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JESUS CHRIST

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de toutes les ressources du parallélisme et souvent de la stroplàque. Les grandes figures de David et surtout de Salouion dominent cette littérature, dile de Sapience. Plusieurs de nos Livres saints rentrent, on le voit, dans ce genre littéraire, auquel ils ont fourni des modèles.

tl’cst à lui, ou du moins à quelques-unes des sollicitudes qui l’inspirèrent, qu’il faut rattacher les ouvrages postérieurs où l’on a recueilli les dires et solulions motivées des maîtres en Israël. Nous y entendons la voix des scribes illustres, depuis Hillel et SciiAM.MAÏ, tiges des deux écoles d’interprétation, celle-ci plus rigoureuse, celle-là plus libérale, de la Loi (tous deux ilorissaient au temps des lils de Jean Ilyrkan, de loo à 70 av. J.-C), jusqu’à Rabui Aqiba (mis cruellement à mort au temps de la dernière grande révolte, celle de Bak-Kociiua, vers 130ap. J.-C), en passant i)ar les deux Gamaliel, dont le [iremier, maître de saint Paul, est mentionné avec honneur au livre des.ctes des apôtres.

Les réponses de ces rabbis et de leurs émules, ainsi que des prières devenues traditionnelles et remontant (sauf additions postérieures) à la même époque, nous ont été conservées dans les parties les plus anciennes des Talmuds : la Mischna, mise par écrit au m’siècle ap. J.-C, et la 6’» em ara, formée d’interprétations plus récentes, mais ayant recueilli, elle aussi, des souvenirs antiques. Cette littérature formaliste, cette casuistique fastidieuse, volontairement artilicielle, ce « Dalloz i> pliarisaïque a cependant, çà et là, un grand intérêt. Plus d’une perle se cache dansl’énormefumier du Taliuud ; plus d’un problème exégétique trouve là une solution probable ; plus d’une parole du Seigneur en reçoit un surcroit de lumière’.

70. — Non moins importante au but que nous poursuivons, plus insolite sûrement et plus étrange, se présente à nous la littérature des apocalypses. On doit avouer pourtant que ce langage déroute nos façons habituelles de concevoir et de parler. C’est un genre littéraire dont nous n’avons pas le droit de médire absolument. Sans parler de nombreux passages des prophètes anciens, deux de nos Livres inspirés, la prophétie de Daniel pour une importante partie, et l’apocalypse johannique presque en son entier, appartiennent sans conteste à cette catégorie d’écrits. Le Christ lui-même ne dédaigna pas d’employer parfois le langage apocalyptique.

Essenliellerænl, l’apocalypse est une vision anticipée, révélée ou censée telle (c/.r.-.yMj^ii, révélation) des choses lointaines, et surtout ultimes : fin du monde, jugement dernier, crise décisive, récompenses ou châtiments d’outre-tombe. De ce caractère

1. Ed. Sr.PFEP, La Palatine au (empif de Jésus Christ^, Paris, 1892, p. 24 et siiiv. porte un jugement peut-être trop sévère sur k ces pages interminables », où il n’y a k ni style, ni ordre, ni talent ». dont « la langue est aussi déploraliie que la pensée, laforme que le fond ». Quant à l’utilité exégétique des Talmuds. elieest mise en vive lumière, avec un peu de complaisance, par Is. Abraham, Rabbinical Aids io Exe^esis, dans les Cambridge Biblicat Essays^ London. I*.t0î*, p. 159-193. — Les plus beaux lextes se trouvent dans le traité le plus ancien de la Mischna, intitulé : les dires des Pères (Pirliè Aboth). Il a été souvent éJilé à part, en particulier pnrH. L. Sth*c : k, l’irkê Abùlh", Leipzig, 1901. Le texte des Dix-huit Bénédictions (Sc/iemone Esre), que chaque Israélite, y compris les femmes, les enfan’.s et les esclaves, doit répéter trois fois le jour, et qui remonte, dans sa rédaction actuelle (en 19 bénédictions) au temps qui suivit immédiatement la ruine de Jérusalem en 70, a été souvent publié, en particulier par G. Dalman, avec d’autres textes messianiques, en appendice de ses }yorle JesH, Leipzig, 1898, p. 292-309, et d après lui parle R. P. Lacram ; f, Messianisme, p. 338, 339.

