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JÉSUS CHRIST

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croire et rejetait, pour cette raison, raullienlicité de six épîtres sur sept’. Toutes, en elTet, sonl pleines cl, pour ainsi dire, saUirées par la notion de l’IiyUse, une, sainte, callioliquc, aposlolique ; de l’Eglise qu’Ijjnace considère, selon une heureuse formule,

« comme le système même du salut ihms tous le ;  ; 

temps, sans excepter le passé de 1 histoire d’Israël- » ; de l’Eglise hiérarchique enlin. L’évêque, pour Ignace, incarne son église (Aj Jipiit’S., i ; Ail Trait., i) tout comme la grande Eglise calholique est l’incarnalion continuée du Fils de Dieu (AJ.Smrni., i ; etc.). Ne croirail-on pas lire un des j)lus enlliousiastes champions de l’unité de l’Eglise en notre temps, un Adam MoKHLKH ou un Louis-Edouard Piu ?

Contre les schismaliques et les fauteurs d’opinions hérétiques, le vieil évoque n’a pas assez d’anallièmes, et toute image lui est bonne qui inspire l’horreur de ces ennemis de l’unité ecclésiastique : « chiens enragés, fauves à face humaine, loups ravisseurs, empoisonneurs, tombeaux, ivraie diabolique, rameaux parasites chargés de fruits de mort^… »

446. — Traversons àregret l’ère des martyrs (quelle moisson nous pourrions recueillir chez le seul saint Iiui.sÉB de Lyon !) pour interroger, au début du V’siècle, le grand cœur d’Augustin de Thagasle.

Le lils de Monique nous a dit lui-même pourquoi, durant les neuf années d’égarement au cours desquelles, ses études achevées, il resta empêtré dans les doctrines captieuses des manichéens, son esprit ne put trouver le repos en aucune philosophie profane.

« Le nom de mon Sauveur, Aotre Fils [mon

Dieu], c’est par le lait de ma mère que mon cœur tendre en avait été imprégné jusqu’au fond. Là où manquait ce nom, nonobstant toute littérature, toute beauté, toute vraisemblance, je n’étais pas pleinement ravi *. »

Aussi, quand après des années de lutte et cette mémorable conversion, Augustin s’est lentement d<’gagé des brumes de l’intelligence, arraché, tout saignant et meurtri, aux liens de la chair, Jésus devient « le point d’orientation de son àme^ ». II est à la fois, en tant qu’homme, l’unique voie pour aller au Père, en tant que Dieu, le terme et la patrie des âmes. Il est le Verbe divin, et c’est ce qui retient surtout la pensée théologique du docteur ; mais le Clirist humilié dans l’Incarnation, le Christ exemple et professeur d’humilité, est l’objet de sa prédilection marquée*. Aux pieds du Maître doux et humble, la superbe humaine, autrement invincible, cède, se dégonfle et meurt. Platoniciens, néo-platoniciens, mauvais maîtres ! « A tous manqua rexemi)le de l’humilité divine. » Voulez-vous la force d’accomplir ce qui se jirésente à vous comme bon et meilleur ? Cherchez-vous la force d’égaler votre conduite à votre idéal ? — Vous chercherez en vain, loin du Christ humilié. Augustin en lit l’expérience : « J’étais en quête de la force nécessaire et je ne trouvais pas.. Car je ne tenais pas encore entre mes bras mon Seigneur Jésus, humble I disciple d’un| humble |Maître| ;

1. Les Evangiles, >. xix sqq., 488 sqq. Aucun savant de quelque autor Ité ne met plus en doute cette authenticité, d’-puis les travaux surtout de J. B. Lightfoot elde Th. Zaus.

5. H. DE GesOflLLAc, CEî^lisr chrelîenrir au temps de S. lifiiæe d’.intioe/ie. Paris, IVOT, p. 100.

: <. Vi’ir A. Lklong, lib. taud., p. xli-.ilii.

