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JESUS CHRIST

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et de toute Ion àiae, et de tout ton esprit : celui-là est le plus grand et le premier conimandenient 1 » (.)/<., XXII, 36-41)). Au jeune homme insinuant et naïvement obséquieux qui s’approche en l’appelant : ( Bon Maître ! » (Me, x. 17), Jésus rappelle rudement que « Dieu seul est boo », voulaul purilier cet esprit des vues trop humaines qui l’encombraient et faire resplendir devant lui l’incommunicable Bonté de Dieu’. Ou a très juslemeut noté que cet efîaeeluent du Kils devant son Père est « un des traits distinctifs de toute l’attitude de Jésus : saint Jean lui-uièiue n’a pas craint de le marquer ilans son évaiiffile ( « le Père est plus grand que moi », Jo.. XIV, 28), où cependant son but avoué était de mettre en lumière la transcendance du Fils de Dieu’-. » On pourrait ajouter que saint Paul n’a guère moins insisté sur ce trait.

163. — Celte religion profonde, Jésus la fit passer en acte’. Avant d’entrer dans sa vie publique, le Maître baptisé se met en prière (Ac, iii, 21) et, cédant à l’Esprit qui le pousse vers le désert, il y consacre quarante jours au jeûne et à l’oraison. Aprèsses premiers miracles àCapharnaiim, il cherche encore la retraite (Le, iv, 43) ; il se relire en un lieu désert et y prie longuement (’, v.. r.f.o7ti-/dy.ao ; , l.c, V, 16). Au soir de ses journées pleines, le prêcheur, le guérisseur fait l’ascension de quelque colline, s’j' recueille et passe la nuit entière à prier Dieu (j ; j dty.YjvzsfjîOoiv èv t> ; npo^e-jy-ç rcO 0£2C « , Ac., vi, -2). C’est à l’aube d’une de ces nuits sanctiliées qu’il réunit ses disciples et choisit les Douze (Ac, vi, l3-i’7). C’est dans la prière solitaire qu’il prépare et mûrit l’interrogation qui provoquera la profession de foi de saint Pierre et marquera le tournant de la vie publique (Ac, ix, 18). Quelques intimes sont parfois admis à ces entretiens familiers avec le Père : au cours d’une de ces longues contemplations, Pierre, Jacques et Jean, qui s’étaient assoupis, aperçoivent soudain leur Maître investi d’une lumière

1. Il existe, sur cette paiole, dont on a tant îibusé, une littérature considérable. Parmi les plus récentes monographies, on peut indiquer celle de B.-B.’arf[eld, dans la Princeton iheoloî^icaî Rcfie avril 1914, p. 177-229, qui tient compte — chose larc chez uu protestant, même croyant — de la littcialure catholique, patristiqrie et récente.

Remise dans son contexto historique, la parole de.lésus est claire. L’appellation de « Bon Maître n [Rahbi tob) était, en tait, inou’ie à cette époque. A vrai dire, Jésus ni ne l’accepte, ni ne la refuse : il la ditTère : « Pourquoi m’appelles-lu bon ? Nul n’est bon, hormis Dieu seul » (ti’, «  « /r/si ; « yîtfloV ; Me.. X, 18 ; Lc, xviii, 19 ; — ti’//.= Ip^zf. ; ney rcO « ya^^oû ; ML, xix, 17. — Sur ce pourquoi, caractéristique de la méthode pédagogique du Maître, voir les Justes remarques de M, Lepin, Jcsus Messie et Fils de Dieu’Paris, 1907, p..S.’îfi sqq.). Par là, Jésus ramène son interlocuteur, d’autorité, h la question véritable, qui était alors pour lui la question préalable,.vant d’apprécier le magistère du prophète (Jésus n’était alors rien de plus pour le jeune homme richel, avant d’apprendre les conditions de la vie parfaite, il fallait d’abord s’élever jusqu’à Dieu, seule Bonté absolue, seule norme de tout bien moral. Après, seulement après, le jeune homme înqniet de perfection pourrait sérieusement orienter son effort, profiter de la maîtrise de Jésus, et mettre rehii-ci à sa vraie place. L’illusion de ce « cbercheiir de Dieu », illusion fréquente et fatale, était de substituer des velléités de vie parfaite et un désir de maîtrise humaitie à la recherche et à l’acceptation inconditionnée du bon plaisir de Dieu. L’issue montra bien que le jeune homme, tout sincère et pur qu’il était, n’était pas prêt à « pertlre sa vie pour la sauver r>, même h la suite de Jésus.

