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JUDITH

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insolubles. L’armée d’OIoplierne suit un itinéraire vraiment incompréhensible, et le reste des données similaires n’est pas moins énigmalique » (Lucien Gautiku, Introduction à l’Ancien Testament, 2" éd., 1914, 1. II, p. 357).

D’autres dillicultés sont résolues sans trop de peine. Ainsi, dans l’histoire juive on ne rencontre nulle trace d’une fêle instituée en souvenir de la victoire de Juditli. Mais cette institution est relatée seulement dans la Vulg^ale (xvi, cil) ; et ce dernier verset peut l)icn n’être pas authentique.

Pour les raisons indiquées et d’autres analogues, la plupart des exégètes protestants, et quelques auteurs catholiques (Jahn, Movers, Fr. Lcnormant, Ant. Scholz) ont renoncé à admettre le caractère historique du livre de Judith ; ils prennenl ce récit pour un roman historique, pour une tiction ou une parabole. Ant. ScuoLZ, dont l’opinion reste isolée, en faisait une prophétie ou une apocalypse (système étrange d’exégèse qu’il étendait à d’autres livres de la Bible). Beaucoup y voient une composition libre du temps des Macliabées, destinée à encourager le peuple juif à la résistance contre les tyrans et à l’observation lidéle de la Loi. Us appuient cette manière de voir sur certains traits du récit dans ce sens, spécialement dans les discours d’AcUior (eh. v) et de Judith (vni-ix).

Ceux, au contraire, qui par respect pour la tradition exégétique, ont à cœur de défendre l’historicité, reconnaissent pourtant <ju’il est impossible d’admettre comme exactes toutes les données du livre dans sa forme actuelle. Depuis les i)remiers siècles de l’Eglise (S. Ilippolyte. Eusèbe, S. Augustin, etc.’) jusqu’à nos jours tous les essais ont été faits pour remplacer Nabuchodonosor par un roi mieux en rapport avec la situation. Une vingtaine de personnages ont été proposés : Adadnirari 111 (81’2-’ ; S3), Mérodachbaladan, Asarhaddon, surtout Assourbanipal (668-626), et encore Samasioumoukin, Kinidalan (Kandalanou), Cambyse, Darius I’"', Xerxès I"’, Artaxerxès Ochus, etc. Des auteurs protestants descendent même au ii< : siècle de l’ère chrétienne et voient, sous le nom de Nabuchodonosor, les empereurs Trajan ou Hadrien ; ils oublient que le livre de Judith est déjà cité par S. Clément de Rome, vers la lin du 1" siècle. « Un fait est indéniable, remarque le P. J. Cales. Dès iju’on essaye de situer Judith en un point déterminé de l’histoire sacrée, les dillicultés surgissent, dont les plus ingénieux efforts ne viennent pas à bout » (Eludes, 20 mai 1908, t. CXV, p. 533).

Presque tous les auteurs catholiques (Delattre, Vigoureux, Palmieri, Cornely, Ivaulen, etc.) pensent, à la suite de M. F. Rodiou^, que le roi en question est Assourbanipal. Arphaxad représenterait ou Déjo. ces, ou Phraortes ou Samas-soum-oukin. On trouve une grande analogie entre certaines campagnes racontées dans les Annales d’Assourbanipal et celles dont il est question dans le livre de Judith. Et l’on croit pouvoir rendre compte de la situation en pla 1. Jui-Es l’Africain idans Suidas au mot ^lo-jSr/j), EusiiBE (Chron., l. II, P. G. t..X, col. 468), S. JtRÔ.MK, dans l’interprétation de la Chronique d’Eusèbe (P. L., t. XXVII, col. 43Ô) se prononcent pour Cambyse ; S. Augustin, pour Cambyse ou Darius (P. L., t. XLI, col. 583.’/ ; l’anteui" des Constitutions apostoUques pr<’fcre Darius iP. G, t. I, col. 1069. De même, semble-t-il, S. HiproLYTE. S. Jkkô.me dans son commentaire A’isaïe indique Assuérus (Xerxès) (/*. L, , t. XXIV, col. 160 tandis que Sulimce Si’ ; TfeRE, on va le voir, se décide pour Art : ixerxès Ocbus.

2. « Dans la Revue arcltéologique et ii p ; , rt. en 1875, sous ce titre : Deux (Questions de chronologie et (Vhisloire éclair^ des par les Annales d’Assourbanipal » (Vigoureux).

