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JÉSUS CHRIST

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Il apprendrait par exemplequ’un mouvement religieux apparaissant à une éi)oque liislorique drtermince, dans un jiays et au milieu d’un peuple connus par de nombreux documents et monuments — mettant en branle des milliers, puis des millions d’iiommes, dont les écrits nous restent, dont les actes et l’inlluencc peuvent être assignés à des dates certaines — aboutissant au plus grand changement, au plus ditlicile, au plus durable dont l’histoire des âmes fasse mention — père et propagateur de doctrines et d’institutions nouvelles et immenses — n’est pas et ne peut pas être le résultat de vagues traits mytliologiques audacieusement tournés en histoire par quelques rêveurs anonymes. Il apprendrait que toute réalité, toute initiative spirituelle viable, féconde, à plus forte raison inépuisable, réclame à son origine une personnalité réelle, dont elle procède. Ce fonds a pu sans doute être enrichi, et modilié par l’apport des premiers lidèles, la caplation de croyances, d’idées, de symboles étrangers à la pensée du fondateur. Mais ces développements ultérieurs, loin de suppléer l’action de celui-ci, rendent témoignage à la fécondité du germe qu’il a semé. L’hypothèse du « mythe spontané », eré.iteur d’énergies et source de vie, est, dans l’ordre spirituel, le pendant de l’hypothèse de la génération spontanée dans l’ordre biologique. Ici et là, contre toute sagesse et toute expérience, on charge un mot (ou un préjugé, un postulat indémontrable) de tenir la place d’une réalité.

41. — Dans le cas qui nous occupe, le rappel de ces considérations générales est d’ailleurs rendu superflu par le nond)re, la solidité, la convergence et la date des témoignages anciens. Jésus n’est pas venu au monde dans un désert, ni même dans un « désert d’hommes », à l’une de ces époques incertaines où l’histoire dispute péniblement aux légendes quelques noms et quelques faits. Le monde juif, en particulier le monde palestinien du premier siècle, nous est parfaitement connu (voir plus bas, chap. I"’) : ses vicissitudes politiques, son régime, les courants d’idées et les influences qui s’j' manifestaient sont dans le plein jour de l’histoire. Jésus est le contemporain d’Auguste et de Tibère, de Philon le Juif et de Flavius Josè])lic, de Tite Live et de Sénèque le philosophe. Virgile, s’il avait rempli son âge, aurait pu le voir de ses yeux. Plularque et Tacite appartiennent à la génération qui le suivit. Les personnages mêlés à la narration évangélique et aux premières origines chrétiennes : Ilérode le Grand, Hérode Antipas, Ilérode Agrippa ; Anne, Caiphe et Gamaliel ; Ponce Pilale, Fcstus et Gallion, frère de Sénèque ; Jean Baptiste. Simon Pierre et.lacques : autant d’hommes réels, dont l’existence, l’activité, la carrière nous sont rendues manifestes par des témoignages multiples et concluants. Paul de Tarse nous est autant, sinon mieux connu qu’aucun homme de l’antiquité profane dont il nous reste une image distincte : nous avons de lui des lettres considérables, authentiques, circonstanciées, qui sultiraicnt à elles seules à mettre liors de doute l’existence, la mission et l’incomparable ascendant de Jésus de Nazareth’.

1. « On pourr ; iit fnirc une petite {( Vie de Jé-ns » aec’les épilics aux I>i.m ; iins,.lux Corintljiens, aux Galatos, et

; ivec l’opitre uux lliii)reux, qni n’ist pas de saint Piiiil, 

mais est bien nmionno », leionniiit Erncsl Renan-, Histnlre du l’enplr d’israi-l, l’iiiis, 18’.I3, p. 110, note 1. — M. Sidomon l’iKINAi 11. thins Orphni^. Hi.il, lire générale des religions, doit à cet argument il’iivoir cthappé nu ridicule de se ranger parmi les len.inis clu « mUlie do Jésus ».

