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JÉSUS CHRIST

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ment connues, qu’être des signes positifs et, jusqu’à un certain point, contrôlables. Qu’il s’agisse de croire à l’inspiration divine d’un prophète, ou d’adhérer à des doctrines nouvelles et de se plier, par devoir religieux, à des rites nouveaux, celui qui prétend imposer ces croyances au titre d’interprète de la Divinité doit, au préalable, s’être qualilic comme tel’.

1. — Des signes divins en général

218. — « Un témoignage divin, rendant manifeste l’intervention en sa faveur de la force et de la vérité divine’», c’est en gros ce qu’on demande à un prophète pour le croire. A ce témoignage on donne communément le nom de miracle, qui met vivement en lumière un de ses aspects, et celui justement par lequel il s’impose à l’attention. Nous n’avons pas à discuter ici le bien fondé de la terminologie traditionnelle, mais il importe extrêmement de dissiper les malentendus et les confusions qu’elle fait naître de nos jours.

Malentendus parfois si graves et confusions telles qu’un apologiste autorisé ne craignait pas d’écrire naguère qu’o à l’heure présente et pour beaucoup d’esprits, les miracles sont i)lutot un obstacle à croire qu’un moyen de croire. L’intelligence moderne, façonnée dans le moule soi-disant scientilique…, se trouve plutôt mal à l’aise en face d’un miracle. Chez ceux-là même que le surnaturel n’elTraye pas. on devine une gêne, une hésitation, une incertitude, un pourquoi, unpeutêtre^. » Un exégète anglais contemporain va jusqu’à traiter de « suicide « intellectuel la croyance au miracle proprement dit’. La cause de ces confusions semble être la survivance, en maint esprit, de la notion de miracle à la croyance en ce qui est la condition indispensable de tout miracle, réel ou possil)le. Cette condition est l’existence d’un Dieu personnel et provident. Avant d’attribuer à la Divinité une intervention, la manifestation par un signe sensible d’une intention particulière (c’est là ce que tout homme religieux a toujours entendu sous le nom de « miracle »), ilfaut croire qu’un Dieu existe, capable d’avoir et de manifester une intention ». Saint Thomas observait déjà, non sans profondeur, que les déformations infligées à la notion du miracle proviennent ûnalement d’idées erronées concernant la nature et l’activité divines^.

219. — Supposons un panthéiste immanentiste acceptant, avecM. Alfred LoisY, comme « évident », que la notion de Dieu n’a jamais été qu’une projection idéale de la personnalité humaine « , et la théologie

— entendez toute doctrine certaine d’un Dieu per 1. Bien que les questions traitées dans les pag-es suivantes soient d’ordre général, on n’a pas cru devoir les esquiver. Aucune étude de l’élém^^nt miraculeux dans les évangiles n’en peut faire abstraction. Le lecteur qui les jugerait superflues peut se porter, par-dessus ces réflexions, à Jc’sua prop/it-le. n’24’4 et sqq.

2. « Quoddam divinum teslimonium indicativum virtulis et vcritatis divinæ » ; S. Thomas, De Potcntia, q. vi, arl. 3.

3. Mgr E. T. MiGNOT, archevêque d’.lbi, Lettres sur les Etudes eccUsiastîf/ues, Paris, 1008, p. 119. Depuis que ces paroles ont été écrites, ia difficulté semble avoir bien perdu do son empire, en mcme temps que I état despiit déterministe dont elle part.

i. J. M. Thompson. Miracles in the Ne »’Testament, London. 19II. Voir, à ce propos, l’article important du P. Sid : <ky F. Smith dans The.Vonlk, Juin 1913.

5. On parle ici d’une antériorité lo^iqîte. Il peut arriver en fait (comme Newman l’a bien t-oniarqué) que le inii-acle rende visible en même temps, à la façon dun éclair, avec l’intervention extraordinaire de Dieu, l’ordre ordinaire et divin du monde.

