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FRÈRES DU

SEIGNEUR

la sagesse humaines’en trouve confondue et scandalisée. Avec cette disposition, laconsoiente chrétienne a dû avoir des raisons pressantes pour professer la naissance virginale du Christ et la perpétuelle virginité de sa mére, étant donné surtout que certains passages des Evangiles semblaient dire le contraire.

On à prétendu que « le dogme de la conception virginale du Christ appelait, comme son complément natnrel et nécessaire, la virginité perpétuelle de Marie, et celle-ci suivait celle-là de si près qu’elle ne semblait pas pouvoir en être séparée ». G. l’Erzoc, Rev. d’Hist. et de Litter. relig., 1907, p.320 ; cl. p. 327. Voilà une manière très libre d’écrire l’Listoire des doctrines chrétiennes. Avec cette methode, on peut, certes, fournir une explication quelconque du symbole actuel ; mais, on peut aussi, ethien davantage, faire voir que ce symbole devrait, à ce compte, être différent de ce qu’il est en effet.

Les anciens, notamment saint Epiphane et saint Jérome, ont, il est vrai, comparé lesein de la Vierge au tombeau neuf, dans lequel fut déposé le corps de Jésus ; ils ont insisté sur la souveraine convenance qu’il y avait à ce que la porte, qui avait livré passage au divin Roi, restàt fermée pour tout autre. Mais, ils ne se font pas illusion sur la portée de ces considérations. qui rendent le dogme plus croyable, sans être capables, à elles seules, de le fonder.

On insinue que la croyance en la perpétuelle virginité de Marie aura commencé au second ou au troisième siècle, de la même façon qu’au quatrième siècle la virginité de saint Joseph. qui devait être le gain doctrinal de la polémique de saint Jérôme contre Helvidins. Au terrain déjà acquis sera venue s’ajouter une conquête nouvelle. Nous acceptons l’exemple, car il est bien choisi pour faire saisir la différence profonde, infranchissable entre un dome et une pieuse eroyance.

Quand se produisirent les dénégations de la perpetuelle virginité de Marie, ce ne fut qu’une voix dans la chrétienté, en Orient comme en Occident, pour protester, au nom de la foi traditionnelle. Les novateurs furent traités d’insensés, de pervers ce d’impics. Origrène les avait déjà appelés hérétiques. On s’attacha avant tout à aflirmer le dogme, l’explication des textes faisant difficulté restait an second plan. À plusieurs reprises, l’Eglise est venue, par ses débnitions sanctionner cette protestation de la conscience chrélienne. Au contraire, quand saint Jérome parle de la virginité de saint Joseph, il n’a arde de se réclamer de la tradition : il sait, et il l’avoue, que des anciens (pas des moindres), ont pensé diffèremment à ce sujet. C’est au nom des textes, c’est pour donner satisfaction à la piété des fideles, qu’il oppose son exégèse à l’atlirmation audacieuse de ceux qui ont fait de saint Joseph le père, selon la chair, des frères du Seigneur. Le sentiment de saint Jérôme est devenu commun dans l’Eglise, et on a bien pu dire, qu’eu égard à l’action directrice de FEsprit-Saint sur la piété des fidèles et le culte chrétien, il y aurait témérité à le révoquer en doute, ce standale à parler contre ; mais pas un théologien n’a prétendu que ce l’üt là un dogme de foi, ni même une doctrine débnissable. Le judicieux Tillemont le faisait déjà observer, en y insistant. Cf. Mémoires pour servir à l’hist. ecclés., 1693, t. I. p. 505.

