Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/734

Cette page n’a pas encore été corrigée

1455

JESUS CHRIST

1456

Jean nous rapporte que Jésus dit avant de ressusciter Lazare :

(( Père, je vous rends grrice de ce que vous m’avez exiiuoé. Je savais bien que vous ni’exaucfz toujours ; nutis je l’ai dit à cause de la foule qui est là tcut autour — afin qu’ils croient que aous m’avez envoyé ! » Jo.. xi 41-43.

Combien de fois le morne évangéliste note-t-il que le Maître en appelait, pour authentiquer sa mission, à ses « œuvres », parmi lesquelles les miracles tenaient assurément une place prépondérante.

(( Mais je possède un témoignag-e plus grand que celui de Jean ; car les œuvres que mon Père m’a donné d’accomplir, les œuvres mêmes que je fais témoignent en ma faveur que mon Père m’a envoyé. » Jo., v, ; >6 : coll. x, 25 ; .iv, 12 ; XV, 24 ; xx, 30.

315 — Cette connexion était d’ailleurs chose admise. Amis et ennemis, disciples et jaloux, simples et doctes s’accordent là-dessus, tout en se divisant sur la réalité des faits. Les foules galiléennes : .^/^, XII, 13 sqq. ; Jo., vi, ij, ne pensent pas autrement sur ce point que les foules de la Judée : Jo., vii, 31 ; lesrudes, comme l’aveugle de naissance -.Jo, 1-x., 16, 33, autrement que les gens instruits, tels que Nicodème : Jo., iii, 2, l’oflicier de Gapharnaiim : Jo., iv, 43, les amis de Lazare xJo., xi, ^’^i. xii, 1 1, le centurion du Golgotha : Mt., xxiv, hl. En réalité, si l’on a cru en Jésus, c’a été, pour une très grande part, à cause des miracles qu’il opérait.

316. — La seule dilliculté, qu’on puisse sérieusement mettre en avant, présente un cas notable : l’objection se tourne, pour celui qui s’y applique consciencieusement, en argument positif. Pour la faire valoir, il n’est que de citer les propres paroles de celui qui l’a popularisée, Jean-Jacqubs Rousseau. Eloquent à l’ordinaire et jusqu’au sophisme inclus, il pose sa thèse sous la forme la plus provocante : la preuve par le miracle ? — « Non seulement Jésus ne [l’ja pas donné, mais il [1’] a refusée expressément. » ( !)

Voyez lîi-dessus toute I histoire de sa vie ; écoutez surtout sa propre déclaration : elle est si décisive que vous n’y trouverez rien à répliquer.

Sa carrière était déjà fort avancée quand les pharisiens, le voyant faire tout de bon le prophète au milieu deux, s’avisèrent de lui deinandei’un signe. A rela, qu’auiaitdii répondre Jésus, d’après vos messieurs [les théologiens de Genève].’  « Vous demandez un signe, aous en avez eu fent… Gaua, le rentenier. le lépreux, les aveugles, les paralytiques, la multiplication des pains, tonte la Galilée, toute hi Judée déposent jioui" moi. Voilà mes signes. »

.u lieu de cette réponse que.lésus ne fit point, voici, monsieur, celle qu’il fit : « La nation niéchante et adultère demande un signe et il ne lui en sera point donné. » Ailleurs il ajoute : « Il ne lui sera pas donné d’autre signe que celui de Jonas le prophète. » Et, leur tournantle dos, il s’en alla’.

On ne [jcut donner au second passage qu’un sens qui se rapporte au premier ; autrement Jésus se serait contredit. Or, dans le premier passage oii l’on demande un miracle en signe, Jésus dit positivement qu’il n’en sera donné aucun. Donc le sens du second passage n’indique aucun signe miraculeux’-.

Pour être sophistique et confondre n les signes du ciel », les prestiges météoriques, aveuglants, ne laissant place ni à la bonne volonténi à la foi méritoire, tels que les réclamaient les pharisiens, avec toute espèce de si^ne miraculeux, le passage de Rousseau ne

1. Mr., viii, 12 ; Mt, xvi, 4. Pour abréger, j’aî fondu ensemble cps deux passages. Mais j’ai conservé la distinction essentielle à la question. JVote tic iioussrau.

