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JUIF (PEUPLE)

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Dieu, dont l’empire, dépassant les frontières d’Israël, s’exerçait sur toutes les nations, ils n’ont jamais professé qu'à leur époque son culte dût être pratiqué en deliors d’Israël, que son nom dût être reconnu par delà les limites du peuple choisi. Ceux-là mêmes d’entre eux qui ont parlé de la religion universelle de Yabweh, ne l’ont envisagée que pour des temps à venir, distincts de l'époque présente, souvent séparés d’elle par de violentes commotions. — 2°) Ces mêmes propliètesontconslamment admis que la propagation de la religion de Yali eh au milieu du monde s’effectuerait par Israël. La manière dont ils ont exposé ce rôle du peuple choisi a pu varier, mais sans détriment pour l’idée fondamentale elle-même.

— 3') L’une des formes les plus importantes de cette prédiction a consisté à mettre en avant un person I nage individuel, appartenant à la race d’Israël, qui serait le grand apôtre de Yaliweh au milieu dumondo et qui, après le lui avoir conquis, le gouvernerait en son nom. — 4°) Telles sont les lignes les plus essentiellesdel’espérancemessianique. Les mots Messie et Messianique sonl en rapportétroit aveclemotbébreu mâsi’lt (n'""D). Ce mot lui-même est un adjectif dérivé de la racine mâsah ("_". ;), oindre. Un mâsi’lt est donc un oint. Le terme est d’un emploi assez fréquent dans la Bible et s’applique à diverses classes de personnages ; il arrive souvent d’ailleurs qu’il perd son sens étymologique et n’a plus rapport qu’avec la dignité elle-même qui, à une époque ou une autre, ét.ait conférée par l’onction. Le grand prêtre est en divers textes appelé hakkôlién hammàsi’h ( insn n'ï'sn ; /-e » "., iv, 3, 5, 16 ; vi, 15 ; cf. Ps. lxxxiv, io [?]). (>e titre néanmoins est de préférence donné aux rois : Saiil(I Sam., xii, 3, 5 ; xxiv, 7, 11 ; xxvi, g, 1 1, 16, 23 ; II Sain., I, i/), 16), David (II Sam., xix, 21 ; xxii, 51 = Ps. xviii, 51 ; xxiii, i ; II Cliron., i, 42), d’une manière plus générale aux rois de race davidique (I Sam., II, 10, 35 ; Ilab., iii, 13 ; Ps. xx, 7 ; xxvni, 8 ; Lxxxix, Sg, 62, - cxxxii, 10, 17 ; /-a ; «., iv, 30). On sait aussi que ce qualilicatif est appliqué, d’une part, aux patriarches comme aux chefs de la famille qui devait donner naissance au peuple choisi (Ps. cv, 15 = ; I Cliron., XVI, 22), et, d’autre part, au roi païen Cyrus, appelé à jouer un rôle si important en tant qu’instrument de Yahweh (/s., xLv, i). Les applications au roi des temps futurs sont plutôt rares dans la littérature biblique. On pourrait alléguer certains des textes qui se rapportent à la dynastie davidique, surtout dans les psaumes ; on cite d’ordinaire Dan., ix, 26 ; on pourrait citer, avec plus de raison encore, Ps., 11, 2.

— 5°) Après ces remarques, l’on peut dire que l’espérance messianique peut être considérée à un double point lie vue. Dans un sens général, c’est l’attente du royaume qui grouperatout l’univers dans le culte du même Dieu, dans la soumission au même Dieu, reconnu comme le souverain incontesté de tous les hommes. Dans un sens plus strict, c’est l’attente d’un roi qui conquerra le monde au vrai Dieu et le gouvernera en son nom. La distinction a son importance, car beaucoup de prophéties qui ont pour objet le royaume ne parlent pas du roi messianique. — 6') Aucun prophète n’a de cet avenir une vision totale et complète ; même en juxtaposant tous les oracles de l’Ancien Testament, on n’arrive pas à un tableau d’ensemble aux contours et aux traits précis. Ce qui manque surtout à ces visions, c’est la perspective. Tous les horizons, restauration nationale d’Israël, royaumcspirituel, conversion des peu]iles, se confondent, et, nu fond, tout se rattache à l’avenir d’Israël.

