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JESUS CHRIST

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saint Paul — cinq lignes épisodiques — ajoute en réalité beaucoup à ce que nos évangiles jious ont transmis. Tant lui grandie scrupule des narrateurs, et leur souci, relevé par le 1res ancien témoin qui documenta, au début du ii" siècle, Fai-ias d’IIierapolis,

« de ne pas mentir le moins du monde, [fj-r, ’J/£ ; /ja7fei Ti iv « i-rof ;  ! » (EusKBK, H. E., 111, XXXIx).

Les faits cet tains.

379. — Il est malaisé, et ce n’est pas ici le lieu, d’écrire une histoire suivie des apparitions. Les éléments de cette histoire existent, mais à vouloir les ordonner chronologiquement, on oblicnt îles arrangements dilTérents, dont plusieurs sont vraiment probables, dont aucun n’est certain. El cependant, lorsque nous envisageons d’ensemble les témoignages apostoliques transcrits plus haut, quelques traits ajiparaissent d’abord. La divergence des points de vue, les incertitudes de temps elde lieu peuvent bien brouiller ces lignes ; elles se reforment sous le regard attentif, comme ces courants essentiels déterminés par les accidents du rivage, et que l’agitation des vagues montantes ne parvient pas à dissimuler ou à dévier longtemps.

380. — Le premier de ces traits, négatif mais fort notable, c’est l’absence de toute indication lemporelle sur le point capital de la résurrection, jointe à l’absence de toute description du fait lui-même. Eu une matière qui devait retenir si puissamment l’attention des premiers chrétiens, il eût élé naturel de combler, par l’imagination, de pareilles lacunes. Les plus anciens auteurs d’apocryphes et, en particulier, celui de l’Evangile de Pierre, n’y ont pas manqué’. Mais aucune tradition digne de foi ne les en ayant informés, nos évangélistes n’en ont rien dit.

381. — Le second trait concerne le tombeau qui fut trouvé vide.au matin du troisième jour, par des femmes (au nombre desquelles figure au premier rang Marie de Magdala). Cette constatation ne se lia pas d’abord pour elles avec l’idée de la résurrection du Seigneur, qu’elles n’attendaient nullement. Quelques-uns des disciples, dont Simon Pierre, avertis par les femmes, s’étant rendus sur le lieu, purent constater l’exactitude de l’information.

Cette série de faits possède une telle importance qu’il n’est expédient dont on ne se soit avisé pour en ébranler la certitude. M. Kirsopp Lake suppose bravement que les saintes femmes se sont trompées de tombeau : u Les environs de Jérusalem sont pleins de tombes taillées dans le roc, et il ne serait pas aisé de distinguer l’une de l’autre sans | la présence] de

fausse interprétation, il fallut beaucoup ajouter aux traditions primitives, préciser des traits, buruioniser, prt’venir des difficultés (p. 14-15). Pour satisfaire des néophytes avides de merveilleux, engajîés dans le courant syncrétiste des religions orientales, il fallut, de jilus. faire une part à la chair du Christ, aux miracles, au. repas sacrés. De là, nouvelles additions (p. lfi-17 :. Enfin la tendance apologétique et evhémériste de la communauté doit entrer en ligne de compte, comme aussi la nécessité de montrer les proiihéties accomplies (p. 18-19). — On se demande alors comment tant d’intentions, tant de nécessités, tant de motifs pour étendre, interpoler, multiplier la matière primitive, ont abouti à nos maigres, brefs et fragmentaires récits !

1. P. W. Scu.mii : del ne peut s’empêcher de le remarquer ;

« La ré-^urrection même de Jésus qui est, dans les

récils canoniques, avec une réserve notable, toujoui-s supposée comme.’tyant eu lieu déjà et jamais décrite, est représentée ici [dans l’Evanjîile de Pierre] comme ayant eu lieu sous les yeux des Romains et des Juifs qui gardaient le sépulcre — et d’une façon qu’on ne peut qualifier que de grotesque, u Siesurrectlon… narratit^et, dans l’E. B. de Cheyne, IV, col. 40’17.

