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JESUS CHRIST

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vériûables de suggestion heureuse, de guérison olitenue par voie de contiance provoquée, nous mettent vraiment sur la voie d’une explication naturelle des miracles du Christ, forment une base solide à l’induction qui expliquerait ces miracles comme des spécimens de /aitli-liealiiig’. Et c’est ce qui n’est pas. 343- — Deux constatations jetteront un peu de clarté sur une matière qui est encore, dans l’état actuel de la science (et semble bien devoir rester toujours, par la force des choses) un peu trouble, nébuleuse, lluente :

1. — La suggestion clinique ne guérit que ce que la suggestion morbide a fait. A mal non fonctionnel, imaginaire, « sans matière », sans altération réelle des tissus, à mal encore uniquement psychique — remède également psychique, impératif, du même ordre. Ce principe d’équivalence entre le pouvoir producteur de la suggestion ou de l’imagination dans l’ordre morbide, et son pouvoir curateur, réparateur, dans l’ordre clinique, est souvent énoncé, et co « st « mment supposé dans les discussions des savants aulorisés ^. C’est lui que le D’Moxon, par exemple, formule ainsi : « Dans la mesure où le mal est un manque de foi, dans cette mesure exacte, la guérison du mal est un cas de foi qui guérit^, o

Ailleurs, et presque toujours, la suggestion, la persuasion, la conliance excitée exercent sans doute une action indirecte importante pour faciliter la cure, écarter les obstacles du traitement. Un malade qui s’abandonne est bien près d’être perdu. Mais seule elle ne peut rien pour guérir une maladie organique, pour modifier profondément et soudainement les conditions d’un tissu musculaire ou nerveux réellement altéré.

2. — Mais il faut aller plus loin et dire que, en matière de santé, la cure par suggestion a des limites très étroites, soit par rapport aux sujets, soit par rapport aux alTeclions qu’il s’agit de guérir.

Par rapport aux sujets. Il existe, c’est vraij et en plus grand nombre chez les civilisés, des demi-dégénérés ou des faibles, des gens qui se tàtent constamment, ont du temps à perdre, bref des malades imaginaires, — des malades dans l’état desquels l’imagination, la défiance, le « facteur moral » a une part prépondérante. Il n’y a pas (est-il besoin d’insis 1. On sait que la secte américaine établie par Mary Bakeh Eddv sous le nom de Christian Science (origines entre 1875-1880) est fondée sui- ce (( principe)) que la rnaladîeet les autres maux humains n’ont pas d’existence réelle. Ils se guérissent en conséquence non par traitements ou par remèdes, mais par la prière et l’influence de l’esprit, exercée au nom du Christ. D’autres sectes, celle des Enima-Duélistcs par exemple, éj^alement américaine d’oi-i^ine, restreignent la puissance du traitement « s]iirituel » aux maladies non fonctionnelles. Toutes deux reconnaissent au fond la règle établie plus bas ; seulenient les Clirittian Scientists admettent à Un. t aucune maladie n’est fonctionnelle. Sur la réalité, très limil*’-e, des cures obtenues dans ces sectes, on peut cousultei- I". D. Me Gakrt, Tli’Cures "/" Christian Science, dans le Catholic ]]’orld fde New-York), juin 1 ! t09 ; H. Thukston. Christian Science, dans 11 ; i)/on</i, janvier, février l’JlO ; J. Bkauclerc, dans les Etudes du 5 murs l’Jlû, p. 559 sqq.

2. Par exemple, dans les séances de la Société de nourologift de Paris, des’.* avril et 14 mai T, t08. aux<nielles ont pris part les plus illustres spécialistes français, les prof. Brissaud, Dejcrine, lîabinski, Meige, etc..Si l’on n’a pu s’entendre sur une définition nette de l’hystérie, ("ounue distincte des autres affectiijns nerveuses, la règle d’équivalence a été constauimcnl supposi’-e. Voir L. liolJI.E, Le concept actuel de V hystérie, dans la Rerue des Questions sclcntifiçtics, octobre l’.IIO, p.’ !.> !) sqq.

