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JESUS CHRIST

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gardent le témoignage de Jésus. Adore Dieu ! " » Apoc, XIX, 10.

137. — On peut toutefois concevoir un autre genre lie maîtrise, qui abaisse eu faveur du maître la barrière infranchissable (d’autant plus visible pour l’homme qu’il est spirituellement mieux informé) séparant le Uni de l’inlini. L’autorité du prophète n’apparaît plus limitée à une fonction, à une époque, à une mission déterminée. Il ne se présente plus comme un modèle temporaire, initial et prochain, mais comme un exemplaire universel, que tous ont le devoir d’imiter. Ses actions sont considérées comme normatives, son iniluence comme impossible à suppléer. L’iieuren’eslpas prévue où, la leçon étant suffisamment pénétrée, l’initiation complète, le disciple pourrait mettre de côté — respectueusement mais résolument — un magistère désormais sans objet. Bref, le maître n’est plus considéré comme un moyen de progrès ou d’illumination religieuse, mais comme le médiateur unique et nécessaire. Il vaut, non seulement parce qu’il enseigne, mais encore et surtout par ce qu’il esl ; non seulement par l’importance de sa leçon, mais par la dignité de sa personne. Il n’est pas une voie, mais la voie ; il ne transmet pas la vie, il la donne ; il n’est pas dans le monde une lumière, il esl la lumière du monde. Il l’ait des promesses que Dieu seul peut garantir ; il réclame i>our lui-même ce que Dieu seul peut exiger.

Cette seconde sorte de maîtrise fut celle que revendiqua, seul des hommes sains d’esprit que nous connaissions par l’histoire, Jésus de Nazareth.


IIIe Section. — Le témoignage considéré DANS LE TÉMOIN

A. — Le Problème du Christ

138. — Mis en face des revendications de Jésus, confronté à la forme que, délibérément, il a donnée à son message, l’on éprouve d’abord un étrange sentiment d’étonnement, de dépaysement. Volontiers on ferait écho à ces serviteurs du Sanhédrin, s’excusant de ne pas avoir arrêté le Nazaréen, parce que « jamais homme n a parlé comme cet hommelà » (^o., ah, ! (>).

Qu’on pèse en particulier le rôle attribué à la personne du Maître dans l’Evangile du salut et de la rédemption : ccl ef ; occiitiisme qui di’linit et règle les destinées des âmes et ilu Koyaume de Dieu sur les rapports de l’homme, individuel et social, avec l’enseignement, l’exemple, la vertu purilicatrice, et l’amour personnel de Jésus ;

Ces échelles et hiérarchies de valeurs si déconcertantes, alors même, alors peut-être surtout <]ue le Christ proclame une limitation ou une impuissance de sa nature humaine : « cette heure, nul ne la connaît : ni les anges du ciel, ni le Fils, mais seulement le Père » (Me, xiii, 3a) ; « le Père est plus grand que moi » (fu., XIV, 28) ; « voici la vie éternelle : qu’ils vous connaissent, vous, seul Dieu véritable et celui que vous avez envoyé, Jésus Christ » (Jo., xvii, 3)’ ;

1. « Dans Ips relations filiales qu’il suggère à se5 disciples, [Jésusl n’identifie jamais sa position et la leur. Il apprend à ses disciples à dire ; notre l’ère ; mais luinïéine ne parle pa-* ainsi, il dit : rotre Père et : mon Père. .Méni’, ' lorsqu’il saclresse ù eux, il observe cette distinction ; M Je dispose en t-oire faveur du royaume, comme mon Père en a disposé en ma faveur » ; « Toici que je fais descendre sur rous le promis d » * mon Père » iLc, xxii, 29 ; XXIV.’*9). Et, d’autre paît : « i’otre Pève qui est au rie ! donnera ce qui est bon à ceux qui le prient i). « cotre Père céleste sait que vous avez besoin de tout relu » (Mt., vii, 1 1 ; /.<r., XI. l ; î). Il y a là éTidemment.ronclut M. J. LiatKKXON, plus qu’une habitude de langage ; chez un maître si humble et si soucieux de prêcher d’exemple, ce soin constant

Ces exigences et ces promesses également exorbitantes : l’amour de préférence pour sa personne présenté comme un motif indiscutable de justiûcation, gage de salut éternel ; — comme une dette de religion, à faire passer avant les devoirs de famille les plus sacres (devoirs d’ailleurs loués par le Maître, et restitués par lui dans leur dignité première) ;

— comme une force inépuisable, une source à jamais jaillissante de force, de pureté morale et de réconfort.

