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JESUITES

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réclusion, pour pleurer sur cette obligation de rester vierge ; et ses compagnes allèrent chaque année, non point se lamenter à son sujet, mais coinxrser avec elle, dans son cloître, pour la consoler.

Cette interprétation, adoptée en substance par nombre de rabbins, par qllelques exégètes catholiques, déjà, paraît-il, par Nicolas ue Lyrk, et surtout par les criti<iues hétérodoxes du xvi' et du xvu' siècle (MiNSTER, Clabius, Dri’sius, Amama, Grotius, dans Critici sacri, t. II, col. 64^-666), a été réfutée solidement par Cappell ((.rit. sacr', iliid.), et plus tard par Dom Cai.meï (Dissertation jointe à son commentaire des Juges). Parmi les exégètes de notre temps qui ont essaj é de la remettre en honneur, avec diverses nioditications et perfectionnements, citons L. Reinke (1851), ZscnoKKE (1884), Van Hoonacker, Le vuea de Jeplilé, 1898 ; Kaule.n, Commentatio de rébus Jepkiae, 18g5 (cf. Heyue biblique, 189/1, p. lôi ; 1895, p. 6Ji)- Les plus récents défenseursde l’opinion traditionnelle sont ViGounoux, Fillio.n, Palis (article Jephté dans le Diclionnaire de la Bible), SchoepFER (Geschiclite des A. T., 5° éd., 1912, p. 300-303), Laghange, Mader (Die Menschenopfer der allen Ilebr/ier und der benachbarien Volher, 1909, p. 153-162) et surtout db Hummelauer qui traite la question à fond dans son commentaire des Juges.

Le caractère arbitraire et forcé de la nouvelle exégèse rabbinique ressort des considérations suivantes :

I. Le sens disjonclif du f « i', à la Un du verset 31, est grammaticalement etiogiqueinent impossible.

a. L’expression offrir en liolocauste ne peut pas être prise, dans la formule d’un vœu, au sens métaphorique, à peine usité dans de très rares cas particuliers.

3. La virginité n'était jias regardée, en Israël, comme agréable à Dieu et matière possible d’un vœu ; t la consécration à Dieu n’excluait pas le mariage, comme on le voit par rexenq>le de Samson, de Samuel et des nazaréens en général » (Palis).

4. La grande douleur de Jephté est inexplicable dans cette hypothèse.

5. Les deux mois de délai n’ont point de raison d'être. « Cerle si Deoconsecrata fuit perpétua virgo, nulla fuit causa dellcndæ virginitalis, glorlosa enim fuit et commendahilis perpétua illaa conjugio abslincnlia. Aut si llere virginilalem vel voliiit vel o[)ortuit, certe tum dcnuiui llere illaui decuit luui monasterio includenda fuit ; antequani veio clauderetur, deiuit potiuscuui amicisct sociis puellis spalio duoruin illoruui mensium vitam agere lælam et jucundam, siquideni poslea lugendi tempus plus satis longum iili supererat » (Cappell).

6. Si la lille de Jephté continue à vivre, consacrée à Dieu comme vierge, les lameiitalions annuelles de ses compagnes (ou les chants pour célébrer le fait) n’ont [dus de sens ; et l’on tombe dans l’interprétation couiique des rabbins (ses conqiagnes vont converser avec elle quatre jours par an !)

7. Imaginer une commutation, un accomplissement métaphorique ou synil)oli([iio du vœu est arbitraire, quand le texte dit clairement : « Il accomplit en elle le va-u qu’il avait fait » (v. 89).

Suivons donc pour ce chapitre l’exégèse très juste des douze premiers siècles de l’Kglise.

