Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/739

Cette page n’a pas encore été corrigée

1465

JESUS CHRIST

1466

contrepesées, arrêtées, renversées des forces ou des inerties qu’une induction fondée sur des milliards de faits, sous tous les cieux, dans tous les temps, a démontrées irréi’ersihles. Qu’il y ait eu alors en Judée une « force occulte » i)erniettant de multiplier une substance matérielle, ou de calmer instantanément, à la voix de Jésus, une tempête, ou de ressusciter un mort — si quelqu’un peut le croire, il est bien inutile de poursuivre la discussion.

337. — Mais de plus, et à limiter la ditlicultc aux faits moins évidemment réfractaiies, aux guérisons par exemple, on noiera que les « forces occultes » dont on parle, pour être demeurées telles, doivent produire leur effet naturel en des cas très rares, extraordinaires, donc tout à fait clairsemés dans la vie d’un homme, si heureux ou si lialiile qu’on le 1 suppose. Uira-t-on (lu’elles s’étaient, par une sorte d’instinct ou de sympathie, réunies dans ce coin de Judée, prêtes à ajrir en tant de lieux différents, dans des matières si diversement préparées, sans préparation d’aucune sorte, au moment où Jésus de Nazareth passait ? Il commande, et une « force » agit sur la lèpre ; il veut guérir le serviteur de ce t ; enturion, et une « force » est mise en branle ; il appelle Pierre, et une « force » affermit les flots sous les pas de l’apôtre I Qui se contentera de cette explication

« i)asse-partoul » ?

338. — Foi qui giiéi-it’. — Aussi bien, répliquent nos adversaires, ne nous en contentons-nous pas. A ces effets extraordinaires nous assignons une cause unique, une force encore mystérieuse mais connue déjà par quelques-uns de ses effets et relativement maniable, une force déconcertante par l’amplitude et l’ctrangelé de ses applications, une force dont il semlile que le Christ lui-même ait eu quelque pressentiment : la foi qui guérit, la suggestion victorieuse, tlie faitit-healing. Son point d’appui est l’imagination véhémentement excitée par l’appel, implicite ou explicite, d’une personnalité supérieure. A cet appel, sous l’action de cette image suggérée, de cette idéeforce qui occupe instantanément le champ mental des faibles, en utilise, en unit, en centuple les énergies éparses et les dresse dans un élan unique, il se produit une réaction violente et parfois salutaire. Ce qui paraissait impossible, cette commotion l’opère : une poussée soudaine surgie des profondeurs de l’organisme, une vague d’énergie montée on ne sait d’où déferle, et balaie des maux réputés incurables. Cliniquement, des praticiens obtiennent des faits, relativement ordinaires, mais apparentés : tel malade qui se croyait incapable de manger, ou de se mouvoir, ou de se passer de tel slupéliant — sur l’ordre d’un maître auquel il fait confiance — mange, marche ou s’abstient. Tel est, en gros, le mécanisme psychophysiologique.

Or nous voyons, ajoute-t-on, quelque chose de ce mécanisme dans l’Evangile. Avant de guérir les malades, Jésus exige la foi : a Ma fille, ta foi t’a sauvée », Mc, v, 34 ; « Si tu peux croire, tout est possible à celui qui croit » [dit au père de ce jeune épileptique], Mc, ix, 23 ; « Va, ta foi t’a sauvé » (dit à l’aveugle de Jéricho], Mc, x, 52. Ailleurs, pas de foi, peu ou pas de miracles !

