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JESUS CHRIST

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serviteurs, plus nombreux que les premiers el on les traita de même. i-inalemeiU il leur envoya son hls, disant : " Ils resjiecteront mon iils ! " — Or les vignerons, voyant le fils, se dirent les uns aux autres : "Voici l’héritier ! Venez, tuons-le et emparons-nous de son héritage. "Et. se saisissant de lui, ils t’entraînèrent hors de la vi^ne et le tuèrent. Quand donc le maître de la vi^ne arrivera, que fera-t-il ù ces vignerons-là.^ » [Les auditeurs) lui disent ;

« Il perdra cruellement ces cruels, et louera sa vigne à

d’autres… » Jésus leur dit ; a N’avez- vous jamais lu dans les Ecritures ;

La pierre qu’ont dédaignée les constructeurs. Cette même pierre est devenue la maîtresse pierre Chose faite par le Seigneur, [d’angle : ]

La merveille est sous nos veux ?

C’est pourquoije vous dis qu’on vous retirera le Royaume de Dieu, et qu’on le donnera à un peuple qui en fera les fruits. » Mi., XXI, 33-44.

138. — A la lumière de ces paroles : prophéties, suggestions, déclarations, promesses, nous pouvons aborder les témoignages suprêmes. Celui du martyre, au sens justement quel’exemple de.Jésus a donné au mot, celui en marge duquel on pourrait écrire ce que le greffier du procès de Jeanne d’Arc écrivit en marge de la déclaration suprême de la Pucelle : « réponse mortelle ; ’» — et celui du Maître glorieux, inaugurant la phase conquérante du Royaume.

Le grand prêtre, se levant, lui dit : « Tu ne réponds rien.’Qu’est-ce que ces gens-ci témoignent contre toi ? » Mais Jésus se taisait. Le grand prêtre lui dit ; i( Je t’adjure, au nom du Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le fils de Dieu ? » — Jésus lui dit : m Tu l’as dit..ussi vous dis-je que dorénavant vous verrez le Fils de l’hommeassis à droite de la Puissance [divine] et venant sur les nuées du ciel. - » Lors lo grand prêtre déchira ses vêtements en disant ; « Il a blasphémé ; qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Voici que présentement vous avez entendu le blasphème. Que vous en semble ? » Eux, répondant, dirent ;

« Il est digne de mort. » Mt., xxv[, 62-66.

Les Onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait marquée, et îi sa vue ils se prosternèrentdevantlui, maisd’aucuns douté ren t. OrJésus, s’avançant, leur parla en ces termes ; « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur [la] terre. Allez donc, faites de toutes les nations des disci[>les, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint- Esprit, leur enseignante garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du siècle présent-. ».1f<..ixvni, 16-20.

129. ^ Ces paroles nous font passer le seuil du mystère. — Le quatrième évangile mène plus avant. Non que telle des déclarations transcrites ci-dessus soit inférieure en force persuasive ou en portée aux formules johanniques que nous allons citer. Mais celles-ci sont plus nombreuses, plus suivies, plus explicites ; lumière constante, elles découvrent les lignes intérieures du monument que les paroles des

1. liesponsio mnrtîfera. Voir dans le Procès de condamnatii. )u de Jeanne d’Arc, Procès de rechute, la déposition du lundi 28 mai Î431 : J. Quicberat, Le Double Procès^ I, p. 4j7.

2. Ces mots, depuis Vous i/errez^ sont une citation du prophète Daniel. Sur leur sens, voir plus bas, ch. III, sent. 3, n. 289-292.

3. Sur l’authenticité de ce texte, audaciouscment remise en question, en ce qui touche la formule tiinilaire. par F.-C.CoxYBEABE : The Eusebian form itftlie TerlMt., xxviii, 19, dans la Zeitsclirifl fur ST. WUtenschafl, II, l’.lOI, p. 275 9qq., on peut lire la note E des Oriiiines de M. J. Le-BiuîTON, p. 478-489, où il résume et complète les mémoires de E. RiGGENBACH, Der trinilarischr Taufhefehl Ml., xxviii, 19, Ciiltersloli, 1903, et de V. II. Cmase, The Lord’s cornmand to baptize, dans le Journal of iheological Sludies XV, igOl-lOO !), p. 481-521.

