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gnage d’un homme qui se trouvait assez bien placé pour être renseigné sur la tradition historique du second siècle concernant les Frères du Seigneur, Origène (+ 254) sait que quelqu’un dont il ignore, ou plutôt dont il préfère taire le nom, a été assez insensé pour dire que Marie, après la naissance de Jésus, avait eu de Joseph d’autres enfants ; et qu’à cause de cela le Christ l’aurait publiquement désavouée pour sa mère (Marc, iii, 33-34). C’est une hérésie, ajoute-t-il, qui ne tient pas devant le texte des Ecritures. — Homil. vii in Luc., P. G., XIII, 1818 ; cf. C. Cels., I, 47, ''P. G.', XII. 748 ; in Matth, xii, 55, P.G., XIII, 876 ; in Joan., t. I, 6 ; II, 12, dans la Catena Corderii, p. 75. — Quel est le personnage visé ici par l’exégète alexandrin ? Naturellement on pense à Tertullien. Des devanciers d’Origène, dont les ouvrages nous sont connus, lui seul fait difficulté ; et il est à remarquer que Helvidius et saint Jérôme n’ont pas connu, pour cette même époque, d’autre adversaire de la perpétuelle virginité de Marie. À cela s’ajoute que Tertullien écrit en effet, à deux reprises, que Jésus désavoua publiquement sa mère et ses frères à cause de leur incrédulité.

Du reste. Origène se montre nettement favorable à l’explication qu’il lisait dans les apocryphes de Jacques et de Pierre : les Frères du Seigneur sont des enfants de saint Joseph.

Saint Hilaire (vers 355), Comm. in Matth., i, 3-4. P.L., IX, 921-922, connait pareillement « des hommes irréligieux et pervers, bien éloignés de la doctrine spirituelle, qui prennent occasion de ce qui est écrit des Frères du Seigneur pour penser et parler de Marie d’une façon inconvenante et répréhensible. Les personnages en question ne sont pas nés de Marie, ils sont plutôt des enfants que Joseph avait eus d’un précédent mariage ».

3. C’est vers la fin du quatrième siècle que s’engagea la grande controverse sur la perpétuelle virginité de Marie. Elle se rattachait à un mouvement assez général qui emportait alors la chrétienté vers le monachisme. La virginité fut, comme de juste, glorifiée au-dessus du mariage ; on aimait à rappeler que Jésus et Marie avaient été les premiers à lever dans le monde l’étendard des vierges. Cf.Origène.In Matth. P. G., XIII, 877 : Dans ce concert d’éloges, y eut-il une note excessive ? C’est possible. Saint Jérôme lui-même ne garda pas toujours la mesure. Ses ennemis le lui ont reproché bruyamment, et ses amis out été contraints de convenir que dans son plaidoyer en faveur de la virginité contre Jovinien, il y a des écarts de langage ; à leur sens, il rabaissait plus que de juste l’état de mariage, 'Epist. Hieron. ad Pammach., xlviii, 2 ; ad Domn., 1, 2 ; P.L., XXII 494, 514.

Quoi qu’il en ait été, une réaction se produisit. C’est au nom de l’Ecriture que les adversaires du monachisme prétendirent cette fois exalter le mariage. Ne nous y représentait-on pas Marie elle-même comme une honnête mère de famille ? Après la naissance virginale de son premier-né, elle avait eu de Joseph d’autres enfants, ceux que l’Evangile appelle « les Frères du Seigneur ».

Le point de départ de cette campagne semble avoir été Laodicée de Syrie. Saint Epiphnane, Adv. Hæres., lxxvii, i, dit que, de son temps, on prétait ce sentiment à Apollinaire (+ 390) ; tout au moins, avait-il été mis en avant par quelques-uns de ses disciples. De là, il aura passé en Arabie, chez les Antidicomarianites, qui, non contents de s’opposer aux excès des Collyridiens, tombèrent dans une erreur opposée. Pendant qu’Epiphane les refusait, leurs idées se faisaient jour à Rome. En 380, Helvidius, homme obscur et sans talent, y publiait un libelle, dans lequel il niait ouvertement la perpétuelle virginité de Marie. Le livre fit scandale, et on pria saint Jérôme, alors à Rome, de le réfuter. C’est ce qu’il entreprit, vers 383, dans son traité De perpetua virginitate Mariae, adversus Helvidium, P. L., XXIII, 183-206 ; cf. Gruetzmachen, Hieronymus, I, p. 269.