Il n’y aurait point de dilliculté Ihéologlque à admettre ([ue Jephté ait oITert, sous l’inspiration divine, un sacrilice humain. Dieu, maître absolu de tous les êtres, peut bien terminer de cette manière la vie d’un individu ; s’il demande à un père d’immoler son enfant, cette action n’a rien d’immoral. Seule, l’ctroitesse d’esprit d’un certain rationalisme repousse comme impie le sacrilice d'.-Vbraham. Ce sacrifice

ne pouvait être immoral, puisque Dieu.bien qu’il l’ait empêché au dernier moment, avait fait à Abraham un devoir d’y consentir (cf. de Hummelauer, in Jud., p. 222). S. Grégoire de Nazianze place le sacrilice de Jephlé à côté de celui d’Abraham (Bpitapli.iji, l'. G., XXXVUl, 58). Mais le texte biblique n’oblige point du tout à voir dans le cas de Jephté, l’inspiration ou l’aïqirobatioii de Dieu. Poussé i)ar l’esprit de lahvé, Jephté part en campagne (v. 39) ; il ne s’ensuit j>as qu’il agisse ensuite tout le temps sous l’influence divine.

Emis spontanément, son vœu a pu être fait avec trop de précipitation, mais de bonne foi, étant données les mœurs d’alors, donc sans faute grave. Dire que Jephté n’a pas pu méconnaître la Loi, c’est oublier ses antécédents (/ «  « /., xi, 1-3). De plus, la seule loi qui défend expressément les sacrilices humains est celle du Deutéronome, xii, 31 ; or, ce livre aj’ant passé par une rédaction nouvelle au vu* siècle av. J.-C. (cf. Van Hoonacker, Le sacerdoce lévitique, p. 126 ; DE Hl’mmelaueb, in Deut., p. 76), très probablement cette loi était moins connue, sinon inconnue, dans les temps antérieurs.

Une fois le vœu prononcé, Jephté, suivant les idées du temps, s’est cru absolument tenu de l’accomplir (cf. Lagrange, Le Livre des Ju^es, p. 216). Il n’est ni approuvé ni blâmé à ce sujet par le passage de l’Epître aux Hébreux, xi, 32, qui loue simplement sa foi, en le nommant à côté de Samsoii et de David, dont toutes les actions ne sont pas non plus approuvées pour cela.

Albert Cond.imin, S. J.


JÉSUITES. — La Compagnie de Jésus a été si souvent identifiée, par les ennemis de l’Eglise, avec l’Eglise elle-même, qu’il convient de lui faire ici une petite place. Depuis trois cent cinquante ans qu’elle existe, toutes les fois qu’une campagne violente ou sournoise a été menée contre Rome, la campagne contre les Jésuites a précédé ou suivi, dissimulant, parfois très mal, le véritable objectif de la lutte. Et, chaque fois, des traits nouveaux étaient ajoutés au portrait légendaire des disciplesd’lgnace. Nous dirons un mot rapide sur l’histoire de cette légende populaire, nous réservant d’insister un peu plus sur la façon dont les historiens hostiles à l’Eglise expli((uenl l’action et l’influence des Jésuites pendant les quatre derniers siècles.

I.

Histoire de la légende

I. En pays protestants. — Du premier coup, dans l’Allemagne luthérienne et calviniste, les Jésuites eurent la réputation d'être assassins, empoisonneurs, incendiaires, régicides. Leur livre des E.i ercices spirituels devint un livre de magie, et la « retraite » une série de pratiques occultes ù base de sorcellerie. Leur supérieur, le bienheureux Canisius, était un apostat, son catéchisme l’ordure du diable, leurs caves des arsenaux, leurs collèges des ollîcines de luxure et IJellarmin, leur grand controversiste, un monstre. Tous les crimes qui se commettaient par le monde, tous les malheurs <)ui frap|)aient les rois, leur étaient imputés. 13ref, disait le père Beeanus, encore un peu on va nous accuser d'être les auteurs du péché originel.

La cause de ces calomnies ? Les Jésuites étaient papistes convaincus ; ils soutenaient partout de leur micu.x les grandes thèses ultiamontaines. Pour les attaquer plus aisément, ou diforma ces thèses ; on leur ilonna un tour anarchiste ou révolutionnaire. S’ils <lisaient <(ue le pape est infaillible en matière de