II. Le fait de l’espérance messianique. — I") Dans les libres liistoru/ues. — Il s’agit ici des livres qui ont pour objet la période de l’histoire d’Israël

antérieure à l’exil : Gen., Ex., Lew, yiini., Dent., Jos., Jud., I et II Sam., I et II Beg., I et II Chron. — On trouve dans ces livres comme deux séries d’oracles, les uns se rapportant à tel ou tel détail particulierdc l'œuvre messianique, les autres concourant à donner une idée d’ensemble des espérances d’Israël.

a) Le premier texte que la tradition chrétienne signale appartient à la première catégorie. C’est Gen., iii, ! , 15. L’idée qui s’y exprime est celle de l’inimitié, voulue par Dieu, qui existera entre la race du serpent et celle de la femme et qui aboutira au triomphe de cette dernière. C’est surtout grâce à l’explication traditionnelle que nous pouvons voir dans ce texte la victoire que remportera sur le serpent, forme sensible du démon, la race de la femme, représentée par le Messie Rédempteur. — h) Le texte relatif à l’alliance conclue par Yahweh avec l’humanité après le déluge (Gen., ix, 1-17) ne se rapporte que d’une manière très médiate et lointaine à l’espérance messianique. — c) Déjà la promesse faite par Yahweh d'être le Dieu de Sem (Gen., ix, 26) prépare les bénédictions qui vont se répandre sur la famille patriarcale. — d) Le sens général de ces bénédictions ne paraît pas douteux. A raison même de l’alliance conclue par Yalnveh avec les patriarches (Gen., XV, 9-21 ; xvii, i-ii), ^euv postérité occupera la terre dans laquelle ils passent en étrangers et s’y multipliera extraordinairement (Gen., xiii,

14-17 ; XV, 16 ; XVII, 1-8 ; XXII, 17 ; XXVI, 24 ; XXVIII,

13, 14 ; XXXV, II). Mais, de plus, elle tiendra une place à part au milieu des nations ; celles-ci seront bénies en Abraham (xii, 3), en sa postérité (xxii, 18 ; cf. liccli., xLiv, 21), ou se béniront elles-mêmes au nom de ses UIs. — e) Avec la prophétie de Jacob, le prestige de la famille patriarcale au milieu des nations se précise et se particularise en faveur de la tribu de Juda (Gen., xlix, 8-12) : il a la prééminence au-dessus de ses frères (vers. 8), il tient le sceptre et le bâton de commandement (vers. lO-') ; les peuples obéissent à un représentant de sa race (vers. 10) désigné par le terme mystérieux de siliilt (n^'S'). Tandis que quelques exégètcs voient dans ce personnage le symbole de la monarchie davidique à laquelle seraient transférées les promesses faites à la tribu de Juda, l’interprétation traditionnelle l’identifie avec le roi d’origine davidique qui doit présider à l’iuauguration des temps messianiques ; un certain nombre de critiques se prononcent dans le même sens (Cf. Skinneb, A criticul and e.regetical Commentai^ on Genesis, ad loc). — /') Lorsque, dans les parties légales du Peutateuque, il est parlé des rapports d’Israël avec les nations, il s’agit surtout de l’ordre présent : à la condition qu’il lui demeure fidèle, Yahweh traitera Israël en peu])le particulier parmi tous les autres (Ex., xix, 5). Toutefois, dans Deut., xxviii-xxx, les perspectives de restauration après le châtiment et le repentir rentreraient davantage dans le contexte général de l’idée messianique.

— fl) Les oracles de Balaam ( ! 'um., xxii, 2-xxiv, 25) insistent sur la place de choix faite à Israël (Num., xxili, 9, 10), annoncent son triomi)he sur les nations, sur celles-là au moins qui lui feront la guerre (Xiim., XXIV, 7, 8). Ils signalent ensuite : un astre qui sort de Jacob ; un sceptre qui s'élève d’Israël, pour briser les deux flancs de Moab, exterminer les fils du tumulte et conquérir Edoni ; un dominateur qui sort de Jacob pour faire périr dans les villes ce qui reste[?| {.S’iim., xxiv, 17-ig). On ne peut douter qu’il ne s’agisse au moins de la dynastie royale et de ses succès ; plus naturellement, l’astre désigne un roi particulier. L’exégèse traditionnelle y voit le roi messianique ; levers, ig, malgré ses oljscurités, favoriserait cette interprétation. S’il en est ainsi, on