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JESUS CHRIST

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suite de l’explicalion magistrale qu’il en présenta contre les Sabelliens. Des vicissitudes analogues attendaient les mots de « personne », « luilure », consubstanliel », etc. Aujourd’hui, l’abus qu’on fait du ternie d' « immanence » oblige ceux qui s’en servent pour exprimer, comme il convient, la présence intiuie de Dieu dans son œuvre, à s’expliquer avec soin.

308. — De ces exemples ressort le vrai caiactère du développement dogmatique et, en particulier, christologique. Loin d’introduire avec eux dans la croyance de l’Eglise une philosopliie systématique, les concepts employés par les Pères et les vocables exprimant ces concepts eurent à se purilier ou, au rebours, à se charger d’un sens rajeuni. Leur pouvoir de suggestion et d’expression dut se mesurer à la foi, loin de la modifier. On a des exemples de tenues évidés jusqu'à être entièrement détournés de leur usage courant, et remplis d’une vigueur nouvelle, autbentiquement chrétienne. C’est ainsi qu’un reste du sens théâtral et scénique tlottait, à la manière d’uu relent équivoque, autour du mot-cd^u-n’y-' {persona, ligurant, personnage de représentation). Il suscita de telles protestations qu’il fallut des années de controverses et de purilication pour faire accepter le terme, avant qu’il devint la norme de l’orthodoxie. On peut juger par là si les Pères prétendaient philosopher, ou canoniser une philosophie systématique, en détinissant le dogme de c ; halcédoineI

Il est vrai que, pour défendre la crojance traditionnelle contre des erreurs, parfois conti-aires entre elles, on fut amené à la formulation abstraite, remIiarl indispensable d’une vérité intellectuelle : « une seule persuiine, deux natures ». Qu’est-ce à dire'? Un seul Christ, un seul Ego, agissant en homme, et possédant donc le pi’incipe premier d’opérations humaines, la « nature » d’un homme ; — agissant en Dieu et, comme tel, possédant la u nature » divine. Ce sont là des notions de philosophie élémentaire, vulgaire, auxquelles une niaieutique bien dirigée amènera tout homme sensé, et dont l’emploi écarte les détorsions, les fausses imaginations, les simplitications arbitraires qui mettraient en péril l’image évangélique de Jésus.

S09. — » Une personne qui, en dépit de son évidente humanité, nous impressionne d’un bouta l’autre comme étant chez elle dans deux mondes », le divin et l’humain : cette phrase du Dr J. R. Illingw orth ' me semble rendre excellemment l’impression faite par la lecture de nos évangiles. Transposez-la en termes abstraits, vous avez la formule de Clialcédoinel Changez de méthode et, conformément à la règle — erronée seulement quand on la presse jusqu'à en tirer toute une philosophie se sullisant à ellemême — qui commande de juger l’arbre par ses fruits et la justesse des notions par l’eiric^icité des applications qui s’y appuient, demandez-vous sur quoi est fondée en réalité la religion chrétienne, et de quelles croyances ont germé ces fruits inlinis. Dévotion et dévotions, formes de prière et actes de culte, attitude sociale ou privée des chrétiens supjiosent également que Jésus Christ, l’unique Jésus, Personne très sage et très bonne, adorable et accessible, est nôtre par toute une part de sa vie, o consubstantiel » à noire humanité — et, jiour une autre part, qu’il est tout divin, digne objet de l’hommage inconditionné rpi’rst l’adoration — qu’il est Dieu. Essayez de le dire en termes abstraits, et nettement : vous retomberez dans les lignes de la délinition conciliaire.

t. Divine Inima’ience, London, 1898, eh, iv ; éd. de 1904, p. 50.

SIO. — Les théologiens protestants, qui ne pensent pas que cette définition ait dit le dernier mot sur la question, tâchent, à leur dam, d’aller plus avant et risquent, pour esquiver le mystère, de perdre « la chose même du dogme ». La plupart reconnaissent pourtant l’excellence relative de la formule de Chalcédoine. Elle donna, dit RI. lleinhold Seebkrg, sinon l'édilici', du moins le plan de cet édifice. Et il souligne très bien l’importance de l'œuvre, même réduite à ces termes : « Comme on avait reconnu à Nicée, une fois pour toutes, qu’il n’y a qu’un Dieu et en conséquence que celui qui ilit Dieu, doit concevoir toujours le même Dieu, non un demi-dieu, de sorte que le Christ, comme Dieu, est un avec le Père ; — ainsi à Chalcédoine fut fixée cette doctrine que, quand on jiarle du Christ comme homme, il faut l’entendre d’un homme consubstantiel à l’humanité, non d’un homme seini-déilié. Comme alors la notion nirthoUigique de deiui-dieu avait été exterminée du concept de Dieu, ai/isi, à Chalcédoine, fut-elle exterminée de la notion du Christ fait homme'. » U serait dillicile de mieux mettre en lumière la portée, le caractère religieux et l’absence d’intrusion systématique dans l'œuvre conciliaire.

SU. — Sous bénéfice des précisions ultérieures qu’apporterait, à ce travail apologétique, une étude théologique'-, tenons-nous-en donc à cette formule vénérable, comme à celle qui traduit le mieux, pour nos esprits d’hommes, le mystère de Jésus.

Mais à nous borner aux conclusions de la recherche historique, nous avons le droit de dire qu’aucune prétérition, ou atténuation, ou accommodation de l'élément proprement divin présent en Jésus, ne fait pleine justice aux documents. De quelque façon qu’on l'énonce ou qu’on tente de l’expliquer (de la concilier par exemple avec l’unité divine) cette donnée est fondamentale — et toute synthèse se condamnerait, qui refuserait de l’englober ou s’elïorcerait de l’obscurcir.

BiDLIOGHAPHIK

gis. — La plupart des ouvrages généraux : Commentaires, Vies de Jésus, Histoires des Origines chrétiennes. Théologies du Mouveau Testament, seraient à citer pour ce chapitre. Afin de ne pas gTossir outre mesure cette note, on ne remontera pas jusqu’aux écrits antérieurs aux quarante dernières années du siècle dernier, et 1 on indiquera surtout les plus récents. Mais il faut rappeler que la personne de Jésusa été, de tous temps, l’objet de l'étude, comme de l’adoration, des Pères anciens et des grands théologiens chrétiens. On n’a pas ajouté grand’chose au spécieux des objections présentées par Celse, dès le ii" siècle, dans son Discours t'éritahle : mais anssi l’essentiel des réponses se trouve dans la réjjlique d’Origène Contre Celse. Les premiers gnostiques avaient déjà soulevé les ])lus grandes dillicultés, auxquelles saint Irénée répondit, vers i^'j. L'étude détaillée des évangiles a fait sans doute des progrès depuis les Pères de la fin du iv' siècle : saint Jérvme (s’inspirant lui-même d’Origène), saint Augustin, saint Jean Chrysostonie. Cependant on trouve

1. Lchrbuch der Dosmenifesc/iichlf", II, Leipzig, 1910, )). 2'17. Le jugement de.M,.. HAR^ACK sur l : i formule do Clialccdiiiiie est an cuntruire l : -és injuste et, il f.Tut le dire, fortement empreint do « littéintnre i) ; Lehrbnch der Vogmengesthichte , II, ïilbingeii, 1909, p. 396 et sqq., surtout p. 397.

2. Voir, dans ce Dictionniiiie, l’articlo TaiMïii.