marquesdistinctives*. » Suit une explication tendant à montrer que cette confusion n’a rien que do vraisemblable dans le cas ! Avec moins de candeur, mais non moins d’aplomb, M. P.W. ScujiiiiDEi. adjuge tout à la légende : je transcris en note, intégralement, les i( preuves » administrées par ce savant-. Elles caractérisent à merveille une méthode. Puis, comme on ne fait pas à l’arbitraire sa part, et que l’incident est lié avec l’épisode de Joseph d’Arimathie demandant à Pilate le corps du Seigneur et veillant à le faire ensevelir, on en vient — et c’est M. LoisY — à rejeter et cet épisode et tous les récits du tombeau trouvé vide. « Cette preuve de fait… parait avoir été imaginée d’après les vraisemblances, comme une scène de roman, par un esprit de médiocre invention, pour des lecteurstrès crédules-*. » En réalité, aucune raison sérieuse de suspecter cette partie du récit ne peut être alléguée. Ni la difficulté de concilier certains détails (dont la diversité fait ressortir par contraste l’unilormité du fond), ni l’invraisemblance des incidents, ni le caractère

1. The Instorical évidence for the Itcaurrectioii of Jésus Christ, London, 1907, p. 250.

-. Après avoir renvoyé aux considérations qu’il a fait valoir dans un autre article de la même Encyclopédie (s. V. Gospel, n. 138, e. f. [II, col. 1879, 1880], où l’on nous renvoie au numéro 27 [11, col. 1782, 1783] du même article), .I. P. W. Scn.MiEDiiL jtoui’suit : « Les trois points desquels nous devons partir [dans la démonstration de la non-historicité du tombeau vide] sont : [lj le silence de Paul (comme aussi de tout le N. T., à part les Evangiles ; voir en particulier Act, , il, 29-32) — silence entièrement inexplicable si l’histoire était vraie ; [2] ensuite ht parole de Me., XVI, 8, d’après laquelle les femmes ne dirent rien de leurs expériences au sépulcre — parole qui doit être entendue dans le sens que Marc était le premier en état de publier les faits, en d’autres termes que toute l’histoire estune production très tardive ; [3] enfin, si (comme nous l’avons vu) les premières ajiparitions de Jésus eurent lieu en Galilée, les nouvelles de ces apparitions seraient .’irrivées à Jérusalem bien trop tard pour permettre un examen du sépulcre donnant des résultats satisfaisants. Si l’on avait trouvé un corps, il aurait été en un état de dissolution trop avancée pour permettre une identification ; si l’on n’aaît pas trouvé de corps, la ctiose aurait été très facilement explicable sans postulei- une résurrection. » Fncyclopædia Jhblica, s. v. Jiesurrcction… narratires, Tol. IV, col. 406G.

Le ton doctoral et l’absolu des formules ne font-tjue souligner l’insigne faiblesse de ces raisonnements. Paul, rappelant un fragment de la catéchèse primitive où ce détail du tombeau trouvé vide ne ligurait pas, avait d’autant moins à l’ajouter que cette allirmation. implicitement contenue dans ce qu’il disait, n’aurait porté aucun élément de conviction nouveau dans resjirit des Corinthiens. — Le silence des femmes concerne le premier moment, durant lequel, « pleines d’effroi et hors d’ellesniênies », elles ne dirent rien à personne. Le récit de Marc, brusquement interrompu sur ces mots : « car elles avaient peur », ne permet nullement d’entendre que les femmes ne dirent jamais l’ien à personne, ni alors et sur le coup, ni ensuite. Ce silence persévérant est contredit I>ar tous les récits complets. — Ces mêmes rt’-cits contredisent explicitement et unanimement l’iiypollièse d’après buiuelle les premières apparitions auraient eu lieu en Galilée. Même dans cette hypothèse, le dilemme final i’<léveloppé ailleurs par l’auteur : E. / ?., II, col, 1880] est simplement ridicule. M. Srhmiedel. qui suppose, Ibid., col. 1880, que la jïremière apparition en Galilée put avoir lieu le troisième jour après la mort de Jésus, et que lu nouvelle put en être portée il Jérusalem sur-le-champ (forthwith), estime-t-il que le corps ne pouvait être identifié après six jours, après huit jours.’On croit rêver en lisant — et répétés deux fois, et de quel ton décisif ! — de [)areil3 non-sens.

3. Jésus et la tradition efangàlifue, Paris, 1910. p. 205. Détails dans les Ei’aii- ; iUs si/iwpliques, U, i^Ofi, p. 6^6737. On peut voirla solide discussion de M. E. Mangï- : not, La Résurrection de Jésus, Paris, 1910, p. 177-240.