139. — De ces constatations, qu’on pourrait multiplier, surgit le dilemme : ou Jésus était, et savait (pi’il était, ce qu’il disait être, — ou quel pitoyable illusionné fut il ?

Ceux qui ne veulent pas de la première alternative tâchent d’échapper à la seconde. Il ne me paraît pas opportun, en elfet, ni convenable, de discuter ici, contre des adversaires lictifs ou scientiliquement inexistants, l’hypothèse d’ajirès laciuelle Jésus aurait été un simple imposteur, ou un dénient. D’un geste dédaigneux et péremptoire, Rbnan même écarte cette sottise : « Le fou ne réussit jamais. Il n’a pas été donné jusqu’ici à l’égarement d’esprit d’agir d’une façon sérieuse sur la marche de l’humanité’, u Jésus fut au contraire un homme religieux, un sage, un saint : il est l’honneur commun de tout ce qui porte un cœur d’homme. Placé « au i)lus haut sommet de la grandeur humaine…, supérieur en tout à ses disciples. .., principe inépuisable de connaissances morales…, la plus haute de ces colonnes qui montrent à l’homme d’où il vient et où il doit tendre. En lui s’est condensé tout ce qu’il y a de bon et d’élevé dans notre nature^. »

Les exégètes contemporains les plus radicaux ne sont pas moins nets.

« Dans sa contenance toute héroïque, dans son absolu

dévouement (déclare M. W. Bousset), dans son estime exclusive, allant jusqu’au mépris du reste, pour ce qui est le plus haut et l’ultime, Jésus demeure, il esl

de distinguer sa prière de celle de ses disciples et sa filiation de lu leur ne peut qu’être impérieusement commandé par la conscience de ce qu’il esl et de ce qu’ils sont. » Les Origines du dogme d<- ta Trinité^ Paris, 1910, p. 2’*22’j^, et notes.

1. Vie de Jr’juj ", ]). SO. — D’obscurs psychiatres, tels que le Danois E. Hasmissfn, Jesus^ étude psycliofathologiqiie (Irnd. ail. Rothenbi’BG. Leipzig, IflO.i), l’Allemand De LoosTE^ (tj. borner), Jésus Christus vont Standpitnkte des Psychiaters, bamberg, 1905, — je ne veu.v pas descendre jusqu’à l’ignare pam])blet du Français Bim- : t-Sa ^glé, la Folie de Jésus, Paris, 1906-1910, — ont soulevé la question de la santé mentale do Jt-sus. Le Prof. Philippe Kneib a pris la peine de Iraiter la question ex professa : Moderne Lehen-Jesu-l’orschun^ tinter deni Einflnsse der Psychiatrie, Mainz, 1908, et aussi llcrmann’l- : RM- : n, Die psychiscKe Cesundheit Jesu, Berlin, 1909. — Nonobstant le dédain « qu’ils marquent très justement pour des productions aussi négligeables, quelques théologiens libéraux sentent le besoin de se justifier sur ce [toint ; de montrer par exemple que l’absorption escliatologique qu’ils prêtent au Sauveur ne permet pas d. » mettre en doute s’il élail sain d’es]. ! il : ainsi Alb. Sciiweitzer, Die psycliiairisehe lieurtcilung Jesu, Tiibingen. 1913. Ce souci est très fondé, et constitue à lui seul une forte objection au système qui mène à de pareilles conséquences.

Dans la question générale des rapports prétendus du génie avec la folie, question qui a fait déraisonner bien des gens, on peut dire que le bon sens reprend ses droits. Tous les aliéni.-.tes compétents reconnaissent que, si certains fous ou demi-fous (tels qu’Auguste Comte et l’r. Nietzsche) ont eu du génie, ce génie ne s’est manifesté qu’aux heures et dans la mesure où leur mentalité fut snine.

2. lie de Jésus’i, p. 405, 468, 47’i. J’entends d’ailleurs toutes les réticences perfides qui accompapnent ces Iiniite » louanges. Mais je transcris ici 1 opinion d’un adversaire, j « ne relère pas le témoignage d un juste.