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JESUS CHRIST

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propres leltres de l’apôtre, nous le montre sous l’inUuenue conscienle ( « j’estime que j’ai, moi aussi, l’esprit de Dieu », I Cur., vii, lo) et cuiislante de l’Esprit. G estpar inspiration divineriu’il est dclégué à l’apostolat (.Ift., XIII, -1 sqq.), et les dt’lails même de sa mission n'échappent pas à cette dircetion : le Saint Esprit ne lui permet pas de prèolier en Asie Mineure, ne le laisse pas aller, lonfoiméinenl à son désir, en Bitlirnie ; il faut qu’il passe en Grèce, où les Macédoniens l’attendent. Tout cela nous est raconté par un de ses compagnons, témoin oculaire des faits : .Ict., XVI, 6 s([q..u rebours, l’Ksprit excite Paul à prendre la parole, au moment de son passage à , lhènes -.Acl., xvii, 16. Quand il s’agit plus tard de monter à Jérusalem, c’est plus qu’une inspiration, c’est une mise en demeure, c’est une sorte de contrainte : Act., XIX, 21 ; xx, 22.

489. — Ces circonstances assurent une valeur particulière au témoignage que l’Esprit rendit à Jésus dans l'âme de Paul, après que la vision du Christ ressuscité eut marqué dans sa vie un tournant, un point critique, un de cesinoments que William James compare au lil d’une lame aiguë, séparant tout le passé d’un homme de tout son avenir. A l’image, disons à la caricature tracée jusque-là dans l’esprit du pharisien zélote : Jésus violateur do la Loi, novateur, magicien peut-être, justement condamné par le Sanliédrin et exécuté par l’autorité romaine, se substitua une autre image. La personne de Jésus, unie étroitement, associée à celle du Père céleste dans des formules qui les égalent, devient pour Paul le centre et le pivot du monde spirituel. Il faudrait résumer ici les Epitres. Pour Paul,

le Ciwist possède tous les attributs divins : il est éternel, puisqu’il est le premier-né de toute créature et qu’il a le pouvoir de tirer l'être du néant ; il est immense, puisqu’il remplît tout de sa plénitude ; il est infini, puisque

! ( plcrômc de la divinité habite en lui nu qu’il est. pour

mieux dire, le plérôme de la divinité ; tout ce qui est la propriété spéciale de Dieu lui appartient en propre : le tribunal de Dieu est le tribunal du Christ. l’Evangile de Dieu est l’Evangile du Christ, l’i-iglise de Dieu est l’Eglise du Christ, le royaume de Dieu est le royaume du Christ, l’Espiit de Dieu est rEs])rit du Christ '.

430. — D’un mot, pour Paul, Jésus est le Seigneur. Ce qu’il faut entendre par là, nous l’apprenons des lettres de l’apôtre. Qu’on ne songe pas à l’hommage ilistant d’un serviteur correct, au culte lointain d’un lidèle intermittent : Jésus est devenu pour son disciple l’atmosphère, l’ambiance, le milieu spirituel où il respire, vit et se meut. « Dans le Christ Jésus » ; aimer, agir, prier, pàtir « dans le Christ Jésus » ! ("est une expression habituelle, un refrain : on n’a ])as relevé dans les Epitres moins de 161^ exemples de cette formule ou de ses équivalents -. Il faut, pour en pénétrer le sens plein, se rappeler la grande parole appliquée à Dieu par l’apôtre, dans son discours aux.Vlliéniens : « En lui nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes », Act., xvir, 28.

431. — Cette vie « dans le Christ Jésus », ce sentiment profond de participer, par Jésus et en lui, à une vie meilleure, supérieure, divine, c’est déjà pour Paul une réalité : « j’ai été crucifié avec le Christ ; ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » ; (iaL, II. 1920. Réalité encore imparfaite ici-bas : elle n’empêche ni la souffrance, ni la trihulation, ni la possibilité de pécher, ni les langueurs de l’exil :

1. Ferdinand Prat, La Thi’olo^ic de mini Paul. ii, Paris, 1912. p. 188. (.le supjirinie les textes allégués.)

2.. Dkissm.Xîi, Die neutestnmenttiehe Formel in Christo Jesu, Marburg. ISflS, p. 1. Voir aussi Ferd. Prat. I.a Thé"logic de saint Paul, I, p. '(34 sqq.

