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JESUS CHRIST

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272. — A le considérer d’un autre biais, en tant qu’il se compose, à la façon d’un corps vivant et d’un édilice spirituel, d’hommes lidèles ou inlidéles à leur appel, le Kègne de Dieu comporte également des prédictions fort diverses et, à première vue, incompatibles. Dans mainte parabole et mainte prescrii)lion, il est envisagé comme consommé puur une personne en particulier ; d’autres fois, c’est une collection, une génération prise d’ensemble, qui est considérée comme sujette à un jugement ; d’autres fois enlin, tout est laissé en suspens et décrit comme à venir tant que, le nombre des élus n’étant pas atteint, le Jtègne social, définitif, unii>ersel, reste à inaugurer. Il arrive que les deux plans soient distincts, le second étant dans le prolongement du premier : dans une exhortation où le soin du salut personnel est nettement dominant ( « que sert à l’homme de gagner l’univers entier, s’il se perd lui-même et se ruine ? » Le, IX, 25), le Fils de l’honinie est représenté comme venant dans sa gloire et la gloire de son Père pour rendre témoignage à ses disciples lidèles (Jbid., ix, 26).

Mais habituellement il n’en est pas ainsi : ou bien tout semble réglé à la mort de chacun : le mauvais riche et le pauvre Lazare reçoivent immédiatement selon leurs œuvres, et leur sort est délinilif : ic., xvi, 22, 23, 27 ; — ou bien au contraire toute l’attention est concentrée sur l’avènement, le retour du Fils de l’homme, sa prérogative de Juge s’exerçant alors seulement par une sentence générale. Manifestement ces deux points de vue sont complémentaires, et non contradictoires.

S73. — Des observations analogues pourraient être faites à propos de la « parousie », de ! ’ « apparition », de la (I gloire » du Christ : ce sont là notions apparentées à celle dulloyauræ des cieux, et dépendant d’elle. Ce n’est pas seulement dans le quatrième évangile (encore que les remarques ici suggérées y trouvent une décisive con(irmation) que Jésus est représenté à la fois, mais de points de vue différents, comme déjà glorilîé et comme attendant encore sa gloritication dclinitive’. L’œuvre commencée est virtuellement accomplie ; la gloire du Fils, sous quelque image traditionnelle qu’elle soitdésignée, a commencé de se manifester : la première lueur de l’aube annonce le jour et en garantit l’éclat. Il y a toutefois, dans le jour même, des heures ; il y a, dans celle manifestation unique, un progrès et certains

« nœuds ii, certains moments décisifs particulièrement

notables, qui justilient une insistance particulière et des expressions plus fortes. Ainsi, du discernement ultime de l’humanité en deux groupes irréductibles, du grand jugement final, de la suprême manifestation messianique, que prépare et consomme, pour chaque homme pris à part, la sentence prononcée à l’heure de mort, il sera donné aux contemporains de Jésus, une image, une « répétition » déjà collective et solennelle. Le peuple juif, l’Israël de la chair, considéré comme une personnalité morale et un tout, sera jugé, condamné, et l’exécution de la sentence (ruine de Jérusalem, dispersion du j>euple juif) sera telle quelestémoins de ces choses pourront et devront y voir l’image et le premier acte des grandes assises finales. Ce sera la fin d’un monde, avant la fin du monde. Et ce premier acte s’accompagnera, |)our le Fils de l’homme qui l’a prédit et dont le nom et le culte commenceront de briller d’un vif éclat, seront prêches aux gentils et confessés par beaucoup venus d’Orient et d’Occident, d’une

1. /o., xiii, 31 : El quiind Judas fut sorti, Jcsiis dit : (( Maintenant le Kils de l’homnie a été glorifié et Dieu n été gloriSé en lui o ; Cf. Jo., xvii, î : d Père, l’heure eut venue : glorifie ton Fils, pour que ton Fils le glorifie, u

a glorification » qui sera l’image terrestre et le début de la glorification définitive, au dernier jour. La génération présente verra ainsi la gloire du Fils de l’homme’.

