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JESUITES

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religion, et rejeté jusqu’au règne de Henri IV et de Louis XIII. U y eut alors une belle tloraison de vertus sacerdotales. Or, beaucoup parmi ceux qui furent la gloire du clergé de France avaient été les élèves des Jésuites, ainsi S. François de Sales, S. Pierre Focrikr, M. Olier. Berllle. Bovdon l’archidiacre d’Evreux, le B. Jean Eudes. Bénigne Joly le père des Pauvres, François db Montmorency Laval, premier évêque de Québec, etc. etc. Le mouvement s’arrêta, mais une fois Je plus, à qui la faute ? S’il est vrai que la vie sacramentelle est dans l’Eglise catholique la grande source des hautes vertus, qui l’a tarie ? Il faut encore répondre : le Jansénisme. Et ce n’est pas l’avis des seuls Jésuites. Saint Vincent DE Paul le disait dès 1 648 (Sainte-Beuve, A’or/-Borat, II, p. 191), et en 165ô, Mme de Choisv nous représente les mondains s’autorisant du fatalisme janséniste pour abandonner toute vie chrétienne (t. V, p. 72).

h) Il est vrai, il y eut vers ce temps-là une sorte d’épidémie de laxisme. Le mal était réel, puisque les papes ont dû condamner. Mais quels en sont les auteurs responsables, quelles en sont les causes ?

Notons d’abord que le laxisme est de tous les temps, comme le rigorisme. De plus, il sera toujours possible de trouver chez les moralistes des erreurs et des défaillances tenant aux préjugés locaux ; et, par exemple, que certains théologiens espagnols aient élé imlulgents à l’excès en matière de duel, ou les allemands en matière de jeiine, cela prouvera seulement que l’on ne cesse jamais absolument d’être de son pays.

Mais d’où vient que, dans le second quart du XVII* siècle, les défaillances se multiplient chez les casuistes ? Cela lient, a-t-on dit, à une réaction contre le jansénisme. <i Quelques adversaires de l’hérésie fameuse, dans leur zèle à combattre les sévérités outrées de ses conséquences pratiques, s’étaient laissé entraîner au delà des limites d’une sage réaction. ..ux tendances étroites de la secte, ils se trouvèrent amenés àopposer la tendance toute contraire d’un laxisme périlleux : de là certaines propositions hardies, inspirées par les exagérations d’un probabilisme mal entendu. » (Deshayes, art. Alexandre 17/, dans le Dict. de théol. calhol.. t. I, col. ^30.) Cette explication n’est fondée qu’en partie ; car un certain laxisme était antérieur à Jansénius. La Somme des péchés du P. Bauny fut condamnée dès 1630. Mais cette date nous marque justement le temps où disparaissent presque tous les grands moralistes jésuites. <^hez des auteurs comme Lrssius, L*YMNN, SUAHRZ.MoLiNA. l’on pourra bien Souligner des solutions contestables. Mai » aucune tendance générale au laxisme. Eux disparus, se lève une génération de compilateur^ ; , de vulgarisateurs, parmi lesquels le célèbre EscoB.vn(VoirD’K. Wkiss, P. Antonio de Escohar, … Fribourg, iiji 1, cfr. ^<H(/es, 10 février 1912, p. 553).. peine maintenant si, de loin en loin, apparaît un esprit vraiment original. La grande sève théologique est pour le moment tarie. Entre les mains de ces écrivains simplement estimables, laborieux, mais sans élan, que pouvait devenir la casuistique ?

Elle devait subir les lois inhérentes à sa nature. Comme toute chose ici-bas. elle portait en elle-même ses germes de décadence. Dans l’examen qu’elle est .amenée à faire des actes humains pour distinguer le permis et l’interdit, l’interdit siib gra^’i et l’interdit sub le.i’i, il lui faut diviser ce qui de prime abord apparaît confondu. C’est sa manière à elle de progresser. Elle ne vit que de distinctions. Il lui faut regarder les faits au microscope, et étiqueter avec une précision de plus en plus line les espèces morales.

