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JESUS CHRIST

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lumière voilée, mystérieuse mais attirante, d’éclairer les cœurs droits. La lumière brillait dans les ténèbres, et celles-ci ne l’étouffaient pas’. Mais « odeur de vie » pour les uns, TEvangrile était aux autres

« odeur de mort ». Et il faut probablement reconnaître

une dernière intention de miséricorde dans cette dispensation, mesurant à des yeux malades une lumière trop crue, qui eût précipité leiir aveuglement.

113. — Quoi qu’il en soit, nous voyons se dessiner dè^ lors dans l’enseignement de Jésus et se maintenir jusqu’à la deruière semaine de sa vie, comiue un double courant. L’un plus superficiel, mêlé de rayons et d ombres, proposait les vérités célestes de telle sorte que les esprits mal disposés (par leur faute) fussent plus intrigués qu’éclairés, étonnés plutôt que touchés. Cependant les bons Israélites, les « cUerclieurs de Dieu » sincères étaient animés par ces lueurs à pousser plus avant, excités par ces déclarations, ces paraboles et ces signes, à demander, à frapper, à prier, — finalement orientés dans la voie du salut et acheminés vers le Royaume.

114. — Parallèlement, dans le cercle intime des disciples, et surtout des Douze, le Maître répandait (telle la lampe de la parabole, luisant pour ceux qui sont de la maison) une lumière plus abondante. Les comparaisons, les symboles leur étaient expliqués, les fausses interprétations prévenues, les invitations à croire pressantes. Une pédagogie divine élevait peu à peu leui-s pauvres vues d’horamesàla hauteur des desseins providentiels. Et ce ne fut qu’après avoir substitué, ou commencé de substituer, à leurs rêves ambitieux, à leurs désirs étroits, des pen’iées plus justes et plus épurées, que Jésus insista sur le mystère de sa personne. Bien des leçons difficiles sur le caractère laborieux du Royaume, sur les dispositions exigées de ceux qui aspiraient à le conquérir, sur l’accession lente des àræs à ce bien, sur les destinées combattues de l’Evangile, précédèrent le jour où, non pas même en public, mais dans l’intimité des Douze, entraînés aux contins des limites traditionnelles de la Terre sainte, le Maître provoqua la profession de foi de Simon Pierre. Encore, à cette heure même, cette profession de foi impliquait-elle une révélation du Père’. C’est au dernier jour seulement, en réponse à la mise en demeure solennelle du grand prêtre, que Jésus proclamera devant tous, sans restriction et sans voile, sa mission et son titre de Messie.

lig. — Telle fut, pour autant qu’on peut la restituer d’après les indications évangéliques (plusieurs sont décisives), l’économie de la manifestation messianique et divine de Jésus. Le quatrième évangile, loin d’y contredire, ajoute des raisons de croire exacte l’interprétation des Synoptiques proposée ici. L’aban Ion de plusieurs disciples (vi, 66) ; l’incrédulité des Frères du Seigneur », ou de certains d’entre eux, et leur impatience en face des réticences et lenteurs du Sauveur (vu, 3 sqq) ; les incertitudes prolongées de la foule (x, 24) ; ’es refus opposés aux interrogationsdirectes des Pharisiens(^nii, 53sqq., x, 24-40, etc.), autant de traits marqués et soulignés par saint Jean. Le progrès des apôtres dans leur foi en la mission du Maître n’est pas moins bien mis en relief : on note explicitement que les principaux étaient disciples de Jean Baptiste, et qu’npri’s s’être attachés à Jésus, la vue des miracles les amena à « croire » (entendez : plus fermement et avec plus de discernement) ii, 11 ; xi, 14 et passim : Jusqu’au

1. /o., I, 5. Sur le sens donné ic’. à xîtTS/aJev, voir J. Lebreton, Origines, p. 39I, no’.e3.

2. Ml., XYi, 17.

cours du dernier entretien (xiv, 10 ; x^^, 30).jusqu’apiès la résurrection du Christ (11, 22), des progrès dans cette foi sont mentionnés expressément’. C’est donc en vain qu’on opposerait en ce point la tradition johannique à la synoptique. Si 1’n économie » est plus visible en celle-ci, elle est très aisément reconnaissable en celle-là. Dans toutes deux on voit qu’elle fut surtout un effort pour ajourner, et différer

— tout en la préparant, en l’orientant, en la rendant inévitable, après lui avoir restitué son sens véritable — la grande et ultime revendication. Elle fut une sage précaution contre une appréciation prématurée, qui eût attribué au Maître, avec les qualités très méritées de prophète, de juge, d’envoyé divin, des titres mal compris ou tout à fait erronés. Elle répondit à la nécessité de compléter, par la notion de Messie souffrant et rédempteur, par la mise en lumière des caractères laborieux et lentement progressifs du Royaume, l’idée et l’idéal qu’on s’en faisait alors.

Cette « économie » est la clef qui permet de pénétrer dans l’intelligence de l’Evangile : sans elle, un grand nombre des démarches et des paroles du Seigneur, surtout dans la période qui stiivit la première prédication galiléenne et la formation d’une opposition concertée parmi les auditeurs, restent inexplicables. Avec elle, nous pouvons aborder l’étude du témoignage que se rendit.lésns : les traits déconcertants en apparence se fondront d’eux-mêmes dans une image harmonieuse.

Ile Section. — Lr Tkmoignagb du Fils

CONSIDÉRÉ BN Lin-MÊME

116. — On pourrai (classer les déclarations de Jésus sous les titres qui lui sont donnés, et qu’il s’est luiinèrae donnés dans les documents évangéliques : Roi des Juifs, Prophète. Messie. Fils de David, Fils de l’homme. Fils de Dieu..vec des avantages de clarté, ce procédé présente le grand inconvénient débrouiller les plans, et de réunir, sans souci du contexte ni de la chronologie, des indications fort différentes d’origine et de portée. Nous n’essaierons même pas de grouper, comme d’autres l’ont fait excellemment, dans un ensemble ordonné, encore un peu artificiel, les effusions, les déclarations, les suggestions, les révélations au moyen desquelles le Maître a donné de sa personne l’impression que toute l’antiquité chrétienne a traduite en ces mots : Jésus est le Seigneur.

Diminuant dans toute la mesure du possible la I>art d’arrangement et de présentation personnelle, nous viserons à donner, des dociinients, le sentiment le plus immédiat et le plus direct. Selon le mot expressif de Savonarole dans son Ti iiim/thiis Criicis, nous « mettrons en tas », nous passerons en revue les confidences et les aveux de Jésus. Encore nous bornerons-nous habitnelleuient. parmi les évangiles synoptiques, au |)reniier-. en y relevant, avec un minimum d’interprétation destiné surtout à les situer, les éléments constituant le témoignage rendu par le Christ à sa mission.V notre tour, nous lui posons la question qui tient en suspens, depuis près de deux raille ans, toute àme religieuse et non encore initiée, abordant pour la première fois la lecture des évangiles : a Que dites-vous de vous-même ? »

1. On peut lire t* ce sujet les réflexions de W. Sanday, The Crilicism of ihe Fourtli Gospel. Oxford, 1905, p. ISS-ISS.

2. On n’a pas cru devoir surcharger les indications de textes de celles des endroits parallMf*s chez les autres évangélistes. Toutes les synopses. toutes loi éditions soignées fournissent ces indications.