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JESUS CHRIST

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bas traduit dans son inlogralité) appelé l’apocalypse synoptique, avec les descriptions des apocalypses à peu prés contemporaines.

186.— Passant des paroles de Jésus, prises comme de siirs indices de sa vie intérieure, à ses actes, nous remarquerons le même caractère de sublimité dans l’équilibre. La hauteur morale et religieuse, l’héroïsme que les plus prévenus des adversaires sont forcés de reconnaître à cette courte vie, réside moins dans l’étrangeté et la singularité de quelques gestes que dans la bonté constante des actions et leur qualité soulenue. On n’y voit pas de ces brusques allernatives, de ces « sautes de vent », de ces élans généreux suivis de dépression profonde dont la vie des hommes éminenls (et celle même des saints, si elle est sincèrement contée) offre des exemples. Le trait relevé plus haut, à propos de la religion de Jésus, doit être souligné ici comme jetant un jour singulier sur le calme de cette àme. Jésus n’a pas d’extase proprement dite, l’extase disant à la fois la hauteur de l’appel divin et la faiblesse du sujet humain qui le subit. Il n’a pas non plus de ces balbutiements, de ces abstractions du réel, de ces distractions qui sont la rançon habituelle d’un effort suprême. Son naturel est parfait, sa spontanéité entière : rien de guindé ou de convenu. Gomme ses paroles, sa vie coule de source et sur un lit de sable, pourrait-on dire, tant sa sérénité intérieure est constante. Il a les goûts que cette perfection implique : il aime les enfants, les pauvres, les petits.

… La note dominante [en Jésus] est celle d’un recueillenient silencieux, toujours égal à lui-même, toujours tendant au même but. Jamais il ne parle en extase et le ton de l’excitation prophétique est rare chez lui. Charge de la plus haute mission, il a toujours l’œil ouvert et l’oreille tendue à toutes les impressions de la vie qui l’entoure ; quelle preuve de paix profonde et d’absolue certitude ! (i… Le départ, l’auberge, le retour, le mariage et l’enterrement, les palais des vivants et les tombes des morts, le semeur et le moissonneur dans les champs, le vigneron au milieu de ses ceps, les ouvriers inoccupés sur la jïlace, le berger cherchant ses brebis, le marchand en quête de perles ; et puis, au foyer, la femme s’occupant de sa farine, de son levain ou de sa drachme perdue, la veuve se plaignant au juge inique, la nourriture terrestre et, comme elle passe, les rapports spirituels du maître et du disciple : ici la pompe des rois et l’ambition des puissants, là l’innocence des petits enfants et le zèle des serviteurs, toutes ces images animent sa parole et la rendent accessible même * des esprits d’enfants. » Et tout cela ne signifie pas seulement qu’il parlait en images et en paraholes ; cela témoigne, au milieu de la plus forte tension, d’une paix intêi-ieure et d’une joie spirituelle telles qu’aucun prophète avant lui ne les a connues… Lui qui n’a pas une pierre pour reposer sa tête ne parle pas cependant comme un homme qui a rompu avec tout, comme un héros de l’ascèse, commn un prophète extasié, mais comme un homme qui connaît la paix et le repos intérieur, et peut les donner aux autres. Sa voix possède les notes les plus puissantes, il place l’homme en face d’une option formidable, sans lui laisser aucune échappatoire et pourtant -- ce qui est le plus redoutable lui paraît comme allant de soi, et il en parle comme d’une chose naturelle : il revêt [ces terribles vérités] de la langue danslaquelleune mère parle à son enfant.

