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JIÎSUS CHRIST

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lionner, s’il l’avait connu, le témoignage des femmes’, toute cette argumentation a silenlio ne convainc pas. Il est au contraire hautement improbable ((ue, dans cette brève énnmcration, formant parentlièse, et destinée à fournir aux Corinthiens des garants irréfutables, ollicicls, autant que possible connus d’eux et accessibles, du fait de la résurrection, Paul en ait apjielé à des apparitions d’un caractère privé, comme celles dont furent favorisés les femmes ou les disciples d’Ummaiis. Nous avons vu par contre que chacun des témoignages retenus par lui avait sa raison d’être, devait porter coup dans l’esprit de ses corresponilants. Mille exemples nous avertissent d’ailleurs de ne pas expliquer trop vite par l’ignorance d’un auteur le silence qu’il garde sur des faits dont il semblerait qu’il dût parler.

394. — L’autre ditlieulté est spécieuse et mérite davantage considération. Elle consiste à distinguer, puis à opposer deux courants dans les traditions Il sous-jacentes " aux récits évangéliqnes. La première et plus ancienne serait représentée par Marc, xiv.aSet x^^, i-8, etpar.1/a(Mi> », xxvi, 82, etxxviri. L’apparition racontée dans l’appendice de l’évangile johannique, Jo., xxi, et amorcée à la fin de Véfarigih de Pierre, vv. 59-60, seraient des indices de la même tradition. La plupart des critiques rationalistes estiment que le témoignage de saint Paul rentre plus naturellement dans ce cadre. Selon cette tradition, le Christ aurait apparu anx disciples en Galilée seulement, peu de temps après sa mort, mais à une époque qu’il est impossible de déterminer précisément. Les rationalistes radicaux, avec M. Loisy et M. P. W. ScHMiETiEL, ne voient dans les récits concernant la visite des femmes au tombeau et la disparition du corps du Seigneur, que des tentatives apologétiques fort anciennes, mais plus ou moins maladroites et sans fondement dans l’histoire.

L’autre tradition, postérieure et partant pins r^he en détails, serait représentée par /.uc, xxrv, Jet., I, i-cj, et par Jean, x.x. Elle localiserait les apparitions à Jérusalem, les ferait commencer le matin du dimanche et finir le soir même (c’est l’impression que laisserait l’éiuingile de Luc) ou un temps plus ou moins long après (les Actes spécifient quarante jours, Jean laisse la chose indéterminée).

Nos récits actuels (et en particulier la finale de Marc, xvr, 9-20, mais déjà partiellement Matthieu et Jean) auraient commencé de combiner et d’harmoniser, par voie surtout de juxtaposition, ces deux couches de tradition qu’on peut appeler, pour faire eonrt, galiléenne et judéenne. A l’appui de ces conclusions, ou apporte surtout, avecdes vraisemblances (fondées elles-mêmes plus ou moins sur le postulat de l’irréalité de toute résurrection proprement dite) l’analyse critique des récits eux-mêmes. Il est naturellement impossible de discuter ici le l)ien-fondé de chaque détail, dans des analyses qui dilTèrent grandement selon les auteurs. Mais il reste possible d’indiquer les lignes générales commandant toute la discussion.

395. — Un premier fait à retenir est que, aussihnnt que nous puissions remonter, pour le premier évangile et pour le quatrième (aucun indice critique ne permettant de conjecturer qu’il ait jamais été lu sans le chapitre xxi), nous trouvons les deux traditions combinées. On les considérait donc comme complé rintervaDe. Le « ânnlement >y, ïzy’.r- : ’-yj est également chronologique, non exclusif. C’est ce que reconnaît M. A. Loisy, disant ijue l’Apôtre montre l’intention a d’énoncer dans l’ordre chronologique les apparitions principales du Christ ressuscité » ; Les Evangiles synoptiques, M, p. T.tS. C’est moi qui soulii ?nc les mots importants. 1. Ibid., col. 405’.l.

