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JEANNE (LA PAPESSE)

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Jean de Lalran ; elle passa pour avoir composé des préfaces, of. un uianusci-it d’Oxford contenant la chronique de Martin l’olonus cite par Doellinger, p. 32, n.i, et Martin le l’ranc. Champion des dames, i’aris, 1530, fol. 335 ; elle aiu-ait eu, par une révélation ou par le ministère d’un ange, le choix entre souIVrir une peine temporelle ici-bas et encourir la damnation éternelle, et elle aurait préféré la peine temporelle, d’où la catastrophe linale, cf. Doellinger, p. 31. Çà et là. pourtant, la version de Martin Polonus fut abandonnée, par exemple par l’auteur d’un récit qui se lit dans un manuscrit du xiv* siècle et qui a été publié par Doellinger, p. 50-51, note : c’est une jeune lille, nommée Glancia, originaire non de Mayence, mais de la Thessalie, qui serait devenue pape, et non pas le pape Jean, mais le pape Jutta.

h) Addition de la légende de lu chaise stercoraire.

— La légende de la papesse Jeanne s’aggrava d’une seconde légende non moins répugnante que la première.

I. La légende de la chaise stercoraire. — On prétendit que, afin de rendre impossible le scandale de l’élection d’une autre papesse, l’usage existait de s’assurer, en se servant d’une chaise percée, dvi sexe du pape élu. Platina, -j- i’|81. Le t’ite de’Ponte fici. t. 1, p. 207, rejette cette nouvelle légende, mais constate qu’elle avait cours : ulcuni scrivono… che, per non cadere net mcdesimo errore, ogni volta che si créa i- ponte fice, si fa seder^ in una seggia aperta di solto, perche Vultimo diacono toccandolo i’eda che egli sia inaschio. Cf., parmi les textes les plus caractéristiques r.’produisant ce conte, Geoffroy de Gourion, vers 1295, ùnns Histoire littéraire de la F » a/ice, Paris, 18^7, t. XXI, p. 10 ; le dominicain Kobert d’Uzès, -]- 1296, dans [fistoire littéraire de la France, 1842, t. XX. p. 501 ; .lacques Angeli de Scaperia, en i^oo (il proteste contre Vinsanam fabulam), cf. Doellinger, p. 38 ; Félix llemmerlin, -j- i^Go, Dialogus de nohihbiis et rusticis, cf. Doellinger, p. 38, n. 5 ; Martin le Franc, ancien si’crétaire de l’antipape Félix V et de Nicolas V, Y vers i.’jGo, Champion desdames, Paris, iâ30, fol. 335 ; Laonic Ghalcondyle, -{ vers i/|64. De rébus tiircicis, I. VI, P. G., t. CLIX, col. 300-301 ; l’anglais Guillaume Brevin, qui vécut à Home sous les pontiiicats de Paul II et de Sixte IV, De septent principalibus ecclesiis urbis Honiae, écrit vers 1470, dans G. Oudin, Commentarius de scriploribas Ecclesiæ antiqtiis illo-’unique scriptis, Leipzig, 1722, t. III, p. 2678 ; Jean de l’.isinge (Janus Pannonivs), évcque de Fiinfkirchen, ’- 1’172, dans J. Lenfant. Histoire de la papesse Jeanne, 3* édition, la Haye, 1736, t. I, p. 186-187, et P. Bayle, Dictionnaire historique et critique, Bàle, 1741. t. III, p. 584 ; le.Milanais Bernardino Gorio, qui assista au couronnement d’.Mexandre VI (1492), cf. Doellinger, p. 38-39, note ; Marc- Antoine Coccius. dit Sabellicus, ~ 1506, Secundus tomus onerum continens scx posleriores Enneades rapsodtæ historicae. Bàle, 1560, col. 626 ; Bolzani, un des courtisans de Léon X, dans un discours adressé au cardinal Hippolyte deMédicis et imprimé, avec privilège pontifical, cf. Doellinger, p. 39-40 ; et, pour la période ultérieure, le Suédois Laurent Banck, témoin de l’intronisation d’Innocent X (16’14), cf. Doellinger, p. 38. Voir encore les renseignements fournis par Florimond de Remond, L’antipapesse, p. 143-144.