La nature complexe des choses prédites ; leur étroite connexion ou, pour mieux dire, leur identité substantielle — car le Règne de Dieu annoncé, commencé, contredit, progressant et enfin consommé, est un môme dessein providentiel s’accomplissant — nous permettent de juger sainement les expressions prophétiques. Mais il faut encore tenir compte de la condition littéraire des textes.

li. — Condition littéraire des textes escitatologiques

S74. — Un simple regard jeté sur une synopse cvangélique nous avertit en ell’et de ne pas donner dans tous les cas, aux transitions employées par les écrivains inspirés, ou à la suite dans laquelle ils nous Ijrésentent les paroles du Maitro, une valeur uniforme et, du point de vue de la chronologie stricte, égale. Depuis la plus haute antiquité on a noté que chaque évangélisle a usé en cela d’une assez grande liberté, que la plus superficielle comparaison rend d’ailleurs manifeste. Les mêmes paroles sont situées dans des contextes ditTérents, et souvent avec des précisions temporelles ouverbales qui écarlentriiypollièse d’un discours prononcé deux fois dans des épisodes semblables. Ce fait trouve dans le cas présent une application importante : des parties considérables du Discours eschatologique (groupe 3) sont ra[)^iorlées par saint Luc dans un autre enchaînement de faits, et nulexégète.que je sache, neprétendy voir un discours distinct de celui que saint Marc et saint Matthieu donnent de suite 2.

278. — Egalement traditionnelle est l’appréciation portant sur la manière » des dilférents évangélisles, et leur position en face de la chronologie. Celte manière est caractérisée, soit par leur propre déclaration, et c’est le cas pour saint Luc, qui fait profession d’écrire, non seulement avec exactitude (’MfytQ’Si :) mais « de suite » (/y// ::?, ;), — soit par les plus vénérables témoins. Les Anciens qui renseignèrentPapias d’Hiérapolis, durant les premières années du 11= siècle, tout en louant ])ar deux fois le souci d’exactitude qui guidait saint Marc dans la mise par écrit des catéchèses de Pierre, noient avec une égale insistance qu’il ne chercha pas à ordonner son évangile (àxf, iC’i ; r/p’/.é : -j, ’jii //.svtoi r’À^si…), et que Pierre lui-même, dont Marc se fit l’interprète, n’avait pas coutume de présenter les discours du Seigneur dans un ordre concerté. De Matthieu, au contraire, les mêmes témoins observent qu’il mil par écrit, en dialecte hébra’ique [araméen] ces discours, mais en les ordonnant (flirow, 5 ; … oii’/ urnep vj-^of^tv rcùv /.’jpi’y : /.Ci-j TTîtci/y-ëvc ; /o-/t’wv… — Mar^yrcç ^aèv… E ; 3j5ac5t Ôia/£XTW tk Xc’/iv. r^v-T « ; aTo…)3. De quelque façon qu’on interprète « l’or 1. Parla s’explique, entre outres, 1 hymne de saint Paul

: iu Christ triomphant : 
« Grand, d’un commun accord, est le mystère delà piété, 

qui a été manifesté dans la chair,

justifié par l’espiMt,

apparut aux anges,

fut piêché, pai’nii les Nations,

cru duns le monde,

ravi dans la gloire. » I Tint., iii, 16. Voir, Ferdinand Prat, Théologie de saint raul, U. 1912, note IJ-, III. p. I !)’i-196 II appert de ce texte que Paul considérait le Christ comme déjà « glorifié » de son temps, dans un sens très T » "ritftble.

2. Voir l.c. XII, U sqq. = Mc, xiii.U sqq. ; Lc, xvii, 23 sqq. =.V(, XXIV, 21-28, , V< ;., xiii. 19-23 ; Lc, xvii. 2()sqq. =. V/., XXI v, 3R-41 ; /[.£., XI i. ! 12-’iS ;.V<., sxiT, 45-.51, etc.

3. Dans Euskbe, Hial. Eccl., III, xixix ; éd. E. Schwarlz, 1, 290, 292.