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JESUS CHRIST

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On concevait généralement, il est vrai, cette apolliéose comme précédée par des guerres, des troubles, des signes de toute sorte, poui- lesquels la mélapliore de l’enfantement douloureux s’imposait. Uc celle sanglante aurore sortirait le « jour du Seigneur ».

77 — Ouel serait l’instrument principal de ce grand cbangemcnl’.' lalivé avait toujours agi par l’intermédiaire de prophètes, de chefs élus, n hommes de sa droite ». Les Livres sacrés, sous diverses formes, ne laissaient d’ailleurs pas de doute sur ce point : Israël et le monde devraient, après Uicu et par lui, leur salul à un élu, à un envoyé, à un grand prophète consacre pour ce rôle par une onction analogue à celle qui faisait les rois et les grands prêtres — d’un mot : à un Messie (^Màchiiih ; nram. : Mechicih ; grcciXotjrij ; lalin : unctus : oint, consacré)’. C’est vers lui que montaient, aui heures d’épreuves nationales comme aux jours où lecourage individuel lléchissait sousle poids des injustices, les j^euxetles vœux d’Israël.

78. — Dans les écrits, il est vrai, où les catégories de la pensée grecque ont canalisé la religion juive, comme ceux de Philon, et dans ceux de Jos<])hc, où le besoin s’affirme de ménager, de gagner, de ne pas dépayser le vainqueur romain, l’image du Messie est vague, estompée, ou épisodique. Çà et là pourtant, et malgré qu’ils en aient, la pensée messianique se trahit chez ces auteurs, encore que le Juif alexandi’in affeclede compter surtout, pour conquérir le monde, sur la Loi, et, pour y i’aire régner la justice, sur l’ascendant des sages et des philosoplies. Josèphe, de son côlé, transporte, avec l’impudence d’un courtisan qui a beaucoup àse faire pardonner, les promesses messianiques sur la race des Flavii. Il n’en est pas ainsi dans la littérature vraiment nationale et populaire, dans les écrits palestiniens auxquels, sui’ce point, nos évangiles font écho. Là, comme dans le i-œur de tout fidèle Israélite, le Messie occupe une place d’honneur, toujours considérable, souvent prépondérante, et l’idée qu’on s’en fait commande et colore celle du Régne de Dieu.

79. — Il est celui qui doit venir, cl qui resliluera I toute chose. Surtout Juge dans les écrits où la piéocpalion eschatologique domine (l’araholes du lifi-e I d’HétiDch), Visions d’Hénoch, surtout Roi guerrier, dans ceux où le carætère de triomphe tem|)orel est plus accusé (Assomption de Moïse, ApucuU pse de liaruch, etc.), il est toujours l’un et l’autre, etcomme tel libérateur, sauveur, restaurateur et justicier. La plus noble expression de cette attcnle (avec celles qui figurent aux chap. xLvi-ui du /./ire d’Iléiioch) se trouve dans le xvii"= Psiinme dp S ilomnn. Là est esquissée, avec une grande délicatesse de touche, et par un écrivain qui aurait pu, peut-circ, à l’extrême soir de sa ie, voir de ses yeux le « Salut d’Israël ». l’image qui charmait l’àme pieuse des croyants véritables : Siméon et Anne, Zacharie et Elisabeth, Natlianacl et Philippe. C’est d’ailleurs (et à ce titre aussi, le morceau vaut d’être cité) un écho très fidèle des prophéties anciennes.

Vois, Seigneur, et suscite-leur leur Roi, fils de David, è 1 époque que tu conDois, toi, ù Dieu, pour qu’il règne sur Israël, ton serviteur, et ceins-le de la force, pour briser les princes injustes.

Purifie JéruSHiem des païens qui la foulent… de manière à détruire les païens impies d’une parole de sa bouche,

de manière que, devant sa menace, les païens s’enfuient loin de son visage…

1. Sur le mot et son usage dans la littérature juive, G. Dai..i

, Die Worte Jesu, p. 237 sqq.