339. — Telle est l’hypothèse à laquelle se rallient, avec des nvianees, à peu près tous nos adversaires, pour ceux des faits dont ils reconnaissent la réalité. Ou, pour mieux dire, ils ne reconnaissent la réalité des faits allégués comme miraculeux que

1. Nous gardons cette Pxprpssion, reçue en la matière, sans non5dissin)ider qu’elle troduit médiocrement l’expression angase faiili-heating.

dans la mesure où ces faits leur paraissent capables de s’expliquer par cette hypothèse’.De M. A.Haiinack à M. W. BoussBT-, du principal Estlin Caupkntkr’au Dr Edwin Abbott, de J. M. Guyau’à Emile Zola s et d’Ernest Renan à M. Alfred Loisy, le thème reparait, avec des variantes présentement négligeables**. Sans nier la réalité des miracles, certains auteurs ont essayé d’en expliquer le comment par une théorie qui coïncide pour le fond, et en dépit des précisions que lui imposentles opinions particulières de ces auteurs, avec celle du fatlh-healing. On peut citer, en ce sens, parmi lesjilus notoires modernistes, Antonio Fogaz/.aro’et M. Edouard Le Roy 8.

340. — Observons d’aliord que eetessai d’explication naturelle des miracles évangéliques ne s’applique qu’à une i>artie des faits. Accordons tout aux adversaires : l’alternative subsisterait, ou de nier en bloc tous les miracles distincts des guérisons proprement dites : tempête apaisée, pains multipliés, morts ressuscites, etc., ou de recourir au surnaturel. Une brèche serait faite à la thèse chrétienne ; ce ne serait pas encore son écroulement ou sa ruine. Et il resterait qu’un nombre considérable de faits relatés dans des documents d’ailleurs dignes de foi serait écarté a priori, pour des raisons de philosophie.

Mais à s’en tenir aux miracles de gucrison, les seuls visés ici (avec, bien entendu, les expulsions de démons, qui ne sont, pour nos adversaires, qu’une variété spéciale de guérisons), faut-il rendre les armes ?

341.— Si l’explication tirée de la « foi qui guérit «  prétend seulement porter sur le comment, non sur la cause, des guérisons ; si elle se réduit à la description vive d’une poussée extraordinaire, d’une activité soudaine et majorée, suivant, mais en « brûlant les étapes)), les lignes normales d’uneguérison naturelle, un peu comme la vitesse centuplée d’un automobile ne laisserait pas de lui faire franchir chaque accident de terrain d’une piste donnée, — nous pourrons trouver que cette description en vaut une autre. Ce ne sont pas du moins des raisons de doctrine qui nous la feraient rejeter. Si l’on veut, allant plus loin, accorder dans cette révolution, dans cette reviviscence extraordinaire, un ro7e instrumental prépondérant à l’élément psychique ou nen’eux, cela est conjecture plus ou moins plausible, selon les cas, mais enfin question libre, laissant subsister toute la réalité du miracle.

348. — Mais il s’agit desavoir, non pas tant comment les choses se sont passées que si, avec les forces naturelles actuellement à l’œuvre, elles ont pu se passer ainsi. Il s’agit de savoir si les cas connus et

1. « Wir… -vvcrden nur diejenigen wundeibaren Voigænge in den Bereich der Moeglichkeit einbeziehen, bci denen persoenliclies Vertrauen eine Relie spielen konntc ; » W. HEiTMilLLEii, Jésus, Tiibingen, 1913, p. Ci." !.

2. Jcsus-i, Tiibingen, ISIU", p. 22 sqq.

3… The real force wliicli ivorked tbe palienl’s cure dwelt in bis own mind : the po « er of Jesns lay in the potencv ot bis pcrsonalily to evoke this force » : J. Estlin Carpenter, The First’ihree Gospels’-', London, p. 145.

4 L’Irréligion de l’Aoenir, Paris, 1886, p

.S. Lourdes, p. 193, 109, 592.

fi Un des meilleurs travaux sur la question est le memoi-e du D’R. J. Rvi.E. The neurotic theor ; / and l’ie miracles of Uealing, dons le Hibbert Journal d’avril 190 ; , p. 572-587. Voir aussi VouRCH, La loi ijui guérit-. Pans,

1914- …. I

7. Il Santo, 111, 3 ; dans la Irad. fr. publiée par la lievue des Deux Mondes, 15 février 190fi, p. 744.

8. Forme amendée et efTmt (d’ailleurs vain) pour satisfaire aux conditions imposées |)ar le (i jioint de vue traditionnel », dans le llullelin de la Société française de

1 Philosophie, mars 1912, p. 100-103.

1904,

04.