çant tous les événements pendant la captivité du roi de Juda, Manassé(ll J’ar.. x.xxiii, 11). On peut voir une exposition détaillée de cette interprétation dans : ViGounoux, Art mille et les découvertes modernes, 6= éd., 18y6, t. IV, p. gy-iSi ; Gillet, Tohie, Juditli, Esther, 1871), nouv. éd. 1897, dans La Sainte llible (Lethielleux) ; H. Cobnely, IJist. et crilica Jnirud. 1887, 11, 1, 397-l’|I2. Mais si l’auteur raconte l’histoire exacte d’Assourbanipal, pourquoi nomiuc-t-il ce roi

« Nabuchodonosor » ? Et, si ce nom a été changé, 

d’où vient ce changement systématique dans tout le livre ? « On ne s’explique pas, dit avec raison le P.-Ferd. Phat, comment les copistes auraient opéré partout une substitution si singulière » (IHctionnaire de la Bible, t. 111, col. 1829). D’ailleurs, le Nabuchodonosor de Judith, qui veut que toutes les nations, langues et tribus (Tr « » Ta tk iUrr, , zai ny.^v.i ai -/’/.Ciizv.i. /.’A nSiyi « 1 tu/ ».i a.’j-Cri) l’adorenl comme un dieu (m, 8) ressemble bien au Nabuchodonosor de Daniel (m, 7) qui exige que toutes les nations, tribus et langues (7 : « vt « tk i’/v/ : , fuMi, /.y.i /l’Sizia.t) adorent sa statue.

Une autre opinion, qui paraît avoir plus de probabilité, place l’expédition d’Holopherne souslc règne d’Artaxerxès 1Il Ochus, vers 350 av. J. C. C’est la manière de voir de Sulpice Sévère (-j- ^20-425) ; il l’expose avec beaucoup de sagacité et d’érudition dans ses Chroniques(IIisloria sacra), II, xiv-xvi (P. /.., t. XX, col. 137). Un savant du xviii’siècle, GiiîEnT, a soutenu ce sentiment, avec force preuves à l’appui, dans un mémoire lu à V Académie des Inscriptions et Belles-Lettres{f]b ! i, t. XXI, p. 42-82). Plus récemment et de nos jours, Herzfeld, Gutschmid, Nôldeke, Robertson Smith, Wellhausen, Em. Schiirer, Steuernagel, pensent également que « l’arrière-plan » historique du livre de Judith doit se placer sous Artaxerxès Ochus. Ce roi, dans une de ses campagnes contre la Phénicie et l’Egypte, lit des prisonniers parmi les Juifs (EusLBE, Cliron.,. II, P. G., XIX, col. 486). Suivant DioDORE DE Sicile, il avait parmi ses principaux généraux Ilolopherne, frère du roi de Cappadoce, et l’eunuque Bagoas (Diod., XXXI, xix, 2-3, XVI, xlvii, 4, XVll, V, 3). La coïncidence avec Ilolopherne et Bagoas (LXX ; — Vulg. Vagao) du livre de Judith ne saurait être fortuite, remarque ScHiiKKn (Geschichte des Judischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 3’éd., t. lll, 1898, p. 169, et Healencyklopddie

fur protest. Theol. and Kirche, 3 « édit., t. I,

18r, 6,

p. 6/16.)

Gibert, dans la dissertation mentionnée ci-dessus, réfute les raisons qui ont amené beaucoup d’auteurs à placer cette histoire avant l’exil de Babylone, à savoir : le roi qui envoya Holopherne en Syrie était roi des Assyriens et de Ninive ; — Arphaxad, qui fut vaincu par ce roi est celui qui bâtit Ecbatane ;

— enlin, les Mèdes font la guerre aux Assjriens. Il répond : 1° « L’Ecriture donne indill’éremment le nom de rois d’Assyrie aux rois de Perse, depuis la captivité comme auparavant ; on en a un exemple dans Esdras, où ce même titre est donné à un Darius. .. » [Esd.. VI, 22 ; cf. Punk, XIX, iv : «.Vssyriae rexCyrus » [et Hérodote, VII, lxiii|) ; 2° « Déjocès, il est vrai, fut le premier fondateur d’Ecbatane ; mais elle a pu depuis être rétablie, agrandie, embellie ou fortiUée plus d’une fois et par d’autres que par Déjocès ; or l’expression de l’Ecriture ne signille point nécessairement qu’Arphaxad a fondé Ecbatane, elle peut désignerseulement qu’il l’a rebâtie, agrandie, embellie ou fortiliée… » ; 3" « La réduction des Mèdes sous le joug des successeurs de Cyrus, ou, si l’on veut, leur réunion à l’empire des Perses, n’empêche pas qu’ils n’aient pu s’en séparer, se soulever contre leurs nouveaux maîtres, leur faire la guerre.