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JUIF (PEUPLE)

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lointaine. — ô) A mesure que le vrai Dieu s’allirniera, quel sera le sort fait aux fausses divinités ? Cet clcnieul négatif tlu monothéisme aura aussi son développement et son progrès. Dès l’origine, un monothéisme véritable comportera essentiellement un certain exclusivisme ; c’est par là même ciu’il se distinguera de riiénothéisme. Le vrai Dieu se présentera dés le début comme un Dieu jaloux ; il ne reconnaîtra pas de rival. Les prétentions pourront être d’abord à cet égard assez circonscrites. Le moins sera que le Dieu jaloux n’admette pas d'émulé dans l’enceinte de son temple et sur son autel, qu’il ne permette pas à son peuple d’honorer d’autres dieux que lui ; par ces traits déjà, le monothéisme se distinguera nettement des autres formes religieuses. Si le peuple est nomade, il lui faudra bannir du cauq) tout emblème et tout acte caractérisé qui pourraient évoquer le souvenir d’un dieu étranger ; s’abstenir d’immoler ou d’accomplir des rites aux sanctuaires païens qu’il rencontrera dans les territoires qu’il traversera. S’il est sédentaire, il exclura du pays tout sanctuaire dédié à d’autres divinités, proscrira leurs emblèmes, leurs attributs. — D’autre part, en luttant pour son peuple contre les nations étrangères, le vrai Dieu engagera le combat, selon l’idée du temps, avec les dieux qui les protègent. A mesure que se multiplieront ses victoires, ses émules, déchus de leur dignité, n’auront bientôt plus de Dieu que le nom, tant le triomphe élèvera leur vainqueur au-dessus d’eux ; et quand les dieux tombés seront les plus grands de l’univers, le peuple délivré sera bien près de dire qu’il n’y a pas de Dieu en dehors de son protecteur. Bien plus : la défaite même du peuple monothéiste trouvera son explication dans la foi qu’il professe ; son échec n’amènera pas l’aveu de l’impuissance du Dieu qu’il honore ; celui-ci tirera de son caractère propre des raisons supérieures pour abandonner les siens au malheur. — s) Le monothéisme, en effet, peut encore se manifester et progresser en une autre manière. Sans que le vrai Dieu aflirme directement son domaine sur les hommes et l’univers ; sans qu’il proclame la déchéance et le néant des fausses divinités, on peut voir, dans sa personne même, se dessiner des traits qui le mettront tout à fait à part des autres êtres que les peuples vénèrent comme divins. Ces traits peuvent être tels et tellement accentués que toute assimilation devienne impossible et que, loin de pouvoir être traité comme l’une des <li verses divinités dont on se réclame ici-bas, il les bannisse toutes de la catégorie à laquelle il appartient, et, on pourrait ajouter, que tout seul il constitue. Il est évident que, dans l'épanouissement de ces traits, il y a aussi place pour un développement et un progrès.

2" Les noms divins dans la religion d’Israël. — Deux séries de noms servent à désigner le Dieu d’Israël dans l’hébreu biblique : des noms communs et des noms propres.

A. — On rencontre d’abord le nom commun 'el (h »). — a) Ce nom n’est pas seulement hébreu ; on le trouve, peut-on dire, dans tout le monde sémitique ; en phénicien, il a un féminin 'état : en safaïte, illat : en assyrien, il présente les formes ilii, pi. ilê et ilani, fera ///((. Les diverses sources que l’on peut consulter nous le font connaître comme élément constitutif de beaucoup de noms propres, assyro-babyloniens, phéniciens, araméens, nordarabiques, sudarabiques ; pour l’ai-améen en particulier, la Bible elle-même nous fournit les noms de Bathuel (Gen., xxrv. 15). de Hazaél (II licf ;., viii, 8), etc. Les mêmes documents nous montrent ce mot employé d’une façon tout à fait indépendante. Le plus souvent, ce terme apparaît comme un nom commun évoquant

Tome II.