6. De Potentia, q. vi, art. I, in corpore.

sonnel — » une mythologie plus épurée »’. Il est bien clair que cet homme-là ne parlera, ne peut parler du miracle que comme d’une notion surannée, chimérique, irréelle. Il en parlera comme nous parlons des hypothèses de « l’horreur du vide >i ou du

« phlogistique ". Son but, s’il écrit à propos des faits

censés miraculeux, sera de préciser les éléments mis en œuvre par ceux qui ont créé ou subi l’illusion. Toute étude qui porterait sur la valeur historique et religieuse d’un miracle, ou d’une collection de miracles, est d’avance, pour cet homme, de par son étroite philosophie, frappée de stérilité. Il se refuse à élargir ses cadres a priori pour y faire une place à ce genre de réalités-.

La plupart des difficultés d’apparence inextricable qui foisonnent, à la façon de lianes, autour de la théorie des signes divins, naissent de ce malentendu initial. Il mène à remettre en question sur le terrain do l’histoire des points déjà résolus définitivement sur le terrain philosophique. En fait, pour beaucoup d’écrivains contemporains, la seule question réelle est celle de la croyance illusoire des hommes en des signes prétendus divins. De religieuse et actuelle, la question est devenue pour eux exclusivement historique et rétrospective 3.

220. — Beaucoup moins nette est l’attitude des protestants. Conservateurs et libéraux ont à compter avec une notion du miracle traditionnelle chez les théologiens réformes, et dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est un héritage dommageable. Cette notion distend le concept de miracle jusqu’à lui faire rejoindre celui de Providence divine aperçue. « Le miracle, disait ScHLKiERMAr.iiER, est le nom religieux d’un événement. » Toute interprétation religieuse d’un fait quelconque permettrait alors de crier au miracle I Les théologiens protestants les plus avisés, MM. Joliann Wbndland, A. W. HuNziNCER.Reinhold Sebbkrg. bien que sentant l’équivoque de cette assertion, la maintiennent. Ce dernier classedanslamême catégorie de « miracle ii, bien qu’en deux groupes distincts, des choses aussi différentes que o l’activité de Dieu s’exerçant dans une vie humaine par des événements purement naturels et ordinaires ». et cette même activité n se révélant » comme divine

« par des événements physiques extraordinaires’».

Mais qui ne voit que cette dernière catégorie seulement (le nom même de miracle en témoigne) a toujours été considérée comme miraculeuse ?.assurément, il est loisible à chacun de reconnaître, dans les événements quotidiens de sa vie, les dons, les faveurs spéciales et, si l’on veut, les « miracles » il’une Providence paternelle et divine ; mais, du point de vue qui est le nôtre, cette extension du vocabulaire mène à dégrader la signification du terme : si tout est miracle, rien n’est plus miracle.

1..Mfred LoiSY, Choses passées, Paris, 1913, p. 313, 3U.

2. Cette positii’tn est si difficile à tenir pour des hommes qui font, sur tant de points beaucoup plus « évidents », profession d’ignorance, que les plus avisés parmi les rationalistes ]>rétendent nier, non la possibilité du miracle, mais lexistenfe de miracles réels, vérifiés, certains. C’a été, après des fluctuations diverses, l’attitude finale d’Ernest Rena..

3. Bulletin rie la Société française de philosophie. mars 1912. — Voir en particulier, p. 118, les réflexions de M. D. Pabodi. C’est ce qu’ont aperçu, sans le discerner ou le dire assez nettement, quelques-uns des penseurs qui ont pris part, le 28 décembre 1911, à la très curieuse discussion fie la Société française de Pliilosopliie sur le problème du miracle.

4. Reinh. Seebf.rg. PRE-^, XXI, Leipzig, 190Ô, s. v. Wunrler. p. iiST ; A. V. Hun/ixokr, Das Wunder, Leipzig, 1912 ; J. Wendi.and, fle ; - Wunderglauie im Chrisleutum, Goettingen, 1910.