II Cor., V, 6-8. Mais ce n’est là qu’une affaire de temps ; la vie mortelle, troublée, menacée, la vie

« en chair », est déjà éidairée et rassérénée par la

foi, aube de la gloire : « Je vis encore actuellement en chair — mais c’est une vie de foi : foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pmir moi v. Gal., II, ao. Dès à présent Paul appartient à son ami divin : pour lui, il a tout méprisé. Privilèges de race et d'éducation, science de la Loi, justice jdiarisaïque, il a traité ces grandes choses comme un fumier, pour gagner le Christ, Pltit., m. 4-8. Désormais il ne veut plus rien savoir que Jésus, ce Jésus crucilié dont, esclave volontaire, il porte les marques. Et dans un élan sublime il délie la mort et la vie, les puissances angéli([ucs et les démons, le ciel et la terre, de le détacherde son Maître. Ces passages, qu’on s’excuse presque de rappeler, et cent autres d’une force, d’une authenticité pareillement incontestables, traduisent en mots immortels le témoignage rendu par l’Esprit, dans ce cœur d’homme, à Jésus.

Et l’heure ne vint pas où ce grand contemplatif, familier des visions diWnes, jugea qu’il lui fallait enfin voler directement à Dieu et quitter la maîtrise du crucifié pour trouver le Père sans intermédiaire. Jusqu’au bout Paul estima privé de Dieu (ife ;) quiconque vivait par sa faute séparé du Christ (x", "'^

438. — Or cet ami passionné de Jésus, ce maître spirituel éminent fut, dans la même mesure et pour les mêmes raisons, un homme d’autorité, un champion de l’Eglise visible. Du même accent dont il célèbre l’union au Christ, il revendique l’indispensable médiation du corps ecclésiastique. Mieux : ce ne sont pas là pour Paul deux réalités juxtaposées ou subordonnées, mais une seule. Du noble édifice mystiquequi s'élève, « temple saint dans le Seigneur », Jésus est le fondement et la pierre d’angle : chaque fidèle, miniature et pierre du grand temple unique, y occupe la place que lui assigne le Saint Esprit. Là Dieu se rend présent, d’une présence de prédilection : Ephes., II, 20-22.

Ailleurs, Paul enseigne que l’Eglise est un corps vivant, organique, le corps même du Christ, le corps dont le Christ est le chef. Les membres de ce corps sont divers et multiples, comme les fonctions qu’ils ont à remplir ; mais leur unité de coordination, de sympathie et de vie, est étroite : chacun travaillepour tous les autres et, à son tour, reçoit de tous les autres ; si l’un souffre ou prospère, tous les autres participent à sa peine ou à sa joie. Le même Esprit les inspire, la même eau (du baptême) les purifie, le même pain (de l’eucharistie) les nourrit. Séparé du tronc, un membre peut-il se flatter de vivre ? Alors, mais alors seulement, on pourrait se targuer, hors de l’Eglise, de participer à la rédemption du Christ : I Cor., XII, 4-31.

Une troisième image. plus touchante encore, achève de mettre en lumière la doctrine de l’Apôtre. Il applique à l’Eglise les allégories des anciens prophètes où Dieu se disait l’Epoux d’Israël (Ezech., xvi, 60 ; Osée, II, 16 ; Isaïe [hebr.] i.iv, 5-6) Dans un sens plus relevé et plus rigoureux, l’Eglise est l’Epouse du Christ Jésus : sauvée par lui, soumise à lui — non servilement, mais par tendresse — aimée de lui jusqu'à la mort, nourrie et chérie, os de ses os, chair de sa chair, une seule chose avec lui ! Elle est purifiée et sanctifiée, pour être finalement la gloire de son Epoux, sans tare et sans tache, sainte et immaculée. Quel grand mystère ! L’union la plus intime

1. Voir J. Lebreton, Les Origines du Do^me de la Trinité, p. 297 sqq.