I Synoptiques Illuminaient un instant, à la façon d’un éclair.

130. — Ce qui a été dit plus haut du but, de l’origine et du caractère de notre dernier évangile, rend compte de ces dilférences de présentation. Il s’agit moins pour Jean de raconter Jésus que de l’expliquer, et de l’aire resplendir en son activité humaine la dignité de Fils de Dieu. L’auteur n’est pas un catéchiste, ou tin historien mettant par écrit les faits etdires duMaître, à l’usage de communautés ayant encore presque tout à apprendre, et sous le coup duscandale produit par l’endurcissement très général du peuple juif. C’est un témuin qui parle, le plus ancien, le plus autorisé des témoins : ceux qu’il vise sont des hommes qui connaissent en gros les enseignements et la vie di Seigneur, mais que tentent ou troublent les exégèses du philosophisme ambiant, les fausses profondeurs du mysticisme gnostique. A ces théoriciens imprudents, le disciple aimé oppose le fait du Christ. Ce fait, cette réalité humaine à la fois el surhumaine, spirituelle et consistante, historique et éternelle, il l’a vue de ses yeux, ouïe de ses oreilles, touchée de ses mains. Aux déductions, aux gloses, aux hypothèses, Jean oppose son témoignage, et c’est dans ce témoignage que celui de Jésus arrive à nous. Aussi la personnalité de l’évangélisle est-elle beaucoup plus visible ; le style à lui seul en fait foi : il est le même dans les discours du Maître et les réllexions du disciple. « Assurément, observe justement M. J. Lbbrbton, les deux sources sont distinctes, mais elles ont tellement mêlé leurs eaux qu’il faudrait un œil bien exercé pour les discerner ; la révélation vient authentiquement de Jésus, mais ce n’est qu’à travers l’àme de saint Jean qu’on peut aujourd’hui la percevoir’. »

131. — Seulement, cette âme elle-même a été mûrie d’abord, et ce style s’est formé par la méditation persévérante des enseignements, de l’attitude, des exemples de Jésus. Et que l’évangile selon Jean reste bien l’Evangile du Christ, nonobstant les interprétations explicites et très conscientes de l’écrivain, nonobstant même ces inconscients a rudiments d’inter])rétation, de fond et de forme » résultant du choix des matériaux, de leur agencement, de leur rédaction ^, c’est ce que nous garantit l’acceptation unanime et pratiquement incontestée de l’ouvrage par

1. J. Lebreton, Origines, p. 379.

2. J’emprunte ces foi-mules an mémoire de ^I. E, Mangenot sur la composition des Evangiles, résumé dans ses Evangiles synoptiques, Paris, 1911, p. 80-87. Il s’agit du travail rédactionnel qu’un peut, sans détriment delà valeur historique des documents, ou de leur inspiration, attribuer aux çvangélistes. Tout lo monde admettra que ces remarques, s’appliquant à l’évangile « spirituel » de saint Jean, doivent s’entendre avec une certaine largeur. Il ne sera pas sans intérêt de transcrire les paroles de l’exégète catholique qui a le plus consciencieusement étudié, en ces derniers temps, les discours johanniques. Certaines particularités du discours « sont tellement spéciales, .. indiquent un mode de penser et de s’expriuier si personnel, qu’elles ne peuvent vraisemblablement procéder que d’une source unique. Il faut donc penser que les Discours de Jésus et du Précurseur, dans le quatrième évangile, ont quebiue chose de l’évangéliste dans leur forme littéraire, qu’ils portent son cachet individuel dans la construction des phrases, la connexion des propositions, le groupement des pensées l’arrangement général de leurs divers éléments. » M. Lepin, La i-alvur historique du IV’^ Ei’angile. 11^ Les Discours et les Idées, Paris, 1910 p. 9."> sqq. M. Lepin ajoute justement que tout ceci (( net nuit aucunement à l’authenticité véritable du document ». pourvu bien entendu, comme c’est le cas, que les enseignements ainsi présentés remontent à des souvenirs authentiques.

Avant M. Lepin, Paul Schanz, les PP. J. Gorlut et