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JESUITES

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s’est moqué si à propos diius sa JA' provinciale. » Après la llK-oIogie <ies Jésuites, « iprès leur morale, après leur discipline, c’est leur ascétisme qui est en cause.

« ) II était assez de mode, aux débuts de la Conipa

jïnie, de voir dans les Exercices un manuel d’illuniiiiisme ou de magie. De nos jours, ils ont été l’objet <le crili(iues contradictoires. Des catholifiues leur reproclient de faire trop larye part à la raison, à la surveillance sur soi-même, à la niélliode, à l’cITort de ^ ulonle, i)as assez large au cœur et à l'élan de l'àrae, d'être exclusivement ascétisme, d’avoir contribué, par cet excès de rationalisme pieux, à enrayer, pendant trois siècles, le progrès delà n contemplation ». D’autres, des rationalistes, à la suite de Michelet. n’y trouvent que quiétisme. anéantissement de la volonté sous l’imagination mystique. Ce petit livre n’aboutit qu'à faire des rêveurs qui croient vouloir et qui sont menés par le dehors. C’est un manuel il’haUucination spontanée, oii tout est organisé pour conduire l’homme jusqu'à l’extase.

On nous montre ensuite les Pères organisant une petite religion mondaine au goût du siècle. Ils amusent les âmes, éprises d’idéal, en la nourrissant de bonbons pieux, de pratiques extérieures, d’une morale toute en surface ; et, grâce à eux, dans l’Eglise, les dévotions (.Mariolalrie, Sacré-Cœur, etc.) sont en train de tuer la religion. Lcvir arrhiteeture, le « style jésuite », exubérant et frivole, est le sj’uibole parl^ail de la vie chrétienne telle qu’ils la réalisent. Ainsi MicHBLKT, Taine et leurs copistes.

Une fois de plus, nous sommes en face d’une synthèse où entrent quelques faits mal observés et beaucoup d'à priori.

Et d’abord les E.rercices de saint Ignace ne sont un manuel d’extase, ou d’hallucination, ou d’imagination mj’stique, que pour ceux qui les lisent avec les yeux de Michelet. D’un bout à l’autre, au contraire, ils sont un appel instant et intense à la rcllexion et à la volonté. Bien loin de tout orienter vers l’imagination, Ignace, au début de chaque méditation, endigue cette faculté envahissante et capricieuse par ce qu’il appelle la « composition de lieu ». Il l’exploite aussi, car. toute dangereuse qu’elle est. cette l’acuité est une force qu’il ne faut pas laisser perilre : il l’amène à travailler au perfectionnement surnaturel de l’hoinnie au moj’en des applications lies sens. Tout, dans ce petit manuel dévie parfaite, et même la sensibilité et l’imagination, contribue à raffermir le vouloir et la résolution, en attaquant la mauvaise nature et les alTections déréglées. Un critique protestant l’a reconnu naguère. « les Exercices sont liien un dressage spirituel, mais où les multiples prescriptions et la contrainte imposée au retraitant.iboulissent à fortilier la volonté, à lui donner à la fois élasticité et résistance, à la rendre capable de dominer ses impressions et ses imaginations. Bien loin de déprimer l’esprit et d’amoindrir la personnalité, elles accroissent la liberté et la force moi-ale)) (K. HoLL, /)ie geistlichen Uehiingen des I. von L.. Tiibingen, igo.5, 8° ; cf. Analecta Bolland., t. XXVI.

p. |52).

Ou’on fasse maintenant ce que Pascal aurait dû faire.ivant de bâcler sa IX « Provinciale, où il juge toute la dévotion jésuitique sur deux ou trois opuscules ; qu’on inventorie la littér.iture ascétique de la Compagnie, laquelle, en grande partie, commente les Exercices, ou s’en inspire, qu’on lise en particulier les ascètes français à peu près contemporains du premier Jansénisme, , Saint-Jire, Surin, Caussin.BaLiN’c.uiîM, Haymkui-viî, Suffren. Lb GArpiER, sans parler des Espagnols, Locisdela PLKNTR(Dni)ont), da Palma. Nierembbrg, Rodrigcb/., etc., tous gens dont