2. J. -J.Rousseau, Lettres écrites de la montagne, 1" partie, 3* lettre.

laisse pas d’être intéressant. On pourrait d’ailleursrenforcer la difficulté qu’il soulève en citant les paroles analogues, nombreuses dans le quatrième évangile :

« Si vous ne voyez des signes etdes prodiges, vous ne

croyez point I n Jo., iv, 48, et : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ! » Jo., xx, 29. On noterait en-Un que très souvent, surtout au début de son ministère, Jésus ferma la bouche aux miraculés qui voulaient proclamer leur guérison. N’était-ce pas aller à rencontre du but, s’il prétendait autoriser sa mission parles miracles ?’Voir J/c, i, 34 ; i, 44 ; iii, 12 (et cf. Mt., XII, 16) ; VII, 36 ; VIII, a6.

317. — Cette difficulté n’en est une que pour ceux qui n’auraient pas compris l’économie de la manifestation messianique, telle qu’elle a été exposée plus hani (.^upra, oh. II, section i, n. 99-116). Il faut se garder pourtant de passer outre : létude de ces textes jette un jour singulier sur la vie du Sauveur.

Admettons dans leur ampleur les faits qu’on nous oppose. Oui, Jésus a refusé constamment d’accomplir un certain genre de miracles ; oui, dans ceux-là même qu’il accomplit, nous devons relever une double restriction ou, si l’on veut, une double limitation. Limitation relative aux conditions du sujet. A Nazareth, il fait peu de miracles, à cause de l’incrédulité de ses compatriotes : ili< ne peut faire que peu de miracles » : il/f., VI, 5, 6, Mt., XIII, 58. Mot admirable de l’évangéliste, et qui fait voir jusqu’au fond la valeur, la portée, la qualité spirituelle et religieuse de la puissance thaumaturgique du Maître ! Ce n’est pas une force inconsciente, une puissance d’expansion sans frein, sans règle et sans but. Jésus n’impose pas plus la force bienfaisante qui guérit que la lumière qui sauve. — Limitation par rapport à la divulgation des faits merveilleux, qui sont soumis comme le reste, et au même titre que l’enseignement et les paraboles, à la marche progressive et volontairement dosée, de la manifestation totale.

Ne fallait-il pas s’y attendre ? Pourquoi l’élément miraculeux serait-il le seul aberrant, et aurait-il été à rencontre du plan providentiel ? Il y a ici volonté manifeste de corriger la notion alors courante du miracle et, ce qui est plus grave, de la foi naissant du miracle contemplé ou s’augmentant à son contact. Ni celui-ci n’est un prodige accablant, « ’imposant à la façon d’un coup de tonnerre, dispensant le candidat au Royaume des cieux des [iréliminaires obligés de pureté de cœur, d’humilité, de bonne volonté ; ni celle-là n’est une lumière violente, colorant d’une teinte crue, égoïste et intéressée, les réalités surnaturelles.

318. — Olte discrétion, ces limitations — non imposées du dehors el aveu de faiblesse, mais imposées du dedans et marque de sagesse : les textes les plus clairs en témoignent :.Mt., iv, 3 sqq, xxvi, 53 — confèrent aux miracles du Christ un caractère unique, et aux récits qui les relatent un cachet d’historicité hors ligne. C’est le propre en effet des embellissements postérieurs et des enthousiasmes irréfléchis d’ajouter en ce genre, de surenchérir, de chercher le frappant, l’extraordinaire, l’inouï. Les miracles de Jésus, tels que nous les présentent les évangiles, sont au contraire tellement maîtrisés, tellement spirituels, tellement niortififs, pour ainsi dire, qu’ils interprètent la vie et l’enseignement du Maître sans les tirer pour autant de l’hisloire, du réel, de tout ce que nous savons par ailleurs du prédicateur el du saint de Dieu.

C. — La vérité des sijines considérés comme rcu--re divine.

319. — Deux points sont présentement acquis : les