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JESUS CHRIST

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entre hommes, l’union conjugale, n’en fournit qu’une analogie lointaine, et trouve dans l’union du Christ et de son Eglise son inaccessible modèle : Eplies., v, 21-33.

(Ju’on juge par là de ce que Paul aurait pensé d’un clirélien prétendant rester tel en dehors, à côté, aux alentours de l’Eglise ! Cet liomme est une pierre rejetée par le divin Architecte ; un membre détaché du corps et promis à une prompte corruption ; un (ils de l’étrangère, que l’unique Epouse ne connaît pas.

433. — A cette interprétation duCliristpar l’Esprit, quelque chose devait-il s’ajouter ? On aurait pu en douter. Tandis qu’en union étroite avec les apolres de la première heure elles Eglises de Palestine, Paul dégageait ainsi les caractères de, transcendance et de

« philanthropie », la profondeur et le charme, la

bénignité et l’immense dignité de son Maître, des hommes, mus également par l’Esprit, recueillaient en elFet de la bouche des témoins survivants l’Evangile de Jésus. Us l’ordonnaient en récits suivis. Quoi qu’il en soit des détails de rédaction et « d’édition >, tians lesquels il ne convient pas d’entrer ici, nos évangiles synoptiques fournissaient, longtemps avant la lin du premier siècle, de la doctrine et de la vie extérieure du Sauveur, une image consistante, historiquement certaine, où la foi trouvait sa justilication et son aliment.

Ces deux monuments authentiques, les Epitres de Paul et l’œuvre synoptique(en y comprenant » le second Discours « de saint Luc), nous permettent d’apprécier ce qu’était le Christ pour sespremiers lidèles ; beaucoup plus qu un Maître et plus qu’un prophète : le Seigneur qu’on prie et qu’on adore. La résurrection avait été pour eux une lumière : l’efTusion ultérieure de l’Esprit leur permit d’interpréter dans cette lumière, sans crainte de mirage ou d’erreur, les actes et les paroles de Jésus. Les arceaux de la croyance chrétienne montaient ainsi, par la simple mise en place des matériaux que 1 Eglise possédait dès le début.

434. — Paul prononce déjà les mots décisifs : antérieurement à sa venue en chair, Jésus est « dans la forme divine ». L’humanité est pour lui une forme servile ; en la revêtant, il se dépouilla, autant que faire se peut, des honneurs auxquels il avait droit et qui l’égalaient à Dieu : Pliil., ii, 5-i i’. Une autrefois, au lieu de résumer en quelques traits le drame prodigieux delà rédem|)tion, l’apùtre insiste sur la primauté de Jésus. Primauté en tout ordre et par rapport à tout le reste : monde céleste et terrestre, angélique et humain, de nature et de grâce,

… Inmge du Dieu invisible, premier-né avant tonte créalure ; cnr en lui tout a élé crée dans les cieux et sut- la terre, les choses visibles et les invisibles, trônes, duiuiuations, |irincipaut<s, puissances — tout a été créé par lui et pouf lui. Et il existe avant tout et tout subsiste en lui ; et lui-même est la tête du corps, de l’Kglise ; il est le principe, le premier-në d’enti-e les moi-ts, afin d’avoir la primauté en tout, parce qu’il a plu à toute la Plénitude d’habiter en lui, et par lui de tout se récnncilier, pacifiant par le sanp de sa croix, par lai, ce qui est sur la teri-e et ce qui est dans les cieu^. Col., i, 13-20 2.

Allant plus loin, mais seulement dans la formule, Paul proclame son Maître « élevé au-dessus de tout, Oieii béni à jamais y ; lioni., ix, 5.

Par ce mot (dont l’authenticité substantielle ne

1. Sur le texte, Ferdinand 1*rt, ta Théologie da saint Paul, I, p, ^.’îfî-’lSI ; et H-.Si : miMA( : Hi : R, Cliristus in seiner Prtie riatenz und Kfnosc nach Pliil.^ il, "i- ?, ! , Rome, 1ÎM4.