l’austérité ne saurait être atlrilmée à une infdtration janséniste. On pourra çà et là discuter le style ; car on n’est pas impunément contemporain des Précieuses. Mais, dans son ensemble, l'école ascétique de la Compagnie n’a point attendu l’exemple de PortRoyal, pour être austère. Elle pousse à l’action, à la lutte méthodique contre les défauts, revient sans cesse à l’examen particulier, cette méthode de perfectionnement intérieur dont Franklin se trouvait bien, et qui suppose une vigilance singulièrement active sur soi-même. A coup sur, des auteurs comme ceux que nous avons cités, ou encore comme BelleCIUS, JUDDB, BoURDAt-OlE, La Colombièrb, Nouet, Grou, Berthier, Caussade. Chaignon, Uavignan, Meschlkr, et vingt autres, ne donnent aucunement l’idée de gens rêveurs déshabitués de la lutte. Us la donnent même si peu qu’actuellement des catholiques leur reprochent d’exagérer le « combat spirituel ».

//) Dans le même ordre d’idées, les protestants ont beaucoup reproché aux Jésuites d’avoir développé dans l’Eglise les « dévotions », les petites pratiques, d’avoir inventé l’Immaculée Conception, le SacréCœur, etc. (^Encyclopédie des sciences religieuses, au mot Jésuites'). On va répétant par exemple : « Il y a dans leur conception de la religion et dans les formes de dévotion qu’ils ont préconisées, quelque chose de radicalement contraire au véritable esprit chrétien évangélique » (Hevue historique, igio, p. 167, tome CIV). On a parfaitement raison, si ce « véritable esprit chrétien évangélique » s’identilie avec le protestantisme. Mais qu’en est-il, si l’identiCcation est fausse ?

Il y. a dans cette assertion courante un point de fait et un point de droit. En droit, la forme « dévotionnelle ') delapiété est-elleconformeà l’espritchrétien ? C’est toute la question du culte extérieur, du culte de la Vierge, du culte des Saints, qui est soulevée, et par surcroit toute celle de l’utilité des bonnes œuvres. Xous la supposons résolue par ailleurs. (Huby, Christus, p. 8.'55-855, 898-908, ga^-gSS.) Mais, en fait, quel a été sur ce terrain le rôle des Jésuites ?

D’abord, ils n’ont rien inventé du tout. Ils ont trouvé la dévotion à la Sainte Vierge florissante dans l’Eglise, de temps immémorial ; mais ils l’ont propagée.. quoi leur ont servi leurs innombrables congrégations. Ils l’ont défendue en théologiens contre les attaques protestantes et les insinuations jansénistes. Pour leur en faire un crime, il faudrait prouver : 1" que cette dévotion est sans fondement doctrinal ; 2" qu’elle entrave le développement normal de la vie chrétienne, faite de sacrifice vrai et de dévouement ; — et, cette preuve, l’a-ton jamais fournie ? (Sur le rôle des congrégations et leur iniluence morale, voir Delplacb, S. J., Hist. des f^ongr. de la S. Vierge, Lille, 1884 ; de Grakdmaison, /. » Congrégation, Paris, 1889.)

Us n’ont pas davantage inventé l’Immaculée Conception, depuis des siècles déjà formellement enseignée dans les Universités ; mais ils se sont fait un honneur de la défendre, et ont par là contribué à hâter la déflnition de 185/|.

Quant au Sacré-Cœur, s’ils en ont été, au xyiii" et au XIX' siècle, les hérauts convaincus, ils n’en ont pas le moins du monde été les inventeurs : i" parce que la dévotion, à l'état privé et individuel, existait bien avant eux (Bainvel, f.a Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. Doctrine. Histoire, 3* édit., 1911) ; a" parce que, lorsqu’ils voulurent en faire une dévotion publique et populaire, leurs supérieurs s’y opposèrent énergiquenienl. (A. IIamon, Vie de la Bienheureuse Afarguerite-Marie. "Paris, 1907, p. 432.) Mais quand la dévotion commença d'être agréée à Rome, leur grand souci fut de prouver que, nouvelle en apparence,