4. Confess., III, iv, 8.

5. K. PoKTAi.ii’ : , Dictionnaire de Titéologie rat/toli’/ite, s. V..4uiustiii, I, col. 2361.

Cl. Otto ScuKKL. die Anschauun^ Auifiiatins ùber Christi Person u"d li’cr/t, Tilbingen, 1901, p’347 sqq. On trouvera là les textes que je cite ou i-ésume.

non cnim tenebam duminum meum Jesiim, liumilis buiuilem’. »

447. — C’est au livre de la sainte Virginité qu’il faut chercher |)robablemenl les plus touchantes ell’usions d’Augustin. Il y anticipe ce que les plus suaves amis du Christ ont dit ensuite de meilleur. iS’e trouve-t-on pasconcentréesences quelques mots, comme en une goutte d’essence pure, tous les parfums, toute la dévotion, toutes les dévotions des âges futurs, celles du crucilix, du chemin de la croix, celle du Sacré Cœur ?

Contemplez les blessures du Christ pendu en croix, le sang[qu*il ver^^o] en monrant, le prix donlil vous rucliète… I ! a la tête inclinée pour vous donner un haisi^i-, le cœur ouvert pour cberir, les brasétcnilus pour vous embrasser, tout le corps exfiosé conime prix de votre rachat. Songez à la grandeur de ces mystères ; pesez-les dans la bidance de votre cœur et que soit tout eutier gravé dans votre cœur celui qui tout entier fut pour nous cloué sur la croix.

Comment ne pas citer encore cette parole qui prend, sur les lèvres d Augustin, une émouvante et mélancolique beauté, lorsqu’il souhaite à de plus heureux que lui la seule nuance d’intimité avec son Maître que sa vie passée lui interdît :

Cet Agneau ^dit-il en couimentant le texte célohre de l’Apocalypse — cet Agneau marche dans un chemin virginal. Comment pourraient le suivre là ceux qui ont perdu un don qui ne se peut retrouver ? Vous, suivez-le, à la bonne heure, vierges du Christ… Stiivez-le, en gardant avec persévérance ce que vous avez voué dans l’ardeur de vos âmes… Toute la multitude des fidèles, qui ne peut [en cela] suivre l’.Agncau, vous verra : elle vous verra et ne nous enviei-a pas ; et, en se réjouissant avec vous, elle ti-ouveræn vous ce qu’elle ne possède pas en elle-même’-.

448. — Mais on se ferait une idée bien fausse de la tendre piété augustinicnne si on se la représentait

« libérée » du dogme, ou « affranchie » des règles

ecclésiastiques. Non seulement les expansions de cette grande âme ne se sonl jamais senties gênées par les devoirs de la confession orthodoxe ou de la soumission hiérarchique, mais ces devoirs sont pour lui. d’abord, l’instrument de sa libération intérieure et l’objet de sa perpétuelle action de grâces.

Comment en eùt-il été autrement ? C’est à l’Eglise catholique qu’Augustin se reconnaît redevable de l’Evangile et, par lui, de Jésus : « Ipsi evangelio calholicis prædicanlibus credidi » 3. Soit, dira-t-on, mais une fois dans la place, Augustin interpréta et goiita les Ecritures en suivant son sens propre ! — Ce serait avouer ne rien connaître aux œuvres de l’adversaire implacable des Donalistes, de l’auteur du De Vnitate Ecclesiae, du De Moribns Ecclesiue calholicae. Nos adversaires protestants sont les premiers à donner au Docteur africain le beau litre, entendu ici dans son sens littéral et plein, de Docteur de l’Eglise’.Toutes nos convictions catholiques trouvent chez lui des formules d’une énergie et d’une concision incomparables. « Je crois que Notre Seigneur et l’Eglise, c’est tout un », disait Jeanne d’Arc à ses

1. Confess., ’Vil, XVIII, 2’i.

2. De Saneta Virginitale, P. L.. XLII, Col. 412.

3. Contra EpistuL Fundamen/i, v, (i. P. L., XMI, col. 176. C’est par cette parole qu il faut coniiuencer pour pénétrer le vrai sens du mot célèbre : « Exangelio non crederem nisi me catliolicæ Ecclesiæ commoveret anctorilas ii, si souvent mal comprise. Voir la belle étude de L. de Mon-DADOK, Hible et Eglise dans l’apologétique de saint.Augustin, dans les Recherches de Science religieuse, de 1911, en particulier, p. 217 s(]q.

4. Voir par exemple ce que dit Ad. Harnack, Lchrbuch der Dogmengeschichle’, 111, Tiibingen. 1910, p. 77 sqq. ; 143 sqq.