2. Bref commentaire dans J. I.kbki ton, Orii^ines, p.."iOO sqq.

3. Alfr. Durand. Keviie lUblK/iie, r.Kl3 p. 550 sqq. ; F. Prat, l.a théolùgie de saint l’aul. H, p. ISl scpj.

dépend nullement de la ponctuation d’un texte, puisqu’il résume et reprend ce que l’apôtre enseigne sûrement ailleurs), la clef de voûte était posée, et de main d’ouvrier. Jésus est Dieu.

435. — Pour rappeler et maintenir, (et des le début, il en fut besoin) qu’il était homme aussi, les Synoptiques étaient là. Déjà les deux éléments, le divin et l’humain, s’accusent nettement, nous l’avons vu, dans les déclarations du Maître qu’ils nous rapportent. Toutes les données sont là, mais, chose admirable 1 la foi postérieure qui les interpréta explicitement n’a pas réagi sur les formules primitives pour en majorer les termes, ou en forcer les oppositions. Mises par écrit en un temps où la théologie paulinienne et apostolique avait poussé jusqu’au terme la logique de ses démarches, les paroles du Sauveur gardent en nos évangiles leur caractère de suggestion et de mystère, marque indélébile de leur authenticité. Elles existent cependant, et non seulement se prêtent à l’ultime revendication chrétienne, mais, pour qui sait comprendre, l’impliquent.

436. — Elles impliquent également, nonobstant une discrétion qui n’est pas moins notable, les prérogatives souveraines de l’Eglise. Ne rappelons ici ([iie pour mémoire les textes où les droits n de lier et de délier », d’instruire et de gouverner, et d’un mot la délégation universelle et perpétuelle des pouvoirs du Christ, sont promis ou conférés aux apôtres. Pour assurer l’exercice de cette tâche surhumaine conliée d’abord à Pierre, d’une manière éniinenle et inaniissible, puis à tout le collège apostolique, une assistance spéciale et constante du Maître est promise’.

437. — Quelque chosecependantrestaità dire. Les deux faces de l’histoire du Christ : l’évangile de la chair, raconté dans un certain détail par les Synoptiques, et Véi’aiigile de l’esprit, qui replaçait Jésus dans la perspective de l’éternité, suggéré ou, dans certains de ses traits, formulé par eux, puis développé par saint Paul, étaient toutes deux reconnues. Elles constituaient le bien commun des disciples. Ces deux perspectives restaient cependant distinctes et, aux yeux de plusieurs, plutôt juxtaposées que fondues. Qu’elles fussent, non seulement compatibles, mais unies en fait dans la personne de Jésus, on n’en doutait pas. Un malaise pouvait subsister pourtant, qui s’aggravait lorsqu’aux allirmations de la foi succédaient les réflexions provoquées par les objections des adversaires. L’étude des premières déviations iloctrinales nous montre qu’en réalité l’attachement exclusif à l’un des deux cléments unis dans le Christ tendait à faire prévaloir successivement des vues incomplètes, ou positivement erronées Sous des formes moins élaborées, l’opposition, dont on a fait naguère tant de bruit, entre « le Christ de l’histoire » et un prétendu « Christ de la foi », se faisait jour, dès lors, çà et là. On « divisait » le Christ. C’est à cette heure que Jean, disciple du Seigneur, n le dernier de tous, constatant que les faits corporels avaient été relatés par les autres évangélistes, à la requête instante des autres disciples et.ivec l’inspiration de l’Esprit, composa l’évangile spiritueP. » On ne saurait priser trop haut ce don de l’Esprit inspirateur.

1. Voii- ci-flcssus ch. iii, 3, B, n. 250 sqq.

2. Paroles Ho Cr.r.MKNT d’A lëxandrie, rapportant lui môme, dans ses Il tffiotyposvt^ liv. VI, une tradition des anciens. Le fragment a été conservé par Kusèbe, U. E., VI, XIV, 5-7, et réédité par (). Stænlïn, à la suite des œuvres de Clément, III, Leip/ig, M>09, p. l’J ?.