Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/623

Cette page n’a pas encore été corrigée

1233

JEANNE D’ARC

1234

de comparaître le lendemain, à huit heures du malin, dans la chapelle du château de Rouen pour être dûment inleirogée. La prisonnière répondit qu’elle comparaîtrait, mais elle présenta deux requêtes : I » qu’il y eût, parmi les assesseurs, autant d’ecclésiastiques du parti français qu’il y en avait du parti anglais ; 2° qu’il lui fût permis, avant de comparaître, d entendre la messe. Pierre Cauchon ne répondit même pas à la première demande et repoussa catégoriquement la seconde.

L’homme de l’Angleterre ne s’en tint pas là. Il viola cyniquement les règles du droit qui exigeaient que l’accusée fût mise, non en prison d’Etat, mais en prison ecclésiastique, et qu’un avocat-conseil lui fût donné pour l’assister dans les interrogatoires. Aux réclamations réitérées des assesseurs qui signalèrent ce qu’avaient d’odieux et d’inique de pareils procédés, Pierre Cauchon opposa un refus opiniâtre. Sans doute l’Eglise, le droit canonique était contre lui ; mais, raison à ses yeux décisive, « cela déplaisait aux Anglais » (Procès, t. II, p. 7-8).

Des sU interrogatoires publics. — Les interrogatoires que l’instruction ou procès d’oflice fit suliir à la Pucelle furent au nombre de quinze, six en public, neuf dans sa prison, en présence des juges et d’un petit nombre d’assesseurs. Il y eut toujours de nombreux spectateurs aux interrogatoires publics : 4^ assesseurs étaient présents au premier, /(8 au deuxième, 60 au troisième, 54 au quatrième, 58 au cinquième, 41 seulement au sixième. Dans les cinq premiers, l’évêque deBeauvais insista beaucoup pour que l’accusée jurât de dire la vérité sans réserve aucune. Jeanne s’y refusa constamment. Au début du sixième, on n’insista plus, on la laissa jurer comme elle l’entendait. Ce fut à maître Jean Beaupère que l’évêque juge confia le soin de diriger les interrogatoires.

Le premier eut lieu le mercredi 21 février à huit heures du matin ; si l’on s’en rapporte au texte du procès, il fut assez court et insignifiant.

Le deuxième eut lieu le lendemain 22 février, à la même heure que la veille. Jeanne fut interrogée sur ses Voix, sur les enseignements qu’elles lui donnaient, sur ses visites à Baudricourt et sa présentation au Dauphin à Chinon.

Dans le troisième (samedi a^ février) il fut encore question des Voix de la jeune fille. Elle y répéta qu’elle était u envoyée de Dieu >', que ses Voix « venaient de Dieu et qu’elle le croyait aussi fermement qu’elle croyait que Notre-Seigneur nous a rachetés des peines de l’enfer ». C’est en cette séance que à la question brusque et perfide : « Eles-vous en la grâce de Dieu ? » elle fit la sublime réponse : « Si je n’y suis, veuille Dieu m’y mettre ; si j’y suis, veuille Dieu m’y garder. j> D’intéressants détails sur le Bois Chesnu et le Bel arbre terminent cet interrogatoire.

Le quatrième interrogatoire public eut lieu le mardi 27 février. Il y fut question des apparitions de saint Michel, de l’habit d’homme, de l’audience de Chinon, de l’épée de Fierbois, de celle de Franquet d’.rras, de sa bannière, du siège d’Orléans et de la blessure qu’elle y reçut. On lui demanda ce qu’elle aimait le mieux, de sa bannière et de son épée. — I’J’aime beaucoup, répondit-elle, j’aime quarante fois mieux la bannière que l’cpéc. En chargeant l’ennemi, je prenais non l’épée, mais la bannière ; cela pour ne pas verser de sang. De fait, je n’ai jamais tué personne. »