Le coup ne fut pas décisif. Quelques années plus tard, un moine romain du nom de Jovinien reprit la thèse d’Helvidius. (W. Haller à réuni dans un volume des Texte und Untersuchungen., nouvelle série, II. tous les textes concernant Jovinien.) Dès que saint Jérôme l’apprit, il envoya de Bethléem, vers 392, une nouvelle réfutation, dans laquelle il se bornait à venger la virginité en général des attaques dont elle était l’objet ; estimant qu’en ce qui concerne la virginité de Marie, il avait épuisé la question dans son précédent traite.

On a reproché à saint Jérôme d’avoir, dans cette polémique, « révélé tous les trésors d’ironie et d’invective amère, dont son âme était remplie, de répondre à son adversaire par des plaisanteries de mauvais goût ». Ce jugement, sévère jusqu’à l’injustice, oublie quelles étaient les mœurs littéraires d’alors ; il ne tient aucun compte à l’auteur de l’excuse qu’il présente lui-même à la fin de son écrit contre Helvidius. « Nous avons fait de la rhétorique, nous avons badiné un peu, à la manière des bateleurs. C’est toi, Helvidius, qui nous y as force ; toi qui, au grand jour de l’Evangile, prétends qu’une seule et même gloire attend ses vierges et les personnes mariées » (22).

Comme Jovinien s’était fait des partisans dans le nord de l’Italie, saint Ambroise écrivit, lui aussi, une réfutation de ses erreurs. Cf. De inst. virg.. cap. v-xv P.L., XVI, 313-328. Du reste, on ne tarda pas à les condamner, à Milan, dans un synode d’évêques. Le pape saint Sirice ratifia aussitôt la sentence, il excommunia nommément Jovinien, et huit de ses adhérents (390). L’année suivante, le concile de Capoue en fit autant pour Bonose, évêque de Sardique en Illyrie, qui s’était compromis dans la même erreur. P. L.. XVI, 1123, 1125, 1172 ; Denz., Enchir., 10, (1781).

4. Le traité de saint Jérôme contre Helvidius est resté le répertoire de la question concernant la virginité perpétuelle de Marie. L’auteur reprend les arguments d’Origène et de saint Epiphane, mais il y ajoute beaucoup du sien. On avait pensé ébranler la croyance des fidèles avec trois ou quatre textes de l’Evangile. L’exégète qu’est Jérôme n’a pas de peine à réduire l’adversaire au silence, au nom de l’Evangile lui-même, l’œuvre vaut la peine d’être étudiée de près. Sa seule analyse fera voir qu’on y a bien peu ajoute depuis.

a) Le sentiment d’Helvidius est une nouveauté, une impiété, un démenti audacieux donné à la foi du monde entier (1-4, 17-19, 22). « Ne pourrais-je pas soulever contre toi toute la foule des anciens écrivains : lynace, Polycarpe, Irénée, Justin le Martyr, et tant d’autres hommes apostoliques et savants, qui ont écrit des volumes remplis de sagesse contre ceux qui étaient de ton sentiment : Ebion, Théodote de Byzance et Valentin. Si tu les avais jamais lus, tu en saurais plus long » (17). On a reproché à saint Jérôme d’en appeler à tort aux écrivains du second siècle. Il est vrai que la controverse dans laquelle les apologistes d’alors furent engagés portait directement sur la naissance virginale du Christ ; mais les raisons qu’ils ont fait valoir ont en réalité une portée plus étendue. C’est ainsi qu’ils appellent couramment Marie la Vierge. Cette appellation sans correctif s’entendrait mal d’une mère de famille, fût-elle la plus honnête des femmes.

De bonne heure, la foi en la perpétuelle virginité