187. — La douleur est un réactif qui saitmettre en liberté les éléments les plus fonciers d’une nature, en détruisant les attitudes artilicielles qu’un long effort

1. Adolphe IIarnack, Das IlVsrn des Christeiitums’, Berlin, 1901, p. 23, 24. Dans la tr. fr. nouvelle de li)07 (que je retouche ici et lu), p. 50-52. Les Anmerkungende l’édition allemande de 1908, p. x, avertissent que le passage entre guiL lemets eilemprunté ù la Gisc/iic/i<e 7(j « de P. W.Scm.midt, vol. I. Tiibingen, 1899.

a plaquées sur nos vies jusqu’à nous les rendre habituelles. En face de la douleur, surtout quand elle est intense, durable, et atteint à la fois le corps et l’esprit,

« le masque tombe, l’homme reste »… Jésus,

dans une épreuve sans limites, demeure également éloigné de toute forfanterie et de toute faiblesse : nul stoïcisme, nul déU, nulle attitude composée. Il ne nie pas le mal, il ne l’atténue pas. Sans faire fléchir sa volonté, arrêtée et fixée sur celle du Père, sa sensibilité s’émeut, frémit, rend de beaux sons purs, tendres ou déchirants :

Et Jésus parcourait toutes les villes et les bourgs, enseignant dans leurs synagogues, et préchant l’évangile du Royaume et guérissant toute maladie et toute inlirmité. Or voyant les foules il s’attendi-it sur eux, parce qu’ils étaient harassés et rompus de fatigue, comme des brebis n’ayant pas de pasteur. Lors il dit à ses disciples : (( La moisson est grande et les ouvriers rares. Priez donc le maîlre de la moisson qu’il envoie des ouvriers… » Ml., IX, 35-38.

u Malheui’à vous, scribes et pharisiens byjiocrites… Voici que je vous envoie des prophètes, des sages et des docteurs ; pai-mi eux vous tuerez et crucifierez [les uns], TOUS fouetterez [les autres] dans vos synagogues et les poursuivrez de ville eu ville : pour que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur terre, de)>u13 le sang du juste Abel Jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez immolé entre le Temple et l’autel… Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qu’on t’envoie, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule fait ses poussins sous ses ailes

— et vous n’avez pas voidu ! » Mt., xxui, 34-39 ;

Comnïe Jésus était à Béthanîe dans la maison de Simon le lépreux, une femme s’approcha de lui ayant un vase d’albvtre plein d’une myrrhe de grand jirix et répandit [le parfum] sur son chef, tandis qu’il était étendu à table. Ce que voyant les disciples le prirent mal, disant : (( A quoi bon cette perte ? On pouvait vendre cela cher, et donner le prix aux pauvres. » Jésus, s’en apercevant, leur dit : (( Pourquoi faites-vous des misères à cette femme ? C’est une belle action qu’elle a accomplie ii mou endroit. Car toujours vous avez des pauvres avec vous, moi, vous ne m’avez pas toujours. En versant cette myrrhe sur mon corps, elle l’a fait pour ma sépulture. Oui, je vous le di ?i, où que soit prêché cet évangile, dans le monde entier, on dira ce qu’a fait cette femme, en mémoire d’elle !)) Mt., XXVI, G-14.

Loi-s il leur dit : ci Mon âme est triste à en mourir ; restez ici et veillez avec moi… » Et il vint vers les disciples, les trouva dormant, dit à Pierre : « Ainsi vous n’avez pas pu veiller même une heure avec moi ? Veillez et priez pour n’entrer pas eu tentation : l’esprit est prompt, la chair faible. » Ml-, xivi, 38, 40-42.

188. — Si l’on essaie de résumer, dans son trait le plus frappant, la vie intime du Sauveur, on s’arrêtera peut-être à ce qu’on me permettra d’appeler sa limpidité d’âme. Une sincérité qui ne s’accommode ni des exagérations intéressées ni des vaines promesses :

« Que votre parole soit : oui, oui ; — non, non. Ce

qui s’ajoute à cela vient du malin. » (M t., v, 3^.) — Un naturel, une droiture d’intention que toute duplicité, toute finesse blesse comme une poussière qui offusque l’œil : o La lumière de ton corps est l’œil ; si ton œil est simple, tout ton corps est illuminé ; si ton œil est malin, tout ton corps est dans les ténèbres. » (Mt., vi, 22.) — Une telle ardeur dans la charité fraternelle qu’elle fond et volatilise les plus dures scories de l’amour-propre : » Moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir les fils de votre Père qui est aux cieux. Car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ; il pleut sur jle champ] des justes et des injustes.))(. ! /<., v, 45.) — Un abandon à la providence