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JONAS

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semblent mulliplics bien facilement, et l’onn parfois quelque peine à y voir des moyens en proportion avec Id lin. Au contraire, tous les traits, qui, pris selon la stricte réalité, pourraienlparaitreclioquants, se comprennent aisément dans un récit fictif, où les caractères sont fortement accentués, ladillioulté des situations exagérée, parfois même au mépris des vraisemblances, en vue de l’impression tinale et delà leçon morale à inculquer. « Ce n’est point pour prodiguer à plaisir le merveilleux » que l’auteur o fait intervenir le poisson et pousser le ricin ; mais il lui importait de niarqueret irallirnier la toute-puissance divine, disposant amplement de moyens souverains pour ramener, au l)esoin maljrré lui-même, le prophète récalcitrant à l’exécution de sa mission… » (Vax lIooxACKEB, l. c. j). 316.)

Quant à l’objection ////eraire, àpropos du cantique, au cil. II, le mieux est de dire u que l’auteur s’est dispensé, dans la composition du poème, de tout égard à la situation objective de son personnage, pour s’en tenir à sa propre appréciation subjective qui ne voyaiten somme dans le poisson que l’instrument providentiel de salut qui devait ramener Jonas à la terre ferme » (/rf., p. 33 1).

La leçon princijjale du livre paraît être celle-ci : La providence, la loute-piiissance et la miséricorde de Dieu s’étendent à tous les hommes. Même les pires ennemis d’Israël peinent, par la pénitence, obtenir leur pardon, l’onr le peuple privilégié, c’est là une doctrine étrange L’état d’esprit d’un Israélite à cet égard est vivement représenté dans la personne de Jonas. Les Assyriens sont admirablement choisis pour mettre en relief cette universalité du salut. Parmi les puissances hostiles au royaume de Dieu ils furent les plus redoutables : loin d’être exclus, ils sont exhortés par un prophète.

Au eh. IV, comme au eh, i. Jonas a une peine extrême à admettre les desseins de Dieu sur Ninive ; il en est triste jusqu’à la mort. Ce qui l’alUige tant, ce n’est pas le démenti donné à sa menace (laquelle d’ailleurs pouvait fort-bien ne point passer pour absolue ) — la disproportion entre la cause et l’elfet serait comique ; et l’égoïsme du prophète semblerait odieux — ; mais, plutôt, la faveur accordée aux Ninivites, peut-être aux dépens d’Israël. Le ministère prophétique ne risquait pas d’être discrédité par le rôle prêté à ce prophète, puisque, selon toute probabilité, le livre a été composé à une époque où il n’y avait plus de prophète en Israël, à la lin du v= siècle avant Jésus-Christ, ou vers ce temps (c’est l’opinion de plusieurs exégètes conservateurs, comme Van lUxinacker. Ed. Koenig, von Orclli, — en particulier à cause des ai-ama’ismes de la langue ; voir plus haut les autres raisons).

IV. Argximents pour et contre l’historicité. — On en trouvera un bref et limpide exposé dans.Spécial Introduction to the Studr oftlie Old Testament, par M. l’abbé Francis E. Gigot, t. ii, 1906. pp.^S^-iJg^. Examinons d’abord les témoignages de la tradition, puis les preuves intrinsèques.

Témoignages de la tradition.

I. On cite généralement comme plus anciens témoins de l’interprétation historique, traditionnelle, du livre de Jonas : Tob.. xiv. 4 ; 1Il Mach.. vi. 8(apocrj-phe de l’an 100 environ av. J.-C) ; Klavii-s Josèi’hk. Antiq. IX. x. 2. — Les deux derniers témoignages sont signilicatifs, surtout celui de Josèphe. Mais dans Tob. XIV, 4. le nom de Jonas manque dans la version syriaque (éd. de Lagarde, 18C1) cl dans la Vulgatc. Lesmss. B et.de la versioir grecque portent le nom de Jonas ; mais le Sinaiticiis donne Nahum, qui

parait exact à M. Simpson dans sa traduction critique de J’obie (dans The Apccrvpha and l’seudepiiirapha ofthe Old Testament. Oxford. 1913. t. I. p. 23<j). Il est bien probable que le texte primitif ne contenait aucun nom de prophète. Kn tout cas. le nom de Jonas ne convient pas, car dans la prophétie de Jonas Ninive est sauvée, tandis que d’après celle-ci Tobie attend la ruine de Ninive.

