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JUIFS ET CHRÉTIENS

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arriver dans les temps futurs. Il pénètre entièrement l’antique institution. C’est lui qui bannit du culte de Yaliweh les pratiques qui déshonoraient tant de religions antiques. C’est lui qui donne à des rites, pareils bien souvent à ceux des sanctuaires étrangers, ces hautes signilications que vainement l’on chercherait ailleurs. C’est lui qui guide les auteurs sacrés dans la rédaction de l’histoire d’Israël et dans l’appréciation des événements qui en constituent la trame. Mais doit-on s’arrêter à ces lignes générales ? … N’est-il pasplusjuste devoir cet Esprit intervenir dans le détail des événements et des institutions ? — II) Or s’il est un principe sacre, quand il s’agit de l’action de Dieu, c’est qu’elle se produit rarement par coups de théâtre : Dieu prépare par degrés les grandes choses qu’il a résolu d’accomplir ; il procède, avant le dessin définitif, à des ébauches et à de premiers essais. Comment n’en serait-il pas ainsi quand il s’agit de son œuvre par excellence ? L’Ecriture elle-même nous invite à rechcrclier de pareilles relations entre les événements qui se succèdent : les prophètes ne signalent-ils pas la sortie d’Egypte comme une figure de la délivrance de l’exil (Jer., xvi, i^, 15 ; XXIII, 7, 8, cf. Is., xliii, 18, ig »). N’est-ce pas nous inviter à voir à notre tour dans la délivrance de l’exil la figure de la grande rédemption messianique ? N’est-ce pas justifier tous les apologistes qui sont allés chercher dans l’ancienne religion les figures et les types de la nouvelle ? — c) lis n’étaient pas dans l’erreur quand les interventions de Dieu, au cours de l’histoire juive, leur apparaissaient comme le prélude des splendides interventions qui devaient marquer l’inauguration et le progrès du royaume me3sianique ; quand les grandes âmes de l’ancienne Loi leur semblaient être les premières esquisses des nobles âmes qui devaient présider à la diffusion de la religion de Yahweh dans le monde, de celle-là surtout qui devait dominer toutes les autres et demeurer à jamais l’idéal vivant auquel elles chercheraient à se conformer ; quand ils voyaient dans les vieux rites mosaïques eux-mêmes l’ombre des augustes réalités de l’ordre nouveau. Ils n’étaient pas dans l’erreur quand ils résumaient leur pensée dans la vieille formule : yoium Tcstameutiim in Veteri laiet, J’cliis in iVoi’O patet. Elle n’était d’ailleurs qu’une transposition de celle qui inaugure si magistralement l’Epitre aux Hébreux : MiiUifariam mulliaqtie modis otim Deiis hirjuens paliibus in prophclis, notissime diebiis islis loctitus est nobisin Filio {juem constituil Itercdem uni^ersorum (IJebr., i, i, 2).

J. TOUZAUD.


JUIFS ET CHRÉTIENS. — Introduction.

PnEMiÈRE PARTiK. — Im Conduite des Juifs envers les chrétiens. — I. Des origiites an triomphe de VEf : lise (iii) — II. Les actes. — III. La polémique antichrélienne. — IV. /.e Talmud. — V. L’usure.

— VI. J.fl meurtre rituel.

Sbcoxdk partik. — La conduite des chrétiens envers les Juifs. — I. L’Etat et les Juifs. — II. L’Eglise et les Juifs. Les grandes lignes de la conduite de l’Eglise. — III. L’Liglise et lés Juifs. La législation de l’Eglise. — IV. L’Eglise et les Juifs. La polémique antijui>e. — Conclusion.

INTnOUUCTION

1. Etat de la question. —.Vu point de vue apologétique, la question des rapports entre les Juifs et les chrétiens se pose de la sorte : la conduite des chrétiens envers les Juifs fut-elle de nature à charger les chrétiens, et non seulement des chrétiens agissant

en leur nom personnel mais aussi le christianisme, devant le tribunal de l’histoire ? L’Eglise a t-elle été coujtable ?

