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JEANNE D’ARC

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les documents, que doit-on penser de ces phénomènes ?


i" Ces phénomènes étaient, non des effets de l’imagination et delà sensibilité, mais des visions réelles, des phénomènes auditifs certains, un commerce intellectuel incessant, produit par des causes extérieures et supérieures, d’une objectivité indubitable, qui n’étaient autres que l’archange saint Michel et les saintes Catherine et Marguerite.

2° Les historiens rationalistes, qui ne veulent à aucun prix du surnaturel, en sont réduits à laisser le fait des Voix inexpliqué, ou bien à n’y voir que des phénomènes hallucinatoires. Ceux qui recourent à ce dernier expédient sont obligés de convenir qu’ils ont les documents contre eux. Impossible de découvrir dans les deux procès et les chroniques du temps le fait prouvé d’une seule hallucination dont la l’ucelle aurait été le sujet. Pas plus à Domrcm.v qu’à Chinon, au cours de ses campagnes que dans l’année de sa captivité, on n’a pris Jeanne en llagrant délit, s’il est permis de le dire, d’un phénomène, a fortiori d’un état hallucinatoire.

3" Eu effet, les Voix de Jeanne, telles qu’elle les a fait connaître au cours de son procès, — et c’est par ce document principalement que nous les connaissons — produisaient chez elle un état physique, intellectuel et moral, irréductible à l’état hallucinaluire. L’hallucination est j)li.vsiquement un phénomène morbide ; intellectuellement, c’est, un phénomène irrationnel, source d erreurs constantes et de faux jugements ; moralement, c’est un phénomène involontaire et fatal, que le sujet subit et qu’il ne domine jamais. Pendant les sept années que Jeanne a eu ses révélations et ses Voix, on ne constate chez elle aucun état morbide, aucune aberration in-Icllectuelle, aucune série d’actes marijucs au coin du fatal et de l’involontaire, et se dérobant à la direction du libre arbitre.

Mais il y a plus. L’étude approfondie des textes met au jour chez l’héroïne un certain nombre de visions et de révélations qui se d jtinguent par ce qu’on doit nommer leur portée objective, et qui, de la sorte, deviennent suscc[)tibles de vérification historique. Nous appelons révélations, voix à portée objective, des révélations visant des événements extérieurs, publics pour la plupart, présents ou à venir, nettement caractérisés, qu’il n’était pas possible de connaître humainement et d’annoncer positivement ; tels, la levée du siège d’Orléuns, la blessure que la Pucelle devait recevoir sous les murs de cette ville, le sacre du jeune roi à Reims, la recouvrance du royaume du vivant de Charles Vil, cl beaucoup d’autres faits d’égale importance. J’ajoule que ces révélations à portée objective sont susceptibles de vérification historique, parce qu’il n’y a qu’à consulter l’histoire et à y rechercher si, en regard de chaque révélation et de chaque prophétie de l’héroïne, ne s’est pas produit au temps voulu le fait extérieur, public ou privé, qui en a été l’exact accomplissement. Les documents fournissent la preuve de plus de trente révélations ou vaticinations dont Jeanne se déclarait redevable à ses Voix, et que les cvéncnienls ont jusliûées. Les connaissances qu3 ces vaticinations supposent sont manifestement surhumaines. pour ne pas dire surnaturelles. Les historiens qui en infèrent la réalité de ses communications surhumaines, l’objectivité de ses apparitions et visions, peuvent se réclamer des exigences de la logique, et des lumières de la raison, aussi bien que des enseignements de la foi.

Ces explications des Voix et révélations de la Pucelle nous indiquent l’opinion que l’on peut concevoir à juste titre de sa mission divine el de sa

Tome II.

sainteté. L’une el l’autre ont pour base les documents.

La sainteté, c’est la vie entière de la servante de Dieu qui l’établit. Lorsque le chef de l’Eglise la proclamaiten 18y’j et en 1909, il ne faisait que proclamer la vérité dont l’histoire avait fourni la preuve. Il n’en va i)as différemment de la mission divine. Cette mission de voyante inspirée et de libératrice nationale, elle n’a cessé de la remplir et de l’affirmer, depuis son premier voyage à Vaucouleurs jusqu’au bûcher sur lequel elle rendait le dernier soupir. Elle l’a remplie par ses prédictions si propres à ranimer le patriotisme et la confiance des défenseurs du royaume. Elle l’a définie sans ambages : fermer l’ère de la défaite pour les loyaux Français, rouvrir le chemin de la victoire, y entrer la première son étendard à la main, annoncer l’expulsion totale des envahisseurs, et dans l’unique année qui devait mesurer sa carrière, animer ses compagnons d’armes du patriotisme et de la vaillance indispensables jiour achever l’œuvre qu’elle avait si bien commencée. Telle a été, en dehors de toute subtilité, la tâche de r « envoyée de Dieu ».

Jeanne d’Arc et l’Eglise. — Peut-on dire, comme le font quelques historiens, que l’Eglise a été pour quelque chose dans son procès, sa condamnation el son exécution ?

Fidèle enfant de l’Eglise, Jeanne l’a été à Domremy et durant sa vie guerrière ; elle l’a été pareillement durant son procès, même lorsque ses juges revenaient à satiété sur la nécessité de soumettre ses dits et faits à la détermination de l’Eglise.

Au cours de ces séances, la prisonnière a eu le bon sens de ne point partager les idées que Pierre Cauchon exprimait à ce sujet ; elle n’entendait jias l’Eglise, comme son juge l’entendait. Elle eut la sagesse de mettre au-dessus de l’autorité d’un simple évêque celle du pape, d’en appeler du jugement de cet évêque à celui de Rome. Qui songerait à l’en blâmer’.' Il lui en a coûté la vie. Mais la réparation est venue ; c’est l’Eglise même qui inscrit son nom au livre d’or des vierges et des saints.

Par suite d’une étude superficielle du droit canonique et des documents, des historiens ont vu longtemps dans le procès de 1431 un procès ecclésiastique régulier, péchant seulement par quelques abus de pouvoir. Des recherches récentes ont montré qu’il fallait y voir autre chose : un procès anglais de vengeance d’Etat, dissimulé sous un faux procès canonique.

Procès anglais d’Etat, d’abord. C’est le gouvernement anglais qui en prend l’initiative ; c’est lui, non le Saint-Siège, qui choisit et délègue le juge ; la délégation en ce cas étant de nul effet, il est arrivé que ce juge n’a été qu’un juge intrus, sans compétence et sans pouvoirs. Anglaise a été aussi la direction du procès, anglais l’or qui a tout payé, anglais au moins de cœur les assesseurs appelés à y prendre part ; anglais le but poursuivi, c’est à savoir une condamnation infamante et la mort du bûcher pour tirer vengeance de la jeune Française qui avait commis le crime d’arracher des griffes de l’Anglais le beau royaume de France.

Faux procès canonique ensuite. L’évêque de Beauvais n’avait ni pouvoirs propres, ni pouvoirs délégués. Il n’avait pas de pouvoirs propres, n’étant pas l’évêque n ordinaire » de Jeanne d’Arc ; pas méiiie accidentellement, car Jeanne avait été prise par les Bourguignons sur le territoire du diocèse de Soissons, non sur celui’du diocèse de Beauvais (Compiègne, en ce leinps-là, appartenait au diocèse de Soissons). Pierre Cauchon n’était donc pas, ainsi que le préten-’dent les lettres du roi d’Angleterre qu’on lit au

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