2. Un témoignage incomparablement plus important est celui de l’Kvangile rapportant les paroles de Notre-Seigneur..ux scribes et aux pharisiens qui demandent un signe, nul autre signe ne sera donné, dit le Sauveur, que celui du prophète Jonas ; car de même que Jonas a été dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. Les Ninivites se lèveront, au (jour du) Jugement, avec cette génération, ei la condamneront, parce qu’ils ont fait pénitence à la voix de Jonas, et il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi se lèvera, au (jour du) Jugement, avec cette génération, et la condamnera, parce qu’elle est venue des extrémités de la terre, pour entendre la sagesse de Salomon, et il y a ici plus que Salomon » (Matth,. xii. 39-^2 ; — cf. /.HC, XI, 2g-32. où il n’est pas question du signe relatif à la résurrection de Jésus, et où l’exemple de la reine du Midi vient avant celui des Ninivites).

C’est là, comme le remarque avec raison le card. Meignan, « la plus forte olijection » contre l’opinion qui fait de l’histoire de Jonas une « simple parabole » : ’(le Christ parle du miracle de Jonas comme d’un fait réellement arrivé ». n On a répondu, ajoute-t-il, que le Sauveur avait parlé selon le langage et les traditions de ses contemporains sans vouloir les contredire quand il n’importait pas de le faire. » (Les Prophètes d’Israël, 1893. pp. 368, 369). Il ne s’agit point du tout, pour les auteurs catholiques, de limiter le moins du monde la science de Xotre-Seigneur. mais seulement de savoir s’il a pu, ou non. accommoder son langage à certaines idées courantes, en matière scientifique, historique ou littéraire, quand l’intérêt de la vérité religieuse ou de sa mission divine ne demandait pas qu’il les corrigeât. Un bon nombre d’exégètes catholiques pensent qu’il a pu le faire, et employer en toute vérité et loyauté l’argument ad liominem : soit explicitement, comme quand il dit aux pharisiens, dans un passage où se trouve justement une allusion au signe de Jonas, Malth., j. i-zj : « Le soir vous dites : Il fera beau, car le ciel est rouge… Vous sa^cz donc [c’est-à-dire : suivant leur conviction, dont Notre-Seigneur ne garantit pas le bien-fondé] discerner les aspects du ciel, et vous ne savez pas reconnaître les signes des temps ? » Soit implicitement, en proposant, par exemple, une parabole. S. Matthieu, xii, 43-^5. aussitôt après les paroles, citées plus haut, sur le signe de Jonas. rapporte une parabole, où l’on voit le démon aller a dans les lieux arides, cherchant du repos », puis revenir a avec sept autres esprits plus méchants que lui ». En commentant ce passage, dom C’.almet admet sans hésiter que a Jésus-Christ parlait aux Juifs suivant leurs préjugés et leur idée populaire ». -V propos du « sein d’Abraham ii, dans la parabole de Lazare et du mauvais riche. Luc. xvi, 22, le même exégète écrit : « Le Sauveur se proportionne à la portée et aux préjugés de la multitude, dans ces choses où l’erreur n’est point à craindre. »

Ces considérations s’appliquent au cas où Notre-Seigneur. connaissant le livre de Jonas comme une pure parabole, l’aurait utilisé comme historique, pour un argument ad hominem. à l’adresse de ses interlocuteurs qui en admetlaienl l’historicité. Mais la chose est bien différente, si l’on prouve que l’exemple