On l’a prétendu. On a dit que, durant cette longue suite de siècles, les Juifs furent irrépréhensibles, ou prescjue. Par ailleurs, les chrétiens, livrés à eux-mêmes, n’étaient pas hostiles aux Juifs ; ni aux origines du christianisme ni dans lehautmoyen âge, il n’y eut antipathie réciproque. L’abîme fut creusé peu à peu, méthodiquement, par l’Eglise. Non qu’elle ait encouragé de façon directe les sévices ni poursuivi l’extermination des enfants d’Israël. Les papes ont réprouvé les excès des chefs d’Etat et des foules. Mais, malgré ses protestations et toute sincère qu’elle ait été en les multipliant, c’est l’Eglise qui, par sa prédication et sa législation, lâcha et nourrit les passions brutales. Les Juifs sont une nation innocente, persécutée odieusement, et l’Eglise est responsable de ces traitements injustes. Telle est la thèse acceptée et développée par T. Beinach, Histoire des Israélites. Elle circule, aggravée, à travers les onze volumes de la Geschichte dcr Juden de Grætz, et sa réduction française en cinq volumes due au grand rabbin L. Woc.uk et au rabbin M. Blocii. Elle reparait, légèrement atténuée, dans les Réflexions sur les Juifs d’I. LoKB, p. aa-31. J. Dahmestkter, Les prophètes d’Jsraél, p. 183, la formule ainsi : « La haine du peuple contre le Juif est l’œuvre de l’Eglise, et c’est pourtant l’Eglise seule qui le protège contre les fureurs qu’elle a déchaînées, n Et B. Lazare, un des très rares Juifs qui admettent que tous les torts ne furent pas du côté des chrétiens, estime. L’antisémitisme, p. g5, que si, à partir du vui" siècle, des causes sociales vinrent se joindre aux causes religieuses,

« durant les sept premiers siècles de l’ère

chrétienne, l’antijudaïsme eut des causes exclusivement religieuses ».

Cette thèse se retrouve, avec des nuances, sous la plume d’historiens qui ne sont pas juifs. E. HonocA-NACiil, ])lus équitable toutefois envers les papes, résume en ces termes l’histoire poslbiblique des Juifs, L.e Sainl- ! ^iège et les Juifs. Le ghetto à Home, p. 1 13 :

« Dci)uis Néron… jusqu’à Constantin, les Juifs furent

jiersécutés avec les chrétiens ; ensuite, ils le furent par les chrétiens. » Naturellement la polémique anticléricale, sous toutes ses formes, rci>résente volontiers les Juifs comme les victimes sans reproche de l’intolérance chrétienne.

L’étude, aussi exacte que ])ossible, des relations entre les Juifs et les chrétiens nous mettra en mesure de dire ce que vaut l’objection.

S. Dii’ision. — A trop diviser, il y a l’inconvénient de séparer des choses qui se compénètrcnt et s’infiuencent mutuellement, et les divisions chronologiques ont toujours du factice et de ra]iproxirnalif. Mais elles odrent un moyen d’introduire de la clarté dans un sujet, surtout ipiand il est vaste et C(iini)li’xe. Le plan qui est en tête de cet article indique les princi]iaux aspects de la question. Nous exposerons en premier lieu la conduite des Juifs envers les chrétiens, puis celle des chrétiens envers les Juifs ; l’une et l’autre seront examinées ensemble en traitant du Talmud, <le l’usure et du meurtre rituel. Quant à l’ordre chronologique, les historiens s’accordent à conserver la division classique : antiquité, moyen âge et tenq)s modernes, quitte à préciser que « le moyen âge dure, pour le peu|)le juif, beaucoup plus que pour les autres pcu))lcs, dit IIk.man, llealency-Idopddie, t. IX, p. 483, jusqu’à la percée victorieuse des principes de politique et de civilisation que la Renaissance et la Héforme ont introduits dans la vie des peu))les européens », jusqu’à la Ucvolution française. En combinant les divisions adoptées par