3. (( In so far os tbe disease is a lack of faith. just so far is cure of the disease a case of faitb-healing », Itibbcrt Journal, avril 1 !)U7, p. 584. Voir aussi K. Knuu, C’A/istus medicus ? l’reiburg i. B., 1905.

ter là-dessus ?) que de ces malades-là. Tout ce qui est plaie, altération réelle de tissus, rupture d’équilibre dans les humeurs, iuvasion microbienne non repoussée ou mal neutralisée : cancers, phtisie pulmonaire, paludisme, lèpre, hémorragies chroniques, atrophie, cécité physiologique, etc., échappe au domaine propredela suggestion. La plus belle confiance du monde, si elle aide de tels malades à guérir, ne les guérira jamais à elle seule.

344. —Mais, dans les cas même où le mal est surtout imaginaire, et l’est resté (des troubles fonctionnels provenant de dépérissement, d’ankylose, de mauvaise circulation, n’ayant pas encore succédé aux troubles d’origine nerveuse et psjchique), les patients ne sont pas indéfiniment et immédiatement accessibles à la cure par suggestion. Les psychologues les plus habiles ne guérissent pas tous leurs malades, et ils mettent beaucoup de temps à les guérir, et les rechutes sont très fréquentes. Les maladies « nerveuses », ataxie phobique, paralysie non fonctionnelle, attaques de nerfs, convulsions hystériques, etc., sont fort rebelles à la suggestion. Il faut une longue médicatiofl, très souvent malheureuse, poursuivie dans des conditions d’isolement, de régime, de reprises, extrêmement complexes, pour en venir à bout. Depuis qu’on a établi sur des bases raisonnées et avec des techniques très étudiées, le traitement à suivre dans ces sortes d’alTections, on a pu se convaincre que, pour être aussi naturelles que d’autres, les cures mentales de la psychothérapie n’étaient ni plus rapides, ni plus aisées à réussir — et bien au contraire — que celles qui visent des maladies fonctionnelles classées.

345. — Gela étant, et nous ne pensons pas qu’il se trouve un médecin honnête pour le contester sérieusement, la tentative d’explication des miracles par la foi qui guérit est, à très peu près, nulle.

Car il est puéril de supposer que tous ou presque tous les malades amenés à Jésus, paysans galiléens, pêcheurs du lac, etc., étaient des malades exclusivement ou principalement imaginaires. Il est constant au contraire qu’un grand nombre parmi ces malheureux étaient atteints de troubles fonctionnels, de maladies « avec matière » : lèpre, atroi>hie, cécité, hémorragie habituelle, fièvre, etc.

Dans les cas même où la maladie nerveuse, surtout psychique, reste probable, paralysies, épilepsie. convulsions, etc., il est très clair que la « thérapeutique » du Maître, comparée à celle des plus habiles psychiatres, est tout à fait différente et supérieure. Difl’érente. parce que la foi, la confiance exigée était une foi religieuse : demandée parfois avant, parfois iipri’s le miracle (et par conséquent sans influence quasi physique sur le malade) ; demandée parfois au malade et parfois aux parents, amis, proches du malade. Supérieure, parce que sans à-coups, sans régime, sans traitement antérieur et préparation concerlée, sans rechute ; parce que la même pour les maux les plus différents, agissant souvent à distance, mir des malades prévenus ou ignorants de l’heure où le Maitre intercéderait pour eux.

346. — Il demeure établi que tout homme admettant riiistoricité substantielle du récit évangélique se heurte à un élément miraculeux compact, considérable, à peine intermittent (et cela, [xnir des motifs aisément explicables). Dans cette niatière, il ne fera des distinctions (miracles « possibles » ou a non possibles » ; « de guérison » ou <( de nature » ; réels ou imaginaires, etc.) que pour des raisons a priori. Cet élément miraculeux, soit qu’on le considère dans sa partie générale, d’empire souverain sur la matière brute, soit qu’on l’examine dans sa partie humaine