J. Explication de la légende de la chaise stercoraire. — Elle est simple. Une fois !e pape élu, on allait en procession à Saint-Jean de Latran ; le pape se mettait dans une chaire de marbre, placée sous le portique de l’église ; les deux plus anciens cardinaux le prenaient sous le bras et le soulevaient, au chant du Suscitons a terra inopem et de stercore erigens pjuperem. De là le nom de chaise stercoraire. Cette

chaise n’était pas percée, et le symbolisme de la cérémonie ressort sullisamuient du verset du psaume pour qu’il ne faille pas y ajouter le symbolisme réaliste indi(]ué par Platina, Le vile de’Ponte/ici, p. 207 : perché chi in tanta dignità monta sappiae si at’egga per questa via che egli non è Dio ma huomo, e soggetio aile nécessita délia natara, ed a quella specialmente dell’evacuare, ondee mcrilamenle quella sedia stercoraria chiamala. Ensuite le pape était conduit uu baptistère du Latran ; il s’asseyait sur un siège de porphyre, et recevait les clefs de la basilique, coiniue signe de son pouvoir. Puis, assis sur un autre siège de porphyre, il rendait les clefs. Ces deux chaires de porphyre étaient percées ; c’étaient des sièges antiques, qui avaient servi à des bains, et qui furent utilisés dans cette cérémonie non à cause de leur forme mais à cause de leur valeur. La légende, confondant toutes choses, ne parla que de la chaise stercoraire, dont elle Ut une chaise percée, et prêta à la cérémonie la signification que nous avons vue. Est-ce en haine de la légende stupide, ou pour un autre motif ? Toujours est-il qu’après Léon X les papes cessèrent de prendre possession du pontificat, avec ce cérémonial. Gf. les Bollandistes, Acta sanclornm, Paris, 1866, maii, t. IV, p. 471-473 : Mabillon, Muséum italicum, Paris, 1687, t. 1, p. ûg, reproduit dans P. /.., t. LXXVllI, col. 920-922 ; Tauteiu- d7/ sacro rito anticoe moderno délia elezione, coronazione e solenne possesso del somma pontefice, Rome, 1769, p. 213-215 ; F. Cancellieri, Storia de’solenni possessi de’sommi pontefici, detti anlicamente processioni, dopo la loro coronazione, dalla basilica Vaticana alla Lateranense, Rome. 1802 ; G. Moroni, Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, Venise, 1841, t. VIII, p. 171-173.

c) Diffusion de la légende. — La diffusion de la légende de la papesse fut considérable. Honoré de Sainte-Marie, Animadversiones in régulas et usum critices, 1. I, dissert, iii, reg. 7, Venise, 1768, t. II, p. 99, dit ipie beaucoup l’ont crue, inter quos 10 catholici sunt et aliqui eliam viri in sanctorum album recensiti. Cf. des énumérations plus complètes des tenants de la légende, dans D. Blondel, Familier esclaircissement, p. 12-13, 85, et Lenfant, Histoire de la papesse Jeanne, W partie, ch. v (il cite 150 témoins). Encore ces listes, si elles doivent être allégées de quelques noms, pourraient-elles être grossies par l’adjonction de noms nouveaux. Aussi Florimond de Remond, L’anti-papesse, i. 6-7, disait-il : n le confesse que cest erreur est un erreur privilège, veu que les aulheurs qui ont laissé quelque mémoire de ce pape leanne sont en si grand nombre qu’ils rendent aucunement excusables et dignes de pardon ceux qui ont adiousté foy au beau conte qu’on fait d’elle. i>

Il est remarquable que la diffusion de la légende soit due aux meilleurs catholiques. Sans doute un Jean Hus l’exploita, et un Guillaume Occara aussi, Dialogus inter magistrum et discipulum, 1. V, c. vii, et Opus 90 dierum, c. cxxiv ; les gallicans de l’école de Gerson, et Gerson tout le premier, dans son sermon De pace prêché, à Tarascon. en 1403, devant Benoit XIII, Opéra, Paris, 1606, t. I, col. 253, appuyèrent leurs thèses sur le fait de l’élection de la papesse. Voir encore Jean de Chiemsée, Onus Ecclesiae, c. xix, § 4, Cologne, 1531, fol. 34 verso. Mais ce sont les deux ordres dévoués entre tous au Saint-Siège, les dominicains et les franciscains, qui furent les principaux propagateurs de la fable. (L’apologie du dominicain J. Casalas, Candor lilii seu ordo FF. Prædicatorum a calumniis et contumeliis Pétri a Valleclausa vindicatus, Paris, 1664, p. 120-124, est arriérée.) Et rien ne permet de supposer, avec Doellinger, Die Papstfabeln, p. 21-23, que ces religieux, par ailleurs