Le culte croissant pour la virginité, dont le monachisme est, au quatrième siècle, l’expression publique et sociale. a-t-il excreé une influence appréciable sur les doctrines eoncernant le mariage de Marie et de Joseph ? Il est incontestable que les sympathies ou les antipathies pour le monachisme ont activé la po- Jlémique à ce sujet. Des deux côtés, on a cherché dans l’Ecriture des textes pour exalter ou pour


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déprimer Fétat de virginité, Ceux-ci avaient intérêt à faire de Marie le type de l’épouse chrétienne, ne se distinguant de l’honnète mère de famille que par l’honneur de la maternité divine ; ceux-là étaient heureux et fiers de pouvoir mettre sous le patronage de la « Toujours Vierge » la pratique de la virginité, qu’ils estimaient être l’idéal de la vie chrétienne, Que sous l’empire de ces préoccupations en sens inverses, des excès se soient produits, même du côté des orthodoxes ; que l’ont ait donné à certains textes une portée qu’ils n’avaient pas, nous en convenons. Mais il est clair, — et notre étude à voulu en fournir la preuve, — que ces influences ne suffisent absolument pas à expliquer, du point de vue strictement historique, l’origine du dogme de la perpétuelle virginité de Marie ; ni la violence qu’à un moment donné, l’exégèse chrétienne aurait dû faire subir au sens primitif des textes de l’Evangile.

Du reste, qu’est-il besoin d’attendre jusqu’au ive siècle pour signaler la réaction possible de la pratique sur la doctrine ? Le Christ en personne, et saint Paul après lui, ont proclamé, des la premiére heure, la prééminence de la virginité sur le mariage ; et l’on sait assez que l’Eglise n’a jamais manqué d’une élite, hommes et femmes, qui ont tenu à conformer leur vie à cet idéal évangélique, Si le dogme de la perpétuelle virginité de Marie est le produit spontané de cette estime pour la continence, comment se fait-il que Tertullien, dont l’encratisme excessif est bien connu, ait été Fancètre d’Helvidius ? Et encore, pourquoi l’ascétisme de saint Epiphane, qui était pour le moins aussi marqué que celui de saint Jérôme. ne lui a-t-il pas suggéré l’idée de la virginité de saint Josepl\ ?. Et tant d’autres questions qui. sur ce terrain, restent sans réponse salisfaisante. Mieux vaut donc se tenir aux flails et aux textes que de subordonner sa pensée à une théorie préconçue.

2. Quel est le degré de parenté qui a valu à Jacques, Joseph, Simon et Jude d’être appelés les « Frères du Seigneur » ? Il n’existe à ce sujet aucune donnte dogmatique proprement dite ; la tradition historique elle-même n’est ni uniforme, ni constante. Le sentiment de saint Jérôme, qui en fait des cousins de Jésus, a depuis longtemps supplanté l’opinion de saint Epiphane : mais ce succès ne suffit pas à le rendre de tous points certain. Son exégèse à, du reste, subi, au cours des âges, plus d’une modification.

Au lieu de cousins maternels, on parle plus volontiers aujourd’hui de cousins paternels. Et même, les parents de Jésus sont assez couramment divisés en deux groupes. Le texte des évangiles semble autoriser cette distribution. En certains passages, On se contente d’énummérer, au nombre de quatre, les Frères du Seigneur ; mais ailleurs quand leur mère est nommée, on n’en compte plus que deux : Jacques et Joseph. Matth. xxvir, 56. N’y a-t-il pas là un indice significatif qu’ils n’étaient pas tous parents de Jésus au même titre ?

Aussi bien, des auteurs, qui deviennent chaque jour plus nombreux, tiennent que Joseph (époux de la sainte Vieryc) avait un frère : Clopas, et une sœur : Marie, femme d’Alphée. Dans cette hypothèse, Mspco ñ 705 Kiur& est à traduire Warie sœur de Clopas, et Moss à T0 Tes Marie, mère de Jacques. On voit que ce sentiment n’admet pas l’identification de Clopas avec Alphée. De Clopas seraient nés Samson et Jude, tandis que de Marie seraient nés Jacques et Joseph. C’est la combinaison suggerée par le témoignage d’Hégésippe, celle aussi qui donne plus facilement salisfaction aux textes du Nouveau Testament. On peut en voir la justification détaillée dans le P. Caruers, L’évangile selon K. Jean, p. 153.

Les identifications ultérieures sont encore plus