2. J. Lebrkton, Origines, p. 235.

3. Que Jésus dût prier, étant homme, on peut en voir le » raisons dans la Somme de S. Thomas, III Part., q. 31, art. 1.

Tome II

divine, et transfiguré (Ac, ix, aS-Sa). Durant cette montée tragique vers Jérusalem, où la perspective de la croix se dresse aux yeux épouvantés des apôtres, Jésus redouble ses prières. On n’ose l’interrompre, et c’est quand il a Uni (^ç irrv : Ja-/.z’j, Ac, xi, 1), qu’émerveillés par son attitude et mesurant leur irapuissance, les disciples lui demandent de leur apprendre à prier.

164. — Jésus cède à leur désir, et formule le Notre Père. Mais sous combien d’autres formes n’iiiculquet-jl pas la sublimité, la nécessité, la douceur de l’union à Dieul « Marie a choisi la meilleure part » (Ac, X, 4a). A la glorification, classique en Orient, qui proclame bienheureux le sein qui l’a porté, bienheureuses les mamelles qu’il suça, leMaître réplique :

« Heureux bien plutôt ceux qui écoutent la parole

de Dieu et la gardent ! » (Ac., xi, 28.) Jusque dans ses paraboles, il sait faire revenir la même leçon. Le frère aîné du Prodigue se plaint-il de l’accueil magnifique fait au cadet repentant : « Enfant », lui répond le père, « tu es toujours avec moi et tout ce qui est mien, est à toi. » (Ac, xv, 31.) Trait pénétrant qui exalte, d’un seul mot, par-dessus tous les biens, la familiarité avec Dieu. La leçon semblet-ellelrop enveloppée ? Jésus va la rendre claire, et il s’ingénie à montrer qu’  « il faut prier constamment et ne pas se lasser » (Ac, xviii, i).

Son exemple interprète ses enseignements. Au cours de la dernière semaine, le Maître donne le jour à l’enseignement dans le Temple, la nuit aux Ion gués prières (>iù/it£T « ) sur le mont des Oliviers ( Ac, xxi, i-)}. Au soir de la Cène, il y monte encore, selon sa coutume et — il faut ici transcrire un épisode qui défie tout commentaire, et que celui de Pascal, dans le .Mystère de Jésus, découragerait du reste :

Etant ariivé sur le lieu [habituel], il leur dit : » Priez pour n’entrer pas en tentation. » Et lui-même s’arracha d’auprès d’eux, de la distance d’un jet de pierre, et nætl.ant les genoux en terre il priait, disant : « Père, si vous le voulez, éloignez ce calice de moi ; tfiutefois. non ma volonté, mais la vvtre arrive !., , n Et réduit à l’agonie, il priait plus persévéramnient : et une sueur lui vint, comme de grosses gouttes de sang, découlant par terre. Lc, xxii, 40-45.

On ne peut guère que conjecturer l’altitude intérieure du Christ durant les heures qui suivirent : son recueillement profond, ses réparties pénétrantes et calmes, son silence héroïque disent assez que son cœur était où était son trésor. La compassion rouvre ses lèvres sur le chemin du Calvaire. Puis, tandis qu’on le crucifiait, Jésus dit :

« Père, pardonnez-leur : car ils ne savent ce qu’ils font ! » 

Le., xxiii, , ’14.

Il accueille la prière du larron, confie sa mère au disciple aimé, s’assure que tout est accompli.."Mors,

« s’écriant d’une grande voix », Jésus fait appel aux

prophéties anciennes, qu’il consomme, sur le Juste souffrant : a Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez vous abandonné ? » Enfin, acquiesçant au vouloir souverain :

« Père, en vos mains, je remets mon esprit. » Et ce

disant, il rendit l’Ame. Ac, xxiii, 46.

165. — Ces traits nous peignent l’incessant commerce que le Sauveur entretint avec son Père du ciel. Tâchons d’en dégager le caractère particulier, personnel et, dans un sens qui ne convient qu’à lui, ûliaL

Le respect ne se nuance jamais chez Jésus de ce trouble, de cet effroi qui faisait trembler les saints.

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