pagano-chrétiens ». Ainsi s’exprime II. GuAETZ, Histoire des Juifs, trad. M. 1 ?loi ; ii, 1888, t. 111, p. 5ç) : il y revient continuellement tout le long de son ouvrage. Tout autre est l’avis du P. L.^gra.nge. Si les minim n’étaient que les judéo-chrétiens, ils n’eussent pas été plus nombreux que les Juifs ; or, ils le sont davantage, d’après les sources juives, remarque-t-il. Et. observant que seule la recension palestinienne delà C71cmoHé-esrt- nomme et lesnazaréeus el les minim, il pense que les nazaréens sont les chrétiens, distingués ici des minim ou hérétiques en général, et qu’ailleurs « c’est sansdouteparprudence qu’on supprima le mot « nazaréen », celui de minim re|)résentant suffisamment la chose », p. 29^^, n. 3.

Quelle que soit la valeur de cette hypothèse, il est certain « pie le min du temps qui a suivi l’insertion de la formule imprécatoire dans la Clienioné-esrê, le min du Talmud, « est souvent un chrétien », I. LoBiî, toc. cit., p. 313. Et, alors même que primitivement l’anathéme de la Cheinoné-esrê n’aurait atteint que le judéo-christianisme, plus tard il engloba incontestablement tous les chrétiens. Depuis des siècles, le judéo-christianisme n’avait laissé aucune trace, et la prière restait toujours en usage ; peut-être l’est-elle encore dans les synagogues. En l’jyfi, les Juifs de Hollande, émancipés du judaïsme olliciel, retranchèrent la malédiction qui se récitait depuis seize cents aus. Sur quoi H. Grætz, fidèle à sa thèse, répète, trad. M. Blocu, t. V, p. ii~, que ce l)aragraphe avait été composé à l’origine contre les judéo-chrétiens, mais ajoute que.( des ignorants » l’appliquaient à tous les chrétiens sans exception. Or, cette réforme et d’autres, « si innocentes en réalité, excitèrent la colère des rigoristes, qui menacèrent de mort les membres de la nouvelle communauté el auraient mis leurs menaces àexécution sans l’intervention de la force armée ».

En outre, les Juifs donnent aux chrétiens le nom méprisant de a nazaréens »,.-ic^., xxiv, 5 ; quelque chose de bon pouvait-il venir de Xazarelh’.' C’est lieux probablement que procède encore l’appellation de it galiléens », chère à Julien l’apostat. Us lesappellent parfois « sadducéens ». Cf. I.-M. Rahbixowicz, I égislalion civile du Talmud, Paris, 18^8, t. ii, p. xsvn. Ils tendent à s’isoler. » Vos maîtres, dit saint Justin, ne vous permettent pas de nous entendre el de vous entretenir avec nous », Dial., cxii.

B. Contre le christianisme. — Les Juifs combattent les dogmes du christianisme et l’exégèse de ses docteurs. Sur le terrain scripturaire ils n’ont pas toujours tort. Par exemple, plusieurs passages de la Bible, que saint Jcstin leur reproche d’avoir supprimés, sont des interpolations subies par le texte des

Septante, Dial., lxxi-lxxiii, édit. G. Arcuambal’LT, Paris, 1909, l. I, p. 3/|.’i-355 (cf. les notes de l’éditeur). On ne saurait être surpris qu’ils voient dans le christianisme un rival plus redoutable que le paganisme.

« Il vaudrait encore mieux que tu philosophasses

sur la philosophie de Platon ou de quelque autre, en t’exer(, ant à la force, à la continence ou à la tempérance, que de te laisscrdécevoir par les doctrines trompeuses et te faire le disciple d’hommes de rien » ; ces mots « lue saint Justin met sur les lèvres de Tryphon, Dial., vui, ont un écho saisissant dans des paroles du célèbre Uabbi Taui’Uo.n, qui fut peut-être le Tryphon du Dialogue. Cf. E. Rk.nan, Les Evangiles, Paris, iS’j’j, p. ^i. Pour lesjuifs, le christianisme est l’ennemi. On se l’explique. Tout de même, quand on se rappelle tout ce que le paganisme recouvrait d’erreurs et de vices et combien il était opposé aux maximes et aux doctrines juives, on se fait malaisément à l’idée qu’ils l’aient préféré au christianisme.

Le comble, ce sont les vilenies contre le Christ. Après la résurrection de Jésus, les Juifs ont-ils envoyé, par tout l’univers, des messagers avec des lettres destinées aux Juil’s de la diaspora et portant qu’une secte s’était élevée en Palestine, que son auteur était un imposteur de Galilée, nommé Jésus, mort en croix, que ses disciples avaient dérobé nuitamment son cadavre et trompaient le monde en atnrmanl qu’il était ressuscité el monté au ciel ? EusïiBB, Jn Is., xvin, I, déclare l’avoir lu dans les « écrits des anciens ». Il y a des chances pour qu’il désigne j)ar là le Dialogue avec le juif Tryphon, xa 11, cvui, cf. cxvii, où saint Justin raconte la chose. On a pensé que

« vraisemblablement le dire de Justin est une supposition

suggérée par le récit de la démarche faite par les princes des prêtres et les pharisiens auprès de Pilate, Mat., xxvii, 62-66 », P. Iîatii-fol, Revue biblique, Paris, 1906, 2’série, t. III, p. 621. II est dillicile de se prononcer sur ce point. En tout cas, il n’y a pas à douter du caractère apocryphe de trois de ces lettres qu’on prétendait conservées par les Juifs de Worms, d’Ulm et de Ralisbonne : cf. Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, Paris, 1693, t. I, p. 155 ; Basnage, Histoire des Juifs, Rotterdam, i ; o6, t. IV, p. 1081 ; DB Boissi, Dissertations critiques pour servir… de su/iplémeiit à l’Histoire de M. liasnage, Paris, i^85, t. II, p. 5.

Que saint Justin ait été induit en erreur sur un fait ancien, c’est possible. Mais son témoignage vaut sûrement quand il parle des Juifs du 11’siècle. Il les représente « éclatant de rire » quand on nomme le Christ et se livrant à des « protestations bruyantes », ce qui s’explique, mais aussi « inconvenantes », ce qui est inexcusable, Dial., viir, ix. Il y a pire ; les Juifs maudissent le crucifié, ils raillent ses meurtrissures, ils l’insultent, comme le leur enseignent les chefs des synagogues après la prière, Dial., cxxxvii, cf. XXXV, xcv, cvui, cxvir, cxxxvi. Ils se glorifient (le l’avoir tué ; cf. saint HiproLTK ou l’auteur, quel qu’il soit, du fragment contre les Juifs qui lui est attribué. Ils le ti-aitenl de magicien ; cf. Justin, Dial., cxxxvii ; Passio sancti Pionii, xiii. Ils descendent aux inqnitalions les plus grossières. Ils le disent né de l’adultère. Peut-être la calomnie odieuse était-elle déjà ré]iandue dans les parages où vivait saint Jean ; cf. T. Cal.mbs, L’Evangile selon saint Jean, Paris, 190^, p. 297-299. Celse en avait recueilli l’écho, et s’en était servi contre les chrétiens ; cf. OniGÈNB, C. Cels., i, xxviii, xxxii, xxxiii, lxix ; II. v. Le texte d’Origène résumant Gelsc et donnant pour père à Jésus tivi ; zza-y-t-^r’-j U’/.y9r, r.’x, I, XXXII, « n’est que trop clair. L’intention était non seulement d’attaquer la naissance légitime de Jésus, mais encore