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mieux dans la suite de Ia discussion, mais il n’est pas inutile de les signaler ici toutes ensemble.

Les raisons d’ordre historique sont au nombre de trois principales.

En premier lieu, il faut noter que les lutte : soutenues par Galilée, pendant presque toute sa vie, constituent le premier effort sérieux fait par la science au sens moderne du mot — pour s’émanciper de la tutelle de la philosophie. Jusqu’à Galilée, la physique, la mécanique, l’astronomie n’avaient été que d’humbles et timides servantes, louées sans doute à cause de leur évidente urrière pratique, mais n’ayant nulle méthode autonome et nulle personnalité, A la fin du xvi° siècle. des idées nouvelles commencent à se faire jour, dont Galilée est l’ardent défenseur ; Galilée a des précurseurs, mais avec lui surtout se crée la science, basée sur l’expérience et l’analyse mathématique. Cette jeune science ne peut continuer à vivre sous la dépendance de la philosophie : ses objets, ses métliodes de recherche sont différentes. Elle se sépare d’elle avec éclat. Fière de sa longue emprise, la philosophie ne se résigne pas facilement à pareille rupture ; elle tient surtout à ses principes, vieux de tant de siècles, tant aflinés au cours des âges, et qui lui ont permis des explications si ingénieuses des choses de la nature. Quel déplaisir de voir troubler cette barmonie par le Florentin !

En second lieu, Galilée qui avait si beau jeu sur le terrain scientifique, commit pratiquement une faute énorme en transportant la discussion sur le domaine de l’exégèse. A faire cela. le moment était aussi mal choisi que possible : les progrès de la libre interprétation protestante qui, d’Allemagne. menaçait d’envahir l’Italie, avaient mis en éveil les gardiens de l’orthodoxie, et ceux-ci se virent forcés de faire un exemple sur l’audacieux laïque,

Enfin, pour tout dire, la mauvaise foi, au moins apparente, de Galilée, sa ténacité à soutenir ses idées, ses machinations pour les faire triompher attirérent sur sa personne et sa doctrine des foudres d’autant plus marquées que personne et doctrine étaient plus brillantes et plus soutenues en haut lieu.

Ces motifs expliquent l’importance prise par la condamnation de Galilée à l’époque même où elle eut lieu. Les raisons qui, depuis lors, ont eontrihué à attirer Pattention sur cette condamnation sont plutôt d’ordre religieux.

La premiére à signaler est l’oubli dans lequel est tombée, depuis trois siècles, par suite des circonstances politiques et du mouvement d’émancipation des esprits, l’existence du pouvoir coercitif de l’Eglise. Bien des gens, même parmi les catholiques, ont de la peine à admettre que l’Eglise puisse, comme toute société, contrôler les doctrines enseignées par ses membres, arrêter ceux qui lui paraissent propager scrreur dans son sein et, dans certains cas dont elle est juge, recourir à des peines spirituelles ou temporelles, Devant des esprits imbus des préjugés du rationalisme amlnant, onu volontairement aveuxtes, se dresse, à tout propos, le spectre de l’Inquisition. Galilée aurait été l’une de ses plus nobles vietimes et l’une des plus injustement frappées aussi : c’en estassez pour que le nom de ce savant personnifie une odieuse et déraisonnable persécution.

Secondement, c’est un fait incontestable que, depuis la Renaissance, beaucoup d’intelligences sesont soustraites à la domination pourtant trés rationnelle de la Foï et, proclamant leur anlonomie, revendiquent le droit de juger et de penser librement de tout. Comme conséquence, l’aulorité doctrinale de l’Eglise est de moins en moins comprise et acceplée, et l’on rejette a priori ses verdicts, non seulement sur les points essentiels du dogine, mais à plus forte

GALILÉE

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raison sur les points de philosophie ou de science connexes avec le dogme. Les décisions de cette autorité dans la question de Galilée ne peuvent donc être que très injustement jugées, parce que l’on ne se place pas au vrai point de vue, et cette soi-disant mainmise de l’Eglise sur la Science demeure pour beaucoup une pierre d’achoppement et de scandale.

Entin, nous ne craignons pas de le dire, poussés par leur haine de l’Eglise, des hommes qui sont parfaitement au courant de l’histoire se font un mauvais plaisir de rééditer contre elle des calomnies cent fois répétées. Ils comptent bien qu’il en restera quelque chose ce ils ne setrompent pas. Comme dans l’affaire de Galilée il y a une erreur réelle, mais très explicable et toute humaine, de la part d’ecclésiastiques constitués en dignité, c’est cette faute que l’on exploite. que l’on grossit à plaisir, dont on fait un épouvantail, en dépit de la plus élémentaire loyauté.

Nous essayerons, dans les pages qui suivent, de donner une idée aussi objective que possible des faits. persuadés d’ailleurs par avance que le nom de Galilée restera longtemps encore l’une des armes favorites de la libre-pensée bourgeoise et populaire.

I

QuESTION

HISTORIQUE

1° Les différents systèmes astronomiques !. — Sans entrer dans des détails techniques qui n’auraient ici aucun intérêt, il peut être utile de rappeler, dans leurs grandes lignes, les différents systèmes astronomiques connus à l’époque de Galilée.

Système des sphères homocentriques. Ce système fut celui qu’admirent Socrate, Platon, Eudoxe et Aristote. La terre est au centre de l’univers et son centre de gravité se confond avec celni du monde ; tout autour du globe terrestre existent des sphères concentriques sur lesquelles sont situées les diverses planèêtes ; la sphère ayant le plus grandrayon porte les étoiles ; l’ensemble tourne autour d’un axe commun, en vingt-quatre heures, avec une régularité parfaite. Mais alors comment expliquer les mouvements, en apparence si irréguliers, des planèles ? — Eudoxe essaie de résoudre la dissoulté : il fait porter chaque planète par plusieurs sphères, tournant toutes d’un mouvement uniforme, sais autour d’axes diversement placés. L’ensemble forme un total de vingt-sept sphères, Un nouveau perfectionnement de Calippe porte ce nombre à trente-trois. Aristote Féléve à cinquante-cinq ce il attribue une existence réelle aux sphères qui n’avaient jamais été pour Eudoxe que des moyens de représenter schématiquement les phénoménes. Dieu, le Premier Moteur, communique le mouvement à la sphére des étoiles et ce mouvevement se transmet d’une sphère à l’autre par frottement. Si, pour Aristote, ce systéme n’est pas imaginé absolument & priori, il repose du moins sur un grand nombre de principes abstraits. Cerlaines hypothèses lui semblent imposées par la perfection de l’essence des cieux ce par la nature du mouvement circulaire et il les justifie par des propositions tirées de ses spéculations sur la nature des corps ?. En particulier, c’est un principe métaphy-

1. Cf. Delumbre, Hist, de l’Ast. anc, — Schiaparessi, Le stere omocentriche, Milan. 1873.

2. Au reste, Aristote reconnaitlu part due à l’expérience : « Beaucoup de faits que nous connaissons ne sont pas certains. Lorsqu’ils le seront, alors il faudra nous fier à l’expérience plutôt qu’à des spéculations théoriques. Cellescine méritent créance que lorsqu’elles s’accordent avec l’expérience. » (De gen. anim., 111, 10.)