Dans le cinquième interrogatoire, qui eut lieu le i" mars, Jeanne annonça que. a^ant sept ans, les Anglais perdraient un ga^e plu^ précieux qu’Orléans, Paris, qui en effet se rendait au roi de France en 1436 Elle savait cela a par saintes (Catherine et Marguerite u ; et elle donna sur leurs apparitions les détails

les plus intéressants. On lui parla de ses anneaux, de la fontaine du Bel arbre, de la mandragore, puis encore de saint Michel et des saintes, et du signe du roi, duquel elle ne voulut rien dire. Autre particularité notable de cette séance : Jeanne dit aux juges savoir par révélation « que son roi gagnerait le royaume de France. Je le sais, ajouta-t-elle, comme je sais que vous êtes là devant moi sur ce tribunal. »

Le samedi’6 mars se tint la dernière séance publique. On y toucha une foule de sujets permettant de supposer que la Pucelle s’était livrée à des enchantements et à des pratiques démoniaques. On parla de l’habit d’homme, des panonceaux de ses gens, de frère Richard, des témoignages de vénération qu’elle recevait du peuple, de l’enfant de Lagny, de Catherine de la Rochelle, de sa tentative d’évasion de > Beaurevoir.

L’interrogatoire terminé, l’évêque de Beauvais annonça que dorénavant l’accusée ne serait interrogée qu’en secret en présence de témoins spéciaux.

Ces interrogatoires secrets eurent lieu dans la prison de Jeanne, du samedi 10 mars au samedi ;. Ils furent au nombre de neuf. Les docteurs de Paris, Nicolas Midi et Gérard Feuillet, assistèrent à titre d’assesseurs, Jean de la Fontaine fut chargé d’interroger ; l’évêque de Beauvais présida et deux témoins complétèrent l’assistance. Les interrogatoires, le matin, commençaient à huit heures et duraient environ trois heures. Il y en eut aussi plusieurs dans l’après-midi, tout aussi longs et tout aussi fatigants. Ils l’étaient pour les interrogateurs ; à plus forte raison l’étaient-ils pour la pauvre prisonnière.

Des neuf interrogatoires de la prison. — Le premier eut lieu le samedi 10 mars. II y fut question de la sortie de Conipiègne, de l’étendard de la Pucelle, mais surtout du signe que Jeanne à Chinon avait donné au roi pour prouver qu’elle venait de par Dieu. On reviendra sur ce signe dans les séances suivantes et on s’efforcera de mettre la jeune fille en contradiction avec elle-même. Y eût-on réussi, on ne voit pas bien quelle pouvait en être la conséquence. Il n’en résultait nullement que ce signe fût quelque chose de diabolique. « Toute cette histoire de signe, d’ange, etc., a dit avec raison Vallet de Viriville, paraît être quelque parodie dénaturée par la mauvaise foi, des réponses que put faire la prévenue. « (Procès traduit…. p. 88, note 1.)

Le lundi 12 mars, Jeanne subit deux interrogatoires, l’un le malin, l’autre l’après-midi. Dans celui du matin, on revint sur le signe du roi et l’audience de Chinon. Puis il fut question du vœu de virginité, du départ contre le gré de ses parents, et des noms de 8 fille de Dieu, fille de l’Eglise, fille au grand cœur » que lui donnaient ses Voix. Dans la séance de l’aprèsmidi, le songe du père de Jeanne, l’habit d’homme, les apparitions angéliques, la délivrance du duc^ d’Orléans furent les sujets examinés.

Le quatrième interrogatoire eut lieu le mardi 13 mars. Ce jour-là, le vice-inquisiteur Jean Lemaitre, par ordre du grand inquisiteur Jean Gravèrent, s’adjoignit en qualité de juge à l’évêque de Beauvais et ne le quitta plus… Il voulut avoir son greUier à lui : ce fut Nicolas Taquel. Il parut et, d’après le manuscrit de D’Urfé, fit quelques questions à l’accusée en cette séance. On y parla du signe du roi principalement, puis de la tentative sur Paris, des. atfaires de la Charité et de Pont-l’Evêque.

Le mercredi i/J mars, il y eut deux séances, la cinquième et la sixième, l’une le matin, l’autre dans l’après-midi. Dans la séance du matin, il fut question de ce que l’évéque-juge appelle le « saut de la tour de Beaurevoir ii, et de ce que la prisonnière avait demandé à Dieu et de ce que ses saintes lui