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JÉSUS CHRIST

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ils sont « les derniers » : temps messianiques, lin du monde juif, lin des temps et du siècleprésent. Comme les descriptions de ce genre se présentent sous l’orme de visions, de « révélations », on leur réserve habituellement le nom d’apucalypses. Les grands inspirés d’Israël : Isaïe, Ezécbiel, Daniel donnèrent, en l’employant, vogue à cette littérature très spéciale ([ui a été caractérisée au chapitre premier de cet article (A’» pra, n. 70-71). On se souvient qu’elle comporte une grande vivacité, une étonnante liberté dans le choix des images et des sj’uiboles. Elle exclut l’explication

« en clair » des métaphores et des allégories.

L’imagerie classique, les comparaisons reçues, qu’elles soient empruntées à des êtres naturels transformés (animaux, astres, monstres) ou à des phénomènes cosmiques, impliquent les personnilications et les assimilations les plus hardies, parfois les plus déconcertantes. Dans le livre des prophéties d’isaïe ou d’Ezéchiel, la description de désastres prochains elrelatii’enientcirconscrils(ru ede Babylone, défaite d’Edora, défaite des Egyptiens, dévastation d’une région d’Israël, etc.) prend une ampleur inattendue et s’exprime par des termes analogues ou identiques à ceux que Jésus employa dans ses prédictions eschatologiques :

Entendez ce bruit confus dans les montagnes,

comme d’un peuple nombreux… lahvé des ormées passe en revue

l’armée qui va combattre.

Voici le jour de lahvé qui vient,

cruel, avec colère et fureur ardente, Pour changer la terre en désert,

pour y e.terminer les pécheurs.

Les astres dfs deux et leurs constellations

ne feront plus briller leur lumicre : Le soleil s’obscurcira à son let’er

et la lune ne fera plus luire sa lumière…

… Je rendrai les hommes plus rares que l’or fin, plus rares que le métal d’Ophir.

C c » l pourquoi f ébranlerai les deux ;

lu terre tremblera et sera secouée Par la colère de lahvé des armées,

au jour de sa fureur ardente !

Lamentez-voiis, car le jour de lahvé approche !

il vient comme le fléau du Tout-Puissant. C’est pourquoi tous les bras tomberont,

et tout cœur d’homme sera glacé. Saisis de spasmes et de convulsions,

ils se toidront tremblant », telle la femme en travail…

Alors Babylone, la perle des royaumes, l’orgueilleuse parure des Chaldôens, sera comme Sodome et Goniorrhe que Dieu ruina.

Elle ne sera plus habitée,

ni peuplée dans les siècles futurs…

Mais les bêtes sauvages s’y parqueront,

et les hiboux rempliront ses maisons ; Les autruches y habiteront,

et les satyres y feront leurs danses. /saie, xiii, 2-22’.

Les tcnq)s messianiques sont décrits dans les prophètes sous des images « d’âge d’or » : les plus extraordinaires faits matériels étant jugés seuls capables de suggérer la dignité de la rénovation spirituelle accomplie par le Messie :

l.Tr. Albert Condamin, p. 100 sqq. Dans le même sens, oti pourrait citer /saie, xxxiv ; Ezécliiel^ xxxil ; Jorl, 11. Ce dernier exemple, à propos d’une invasion de sauterelles, porto : i( Les cirux s’ébranlent ; le soleil et ta lune s’obscurcissent, les étoiles pei dent leur éclat..YtJoél. il. 11). Là-dessus, M. J. Lagkange, le Messianisme, p. VJ sq* !.

Le taureau et le jeune lion mangeront ensemble

et un petit enfant les mènera. La génisse ira paître avec l’ourse

et leurs petits giteront ensemble.

Le lii>n comme le bœuf mangera de la paille ;

l’enfant qui telle jouera près du trou de l’aspic…

Isaïe, II, 7.

On pourrait emprunter d’autres exemples aux nombreux ouvrages apocalyptiques à peu près contemporains de la vie du Sauveur : le Livre d’IIénoch, V Assomption de Moïse, et ce magnitique /F* Aiire d’Esdras transcrit, en appendice, dans nos bibles latines. Je me suis borné à quelques spécimens anciens, incontestables, pris des Livres inspirés d’israi-l.

269. — Cette simple constatation jette un jour singulier sur les passages cpii nous occupent : on voit quelle erreur et quelle injustice il y aurait à en presser les comparaisons et les images, aies traiter enlin selon les règles d’un genre littéraire tout à fait différent. A l’évidence, ces passages se présentent à nous, en elïet, comme rédigés dans le style des apocalypses. Les éditions critiques du Nouveau Testament qui distinguent, par un artilice d’impression, les emprunts littéraux faits aux prophètes anciens et ligurant dans ces pages, ne permettent aucun doute sur ce point.

270 — Plus encore cependant que le genre littéraire adopté par le Seigneur, conformément à toute la tradition prophétique, il faut considérer ta nature des événements décrits dans ces prédictions. Il s’agit de faits considérables, impliquant un changement d’économie providentielle. A travers une crise qui appelle la comparaison, en effet classique, de l’enfantement’, un ordre de choses disparait, un autre lui succède, dont le premier n’était que la préparation ou, tout au plus, la préliguration. L’ordre nouveau lui-même, bien qu’il tende, et soit tout entier orienté, vers une consommation délinitive, relativement imprévisible et foudroyante, comporte des phases diverses : une inauguration, une durée, un achèvement. Il s’ensuit que les mêmes termes généraux employés pour désigner l’ordre nouveau : Règne de Dieu », « Royaume des c eux », ce jour-là », « avènement, parousie, » oui. gloireduFils de l’homme », etc., recouvrent et signifient des faits complexes, successifs, bien qu’en progression et en connexion intime. Ils désignent parfois une phase, parfois tout l’ensemble de l’immense et unique dessein providentiel.

271. — Ainsi, dans un de nos textes, et le plus pressant de tous, celui qu’amène la comparaison du liguier. Le., xxi, 31, le Seigneur annonce que. à la vue des signes extraordinaires qu’il vient d’énumérer, les disciples sauront que « le Règne de Dieu est proche : i-/-/<ii âiTiv r, jîy.7Ù€ix raû 0£w. » Or, à plusieurs reprises, d’apri’s le même évan^élisle, Jésus avait déclaré ([ue’le Règne de Dieu était déjà parmi » ses auditeurs : Ac., X*II. 21, / : * ?a.T(>£(’ « TcO 0ecO àvri ; ja^v ÈTTtv, — qu fl // était prêché publiquement depuis Jean-Baptiste » :

/.c., XVI, 16, K7T15 TO’Tê [’Iw « v5v] C, /3 « 7l/£(’ « TOO &tOJ

£-î/-/V5/<’rsT « t, — qu’" assurément il était parvenu jusqu’à ceux qui l’écoiilaient > : le, xi, 20, â.pa. i’fOv.’n-^ £i "irâç yp ^a.zùiCy. ToC/0£w Cette constatation nous invite à une exégèse très prudente et 1res nuancée : dans un sens véritable, le Règne de Dieu était inauguré par la prédication de Jean-Baptiste ; il existait au milieu de la génération contemporaine du Seigneur : dans un autre plus complet, sinon plus vrai, nous l’attendons encore, car, jusqu’à ce qu’il soit consommé, on peut dire que tout reste à faire.

1. il/r., xiii, 8 ; Mt., xxiv, S ; /o., xvi, 21.