Entre les mains d’un docteur éminent. elle anra peine à éviter l’apparence de la subtilité. En évitera-t-elle toujours la réalité, maniée par un théologien de fermeté moindre ? Et c’est ce qui est arrivé. Mais en pareille matière, la subtilité risque de mener aux solutions relâchées.

Il parut donc vers ce temps-là plusieurs écrits de théologie morale gâtés par plus de propositions erronées qu’on ne le voudrait, assez pour que les adversaires de la Compagnie pussent mener contre elle un bruit d’enfer, pas assez cependant pour qu’on put en conclure, comme on le faisait, à un système, et le P. G. Daniel écrivait très justement (Recueil de diters ourûges, Paris, i^i^. t. II. p. j^. Seconde lettre au P. Alexandre) : « U y a trois sortes (de décisions ) pour lesquelles on a prétendu convaincre les Jésuites de relâchement. Premièrement il y en a qu’on leur objecte comme relâchées, et qui ne le sont point en elTet, parce qu’elles sont conformes au sentiment général de tous les docteurs et de toutes les écoles catholiques et seulement opposées aux idées particulières de quelque théologien qui se fait un honneur et un mérite de se distinguer dans ses livres par l’atTectation d’une extrême sévérité… La seconde espèce de décisions… sont des extraits de leurs auteurs faits avec inlidélité. soit en retranchant des circonstances, soit en y ajoutant d’autresqui changent l’espèce, ou qui, détachés d’un article ou d’un chapitre, font une tout autre idée que lorsqu’on le lit dans l’endroit même d’où on les a tirés… Enlin l.i troisième espèce… sont quelques décisions tirées véritablement de quelqu’un de leurs théologiens qui, en effet, ne sont pas exactes… Sur ce dernier point, voici trois propositions que l’adversaire peut contredire s’il le veut, mais sur lesquelles on est prêt à lui apporter toutes les preuves qu’il désirera. Première proposition : Quand il est arrivé qu’un docteur jésuite a donné dans ses livres une décision évideraluenl mauvaise… le sentiment contraire a été aussi le sentiment commun des théologiens de la société. .Seconde proposition : quand un théologien jésuite a donné une décision de cette nature, ordinairement il a eu pour guide ou pour compagnon quelque docteur thomiste. Troisième proposition : Si en matière de morale, ou d’autres dogmes théologiques, on supputait les erreurs bien avérées qui sont échappées aux théologiens thomistes et aux théologiens jésuites dans leurs livres, la liste de celles des Jésuites serait plus courte notablement. »

Aussi S. Alphonse DR Liguori pouvait-il, en 1756, rendre aux victimes de Pascal le témoignage suivant : u D’ordinaire, j’ai suivi le sentiment des Jésuites, et non celui des Dominicains, car les opinions des Jésuites ne sont ni larges, ni rigides, mais de juste milieu. Et si je soutiens quelque opinion rigide contre tel ou tel écrivain jésuite, je le fais presque toujours en m’appuyant sur l’aulorité d’antres écrivains de cette Compagnie. C’est d’ailleurs d’eux, je l’avoue, que j’ai appris le peu que j’ai mis dans mes livres ; c^r, en fait de morale, je ne cesserai de le répéter, ils ont été, et ils sont encore les maîtres n (.’<omars i-56).

IV. l.a vie chrétienne. — On poursuit, i L’esprit catholique a été misa l’élroit par le dogmatisme jésuitique, et s’est atrophié. L’àine s’est atrophiée aussi, pour avoir élé mise au large par la morale facile. Car ce qu’il faut à l’être humain pour se développer normalement, c’est précisément ce que les Jésuites lui refusent, les larges espaces devant l’intelligence, et, devant le creur. une discipline sévère. Reste maintenant à nourrir cet être amoindri qu’est le catholique jésuitisé, et c’est à quoi sort la dévotion et les dévolions nouvelles, dont la formule est dans les Exercices de saint Ignace et dont Pascal