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JESUS CHRIST

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fra[)panls ; 2° récits provenant de discours, de paraboles, d’impressions intérieures, tournés en fait ; 3* récits provenant de l’intérêt qu’on altacliail à la réalisation de préilictions de l’Ancien Testament ; 4° gm-risons surprenantes opérées par la puissance spirituelle <le Jésus ; 5’récits de provenance impossible à déterminer’. »

310. — On pourrait multiplier les classillcations de ce yenre, sans autre avantage que de nous l’aire connaître les présupposés /^A^/osop/nt^Mes qui guident chacun de leurs auteurs’. Uien en ellet dans les textes n’autorise ces découpages. Us ne coïncident nullement (nous l’avons vu) avec les degrés de probabilité qu’un historien non croyant, mais simplement historien, pouri-ait établir en se ser%’aut des indices iritiques : récits attestés par un témoignage unique, double, triple ; récits appartenant à telle ou telle source, etc. Les critères employés par les adversaires <lu miracle sont d’un autre ordre, exclusivement sysiénialitjue, et a priori : « Les miracles de nature Ipar exemple, la multiplication des pains, la tempête apaiséej sont impossibles ; les miracles de guérison sont possibles, en certaines conditions ; etc. Qui ne voit que nous sommes tout à fait sortis du terrain de l’histoire et des faits ?

311. — Les paroles " normatives > relevées dans l’Evangile pai- M. Heitmiiller illustrent, plus qu’elles n’intirment, cette constatation. Il est vrai que nous avons là un essai de critique positive, un pas fait en dehors de Va priori. Fragile essai, pas mal assuré ! Jésus refuse aux Pharisiens les a signes du ciel » qu’on lui demande, parce qu’il ne veut pas autoriser la notion charnelle et prestigieuse du Royaume de Dieu. S’ensuitil qu’il refuse ioiii signe ? Jésus attempère, à Nazareth comme ailleurs, son action aux dispositions de ses auditeurs : l’endurcissement des Nazaréens limite donc à quelques guérisons sa puissance miraculeuse. A une foi plus grande, de plus grands prodiges seront accordés. Ces deux notations, très aisément explicables dans l’économie adoptée par le Maître, doivent-elles prévaloir comme règles de discernement sur tout le reste de l’Evangile, et rendre suspect tout signe irréductible à la suggestion ? Il me semble qu’énoncer une telle prétention, c’est en faire justice.

313. — En réalité, les récils demiraclesappartiennent à la substance même des documents. Les seules objections qu’on oppose à cette constatation sont des dillicultés philosophiques, plus ou moins déguisées et colorées. Il est vrai que les progrès de la méthode historique, et de la critique des origines chrétiennes, ne permettent plus l’éviction sommaire à laquelle procédait Strauss. Chaque auteur s’ingénie donc à expurger des textes dont l’historicité générale reste indubitable. A coté des guérisons par suggestion, seules retenues par E. Renan, MM. A. Loisy et Heitmiiller, M. Ilarnack tolérerait d’autres

1. Ibid., p. 4’2.

2. C’est avec un vif reirret que nous devons mettre prëseolement au nombre de ceux qui u clioisisscnl 1) parmi les mirnoles évangéliques, quelques tliéologicMis anglicans de grand mérite, beaucoup moins touchés jadis par le libéralisme radical. Les plus connus sont ios deux f.adi/ Mar^arrt Professors de théolog-ie : celui d Oxford, le D’W. Sanday (Voir surtout sa réplique à l’évêque anglican d’0ford : Bis/iop Gort’s rhaltenge io Crilicism, Oxford, lOl’é) et celui de Cambridge. le D’J. Bethune Baker (Voir T/ie Miracle nfChrislianily, Cambridge 1914). La question traitée ex professa est celle de la nécessité, pour un.

glican, d’admettre les miracles évangéliques. Mais i ce propos, les deux professeurs, et surtout le premier, fnnt paraître, sur la vérité de plusieurs de ces miracles (la naissance virginale de Jésus, par exemple) un scepticisme inquiétant.

guérisons d’ordre physiologique. Il ne lui paraît pas impossible que des boiteux aient marché, des aveugles recouvré la vue. Pour nous, libres de ces préjugés philosophiques, nous acceptons les textes que le criticpic historique nous présente comme solidement attestés, observant, après l’auteur d’/icee Iliimo, que « les miracles jouent un rôle si important dans le cadre [de la vie] du Christ qu’une théorie, n’importe laquelle, qui les représenterait comme dus entièrement à l’imagination de ses disciples ou d’un âge postérieur, détruit la crédibilité des textes non pas en partie, mais totalement — et fait du Christ un personnage aussi mythique que peut l’être Hercule’. »

B. — i’érité relative des miracles : les signes et la

Mission.

313. — Un miracle acquiert la valeur d’un signe quand, à la vérité historique, à la réalité du fait, s’ajoute la vérité qu’on peut appeler relative, ou apologétique. Elle résulte de la relation, de la connexion certaine établie entre le fait merveilleux d’une part et, d’autre part, la personne, la mission, la doctrine que le signe est appelé à authentiquer.

Dans le cas qui nous occupe, le lien est visible qui unit la mission divine du Christ à ses œuvres prodigieuses. Manifestement en ellet, les miracles opérés par Dieu en faveur de Jésus vont en ce sens ; la résurrection surtout, mais aussi les voix merveilleuses qui accompagnèrent, pour les autoriser, certaines démarches du Maître : son baptême par exemple : Me, iii, 17, ou sa transliguration : Mc, ix, 6. C’est là que vont, plus clairement encore, les miracles par lesquels Jésus récompensait la foi de ceux qui croyaient en lui. Ainsi le centurion deCapbarnaiim, dont le serviteur fut guéri à distance : Mt.. viii, 5 sqq ; les aveugles de Jéricho :.Mt., xx, ag ; et cette pauvre femme chananéenne dont la touchante persévérance arracha au Sauveur un cri d’admii-ation : Mt., xv, 12 sqq.

314. — La connexion entre ces faits extraordinaires et la mission du Christ reste pourtant, si assurée qu’elle puisse être, implicite. Mais à mainte reprise elle fut explicitement proclamée. L’envie des scribes motiva la première de ces déclarations :

« Quel est le plus aisé de dire au paralytique : « Tes

péchés te sont remis 0, ou de lui dire : (i Lève-toi, prends ta couchette et marche » ? Afin donc que vous sacliiez que le Fils do l’homme a sur terre le pouvoir de remettre les péchés : « Je te le commande (dit-il au paralytique), lève-toi, prends ta couchette et t’en vas chez toi. » Mc, il, 9-10.

Une autre, la plus solennelle, est due à l’initiative de Jean-Baptiste :

Et avant appelé deux de ses disci|de9, Jean les envoya vers le Seigneur, disant ; « Etes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ii Et arrivés près de [Jésus] les hommes disaient : « Jean le Baptiste nous a envoyés vers vous, disant : Etes-vous celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » X cette heure même rjésus] guérit beaucoup de gens de leurs maladies, de leurs infirmités et (de l’obsession] des malins esprits, et à beaucoup d’aveugles il accorda la grâce de voir. Lors, en réponse, il leur dit : B Allez, annoncez à Jean ce que vous avez vu et ouï : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés. Et bienheureux qui n’aura pas en moi un objet de scandale ! » Lc, vii, 18-24.

1. J. R, Seeley], Ecce Homo, London, 186i, p. 43.