I l’idée générale de divinité, susceptible à ce titre d’elle associé aux divers noms propres que fournit le panthéon sémiticpie ; de là, par exemple, en assyrien, l’usage de l’idéogramme itu comme déterminatif des divers noms divins. Mais, en plusieurs régions, ce terme désigne sûrement un dieu particulier et concret. — b) Quels sont l'étymologie et le sens originel de ce mot ? La forme 'êl (ou 'el) se rapproche de noms tels que met, mort, et hen, fils. Mais, quelle que soit leur ressemblance, ces deux termes remontent à des racines de catégories très différentes : met, qui garde sa voyelle au cours de toute la flexion, suppose un radical Ayin-ll’ai ; mût : lien, doni la voyelle change ou disparaît dans la flexion, remonte à une racine Lamed-Hé, primitivement l.amed- Yùd, linndlt, btlnay. 'El garde, sans doute, sa voyelle devant les sulUxes ('e71, mon Dieu), au pluriel absolu ('élim) et même construit Çéléy) ; mais, dans les noms composés, ê devient bref ÇEldûd) ou même cède la place à un ken’aÇ'li’nb) ; c’est donc que sa permanence n’est pas essentielle. De là plusieurs hypothèses. Les uns assimilent 'êl au participe actif du verbe 'ùl ( 7'k), qui n’est pas usité en hébreu, mais qui fournil beaucoup de dérivés : 'ùl, ventre ; 'ùl, prince, noble ; lilam, porche ; 'ayil, bélier ; 'aj, pilastre ; 'ayil, chef ; 'èldli, térébinthe ; 'éldn, id. ; 'ayyul, cerf, etc. Il est difficile de dèt-erminer l’idée commune à tous ces noms. On a mis en avant l’idée de force. Les anciens, Aquila, S. Jérôme, interprétaient de cette manière le nom divin 'êl : Eusèbe atteste que telle était l’opinion des Juifs. Une étymologie plus récente aboutit au sens de être en avant (Nôldeke). Qu’il soit le fort, ou celui qui est en avant, 'El est le premier, le chef, le maître. D’autres rattachent él (non plus 'êl) à 'dldh ('ûlar). Les uns reportent sur ce radical le sens présumé du dérivé : être fort (Dillmann). D’autres (Lagarde) rapprochent 'él de la proposition 'èl, 'él, vers, et donnent à Sldh le sens de tendre vers, se diriger vers ; '<'/ est ainsi l'être vers lequel on se porte. Dieu apparaîtrait donc comme le but des aspirations, autrement dit encore, comme le maître universel. En toutes ces hj-pothèses, le mot 'El n’est autre chose qu’une épithète, saisissant l’idée de Dieu, non pas dans son essence, mais dans l’un de ses attributs les plus caractéristiques et les plus universellement reconnus : sa puissance, son autorité et, jusqu'à un certain point, sa transcendance. — c) Dans la Bible, ce terme désigne parfois des hommes puissants (II /ffif., XXIV, 15 ; Ez., XVII, 13 ; xxxi, ii ; xxxii, 21 ; Job, XLi, 17 ; généralement en style poétique). Souvent il indique les faux dieux ; tantôt il est employé sans épithète pour cette fin (Ex., xv, 1 1 ; Dent., iii, 24 ; /s, xLiii, 10) ; tantôt une épithète en précise le sens ÇEx., xxxiv, 14 [autre Dieu] ; Deut., xxxii, 12 [Dieu étranger] ; Ps. lxxxi, 10 [item]). Surtout il exprime le vrai Dieu, le Dieu d’Israël, on pourrait dire Dieu tout court. Dans ce cas. il est toujours au singulier, avec ou sans article, susceiitible de recevoir tous les qualilicatifs en rapport avec cette signification ; on rencontre des exemples de cet emploi à toutes les pages de l’Ancien Testament. A noter ces expressions : '£/, Dieu d’Israël (Gen., xxxiii, 20) ; 'El, dieu des esprits de toute chair (A’uni., ^vj, 22), dans lesquelles le nom commun 'El prend la place du nom propre de la divinité. — d} Certains déterminatifs du nom 'El méritent une attention à part. Il faut d’abord mentionner l’appellation 'El Élvôn ( jT^y), à côté de laquelle on rencontre aussi 'Elohim ' Ehon (Ps. Lvii, 3 ; Lxxviii, 56), Yaluveh Élyon (Ps. vu. 18 ; xi. i, 3)et. bien plus souvent encore, 'Elyon sans plus (.um. XXIV, 16 : Deut., xxxii, 8 ; surtout dans les Psaumes). Dérivé de la racine 'àlah, monter, cette épitbéte est exactement rendue par : le Très Haut.

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