meutaires, et non comme exclusives. Le troisième évangile, si on l’interprète, ainsi qu’il est raisonnable, à l’aide du début des Actes (qui renvoie explicitement au premier « Discours » de Luc) oU’re un cadre assez étendu pour (jii’on y puisse faire rentrer sans violence les ap[iaritions galiléennes. Il n’est nullement besoin pour cela de supposer — la conjecture n’est [las déraisonnable, mais elle paraît un peu artificielle — deux groupes de disciples, l’un à Jérusalem, l’autre en Galilée. Du second évangile, interrompu brusquement avant toute mention d’apparition, on ne peut rien conclure. Il y a des ])robabilités pour que la première lin de Marc (si elle a jamais existé) contint à peu près ce que nous livre explicitement la fin de saint Matthieu’. Quant à la finale actuelle, elle unit manil’estenieut les deux traditions ; à plus forte raison les fragments non canoniques les plus anciens, tels que l’évangile de Pierre. L’hypothèse des deux traditions c.rclnsives ne peut donc se réclamer d’aucun de nos récits, tels ((u’ils existent. Elle est un résultat obtenu uniquement par la critique interne des documents ; elle oppose comme incompatible ce que les plus anciens rédacteurs, au premier siècle, ne faisaient pas diiliculté d’unir et de concilier.

396. — Un second fait, très défavorable à l’hypothèse de nos adversaires, c’est la quasi nécessité où ils se mettent de rejeter, avant toute enquête, les épisodes concernant l’ensevelissement de Jésus par Joseph d’Arimathie, la visite des femmes au matin du dimanche et le tombeau trouvé vide. Tous les critiques en effet donnent la préférence à la tradition galiléenne. comme soutenue par les pins anciens témoins (Marc, Matthieu, Paul très probablement), plus vraisemblable en elle-même et fournissant à la préparation psychologique des apparitions le temps, l’éloignement. les moyens de suggestion nécessaires. Mais alors, le plus qu’on puisse garder à Jérusalem, c’est une démarche des femmes, terminée par une déception et une fuite éperdue. Contrairement à tous les textes, il faut traiter de légende la constatation du sépulcre trouvé vide, <m recourir, pour expliquer la disparition du corps, aux expédients surannés dont personne ne veut plus. Aussi voyons-nous M. P.-W. ScHMiKDEL, M. Arnold Mevkr, M. A. Loisy faire de plus en plus grande, en ces épisodes, la part de la légende pure. Le dernier arrive, très logiquement, à ne plus garder un.set/Me ces traits comme historique, quitte à trouver pour chacun d’eux nue raison subtile qui aurait amené à l’imaginer. Mais i|ui ne voit qu’à ce degré le parti pris et l’arbitraire dominent et maltraitent à merci les textes, auxquels l’historien a le devoir de se soumettre — s’il veut bien les interpréter — dans toute la mesure du possible’?

397. — Le témoignage de Paul enfin, qu’aucun critique de sang-froid n’ose révoquer en doute, et dont la plupart se servent comme d’une norme à laquelle ils rapportent les autres récits, ce témoignage favorise le parti adopté par les évangélistes. « Bien que Paul n’indique ni le lieu ni le temps des apparitions,

1. Là-dessus F. H. Chase, dans le Journal of theologi cal Studies. juillet IflOS, vol. VI. p. 482 sq.

2. Un historien protestant, M. A. Arnal dit, « propos de ces procédés violents (dont il souligne lemploi dans O. Ppleidereb, sur cet exemple justement des récils de la résurreclion) : « Pfleiderer extrait ce qu’il croit être le novau réel de récits imaginaires ; ensuite il continue sa marche, insoucieux des difijcultés qui surgissent de ses théories… Au cours de cette étude, Pfleiderer invoque encore l’histoire, mais ce n’est plu » l’histoire ordinaire c’est l’histoire faite par Dieu et corri^^ëe par Pfleiderer. » La Personne duChriat et le rationalisme allemand contemporain, Paris, 1904, p. 209, 210.