découlent assez naturellement les lois du genre, et ce fait que l’apocalypse non inspirée, composée à froid, sera généralement pseudoii) me. On veut, on doit prcsque, pour autoriser ces visions (<iui ne sont dans l’occurrence, que prévisions), les mettre sous le couvert d’un grand nom. Et ce sera Ilénoch, Moïse, Esdras… L’apocalypse est riche en allégories, en images, en symboles. Si l’on y mêle (ce qui arrive fréquemment, et permet de dater avec plu » ou moins de probabilité certaines pièces) des allusions aux faits ou personnages contemporains, ce sera sous forme enveloppée, énigmatique.

71. — Un peu comme les mystiques, et pour des raisons analogues, les auteurs d’apocalypses désespèrent d’égaler leur langage aux réalités. Ils y tâchent du moins et leurs expressions sont donc véhémentes jusqu’à l’hyperbole, leurs images grandioses jusqu’à l’incohérence. Le genre se prolongeant et se perpétuant, certaines comparaisons oudescrip-i lions particulièrement frappantes Unirent par se fixer en « clichés », en séries toutes faites. Les troubles sidéraux, les révolutions cosmiques étant jugés spécialement aptes à suggérer les impressions justes, c’est toute la machine céleste qui sera mis^e en branle pour annoncer des événements qui semblent alors

« s’élargirjusqu’aux étoiles », etrejoindre les dernières

convulsions du monde.

Cette littérature fleurit naturellement aux heures de crise, et une guerre malheureuse ou une révolution donnent lieu, de nos jours encore, à des « prophéties » qui sont dans la ligne littéraire des apocalypses. Or ces écrits, ces Tracts for bad times, comme on les a heureusement appelés, forment une grande partie des documents qui peuvent nous renseigner sur la pensée juive aux temps évangéliques.

Il est aisé de voir combien des écrits de ce genre sont difficiles à utiliser, et quelle réserve s’impose â leur endroit. On ne saurait non plus prolester trop lot contre la conception qui voit dans cette littérature pseudonyme, allégorique, à demi ésolérique.un élargissement doctrinal, un épanouissement du prophélisme ancien. Certaines notions se sont, il est vrai, précisées à celle époque : l’universalité de l’appel de Dieu, le prix de l’âme individuelle ; la certitude, la durée elles conditions des rétributions d’outre-tombe. Mais ces progrès s’allirment surtout dans les écrits inspirés de la littérature de Sapience.

Les apocalypses ne font guère que les vêtir, jusqu’à les défigurer parfois, d’une imagerie voyante, ouïes engager dans des symboles abstrus. Loin d’être une transition hevircuse entre les Prophètes d’Israël et l’Evangile de Jésus, les apocalypses non inspirées forment plutôt parenthèse, et c’est en passant pardessus elles que les paroles du Maître rejoignent et prolongent en les élevant, en les achevant, les enseignements des grands [voyants d’autrefois.

B. — Ij3s notions maltresses

72. — Nous rendre réel, en utilisant ces sources d’information (dont les évangiles, du simple point de vue historique, sont assurément la plus pure), l’étal d’esprit des amiiteurs de Jésus, louchant le^ objets principaux de son enseignement, est une tâche délicate. Elle l’est autant que celle qui consisterait à dégager, des documents antérieurs et contemporains, le tableau des aspirations, des images, des idées forces, des mots fascinateurs, des courants de sensibilité qui travaillaient la société française à la veille des Etats Généraux de 178g, ou la société allemande en 1813, quand Fichle lui adressait ses Discours passionnés.quand les pamphlet s de Jean- Joseph Goerres la galvanisaient.