« Si ces cpîtres n’cxistalouL pas… il n’y mirait nucnn

pnr.idoxe h réTOquer en doute la réalité Instorique de Jésus. » Orphens", Puris, lOU’J, p. 3 : J9. — Il serait permis

Les évangiles enfin, dont nul ne s’avise plus de reporter la composition au delà du premier siècle — les citations explicites se multiplient à partir du milieu du second siècle ; bien anjjaravant, dans les Lettres d’IoNACR d’ANTioCHE, martyrisé sous Trajan, vers 107, on trouve des allusions certaines au contenu de nos évangiles’, — les évangiles fournissent, à qui sait lire, une irréfragable attestation de Celui dont les actes et les paroles resplendissent dans leurs pages. Toute l’étude qui suivra servira d’illustration à ces indications rapides.

43. — Ce qui serait à expliquer, c’est que des hommes sains d’esprit et pourvus de quelque culture aient pu en venir à soutenir les thèses auxquelles je fais allusion. La dissolution de toute foi positive, l’intoxication produite par l’abus des hypothèses évolutionnisteset le goût des surenchères radicales, suffisent à rendre raison de ce phénomène. C^e n’est pas la première fois qu’il se produit, et les réfutations par l’absurde, où l’on nous montre Bismarck réduit à l’état de mythe par les méthodes de Drkws et Jen-SEN, ne sont que la réplique du plaisant mémoire dans lequel J. B. Piiuiis prouva jadis (en 1827) au mythologue Duruis, que Napoléon n’était qu’un héros solaire divinisé. Les théories de Dupuis semblaient bien mortes, quand, vers le début du xx= siècle, les éphémères succès de la méthode comparative appliquée à l’histoire des religions, et le petit jeu des substitutions, simplilications et équivalences auxquelles cette méthode donna lieu, orientèrent derechef les esprits aventureux dans le même sens. Lesassyriologues H. WiNCKLKR et H. Zi.mmkrn, dans leur refonte de l’ouvrage classique de Eis. Schrader -, les biblistes II. Gunkel3, T.K. CuEYNE, O. Pi LEiDERER’trouvèrent dans les mjthologies et les religions anciennes des rapprochements inattendus avec l’histoire évangélique. Rapprochements ou suggestions ? Similitudes ou eniprunts ?Une étude sérieuse des documents préserva sans doute ces érudits et leurs émules des excès in tolérables signalés plus liaut. Libérés par leur insu llisance même de cette relative sagesse, d’autres vinrent qui poussèrent à bout la méthode et conclurent, c’est le cas de le dire, au néant.

Le scandale provoqué jiar ces enfants terribles ne laissa pas d’inquiéter les exégètes radicaux. Sentant le discrédit remonter jusqu’à leurs méthodes, et honteux de se voir cités et loués par les Drkws et les llouERTsoN, ils protestèrent viement : parmi ceux qui parlèrent le plus haut on peut citer MAI..V. Ji’iLit : uER, B. W. Bacon, Alfred Loisy*. De là des polémiques passant de beaucoup la portée réelle de cette aventure, dont il doit rester surtout un exemple mémorable et une leçon de sagesse.

43. — Le présent travail est fondé en première ligue sur la leclvire répétée elatlentive<lesdocuments.

de regretter ce scrupule, si l’ouvrage n’était pnr ailleurs, et très spécialement sur le terrain des origines chrétiennes, disqualifié.

1. The A’fii’Testament in. the Apostolic Fai/ie/s, Oxford, l’Jii.-, , p. 76-83.

i. nie Keilinschriften und das Alte Testament’-, 1903.

3. Znm refi^ionsgesc/iichtiic/ien Verstændnis des Setien Testaments, 1 !)03.

4 ; Bible Problems and the new material for Iheir solution, 1904.

5. Das Christusbtld… in rrligionsgeschichtlicher Ileleuchtum ; . 1903.

( ;. Uni Jésus ^elebi ? Marburg, 1910.

7. The nn/thicnl roUnpse ofhisiorical christianity, dans le Uibbert Journal, july 1911, p. "31-7.13.

8. A propos d histoire des reliffions, Pari », 1912, ch. T. Le mythe du Christ. — Dons le même sens, Ch. Guu ; NEBE « r, Le Problème du Christ, Paris 191’i.