.Uors il rassemblern le peuple saint qn’d ct.>uduira avec justiie,

il gouveriieia les trilm. du peuple sanctifié par le Seigneur son Dieu ;

il ne laissera pas l’iniquité séjourner encore parmi eux et aucun homme. « acluintle mal n’habitera avec eux ;..’Et il aura les peuples païens pour le servir sous son joug ; il gloiifiera le bei^jneur à la vue de toute la terre ; il purifiera Jérusulen) jjour la sanctification comme c’éluit autrefois,

de sorte que les Nations viendront de l’extrémité de la pour contempler sa gloire, à lui, [terre

en apportant comme offrande leurs fils, à elles…

C’est qu’il est un Roi juste, instruit par Dieu, placé sur eux ; et il n’y a pas d’iniquité, pendant ses jours, au milieu

[d’eux ;

car tous sont saints, et leur lloi est le Christ Seigneur…

Il ne faiblira pas pendant ses jours, appuie sur son Dieu, car Dieu l’a fjit puissant par l’Esprit Saint et siige par le don de conseil éclairé, accompagné de la force et de la justice…

Telle est la majesté du Roi d’Israël, que Dieu a prévue dans son desscinde le susciter sur la maison d’Israël, pour la corriger…

Heureux ceux qui vivront euces jours-là pour contempler le bonheur d’Israël dans la réunion des tribus ! Que Dieu le fasse’ !

80. — Juge des hommes. Roi libérateur d’Israël, Prophète enseignant les voies saintes de labvé : à i part ces traits à peu près constants, l’image qu’on se ! fait du Messie est ondoyante, diverse, poussée le plus, souvent au chimérique ou au matériel. Chacun, dans les prophéties anciennes, choisit et interprète au gré de ses désirs, à la mesure de son àrae.

Il est un trait pourtant, bien accusé et net dans la seconde partie du livre des j)roi)hélies d’Isa’ie et dans d’autres prophètes"^, que ni les rabbis les plus illustres, ni les voyants des apocalypses, ni les psalmistcs ne surent, ou ne voulurent discerner. La figure austère dn « Serviteur de labvé », du Messie souffrant et rédempteur, demeura dans une pénombre sacrée, énigme aux yeux mal dessillés, scandale aux esprits encore charnels. « D’un messie souffrant, les sources [ de la théologie juive antérieure au christianisme ne paraissent rien savoir^. » Il fallut, pour dégager le sens des prophéties anciennes, que l’Agneau de Dieu vint prendre sur lui et racheter les péchés du monde.

§ l’V. — Les infiltraticns étrangères.

81. — Mise en contact sur une si large étendue, et si longtemps, avec la pensée et les cultes des Gentils,

1. Psalm. Salomun., XTU, 2’.t-â. traduction de J. V1TEA.U, Les Paaiimes de Salomun, Paris, mil, p. 3M-3(19.

2. Sur ces prophéties, voir la belle dissertation d’Albert Co ! <D.MiM, Le Serviteur de lalivé, dans le Liire d’haie, Paris l’JOô.p. 318-34Ô ; et, du même, la note sur Zacharie, xii. 10, dans Recherches de science religieuse, janvier 1910.

3. « Von einem leidenden Messias scheinen die vorrliristlichen Qucllen der judiscben Théologie ftclits zu wissen » ; Alfred Bektiiolet, Biblische Theolojiie des Allen Testaments [beg. von B. Stade] II, Tiibiogen, li » !  ! , p. 450. Le fait est si constant qu’on s’en sert comme d’un critère pour juger si un écrit est antérieur, ou postérieur, au christianisme.

4. Ceux des lecteurs auxquels cette discussion, nécessairement un peu aride, ]iaruUrait détourner trop longtemps l’attention de la personne de Jésus Christ, sont priés de se reporter, par-dessus ces pages, au chapitre II : Le têmoii^nage du Fds.