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JEANNE D’ARC

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mois d’oclobre, le roi pria Jeanne, à Moi. tfaucon en Berry, de lui dire ce qu’elle pensait de l’aventurière Catherine de la llocUelle, qui se disait inspirée de Dieu et visitée chaque nuit par une dame blanche, vêtue de drap d’or. Jeanne mit l’aventurière à l’épreuve, la prit en llagrant délit d’imposture, et donna son avis en conséquence.

Cependant le Conseil du roi tenait à se rendre raailre des places fortes du cours supérieur de la Loire. La Pucelle fut chargée de cette petite campagne, avec le sire d’Albret pour lieutenant, l.a première place assiégée l’ut Saint-Pierre-le-Moulier. Un premier assaut est repoussé. Sur-le-champ, Jeanne ramène ses troupes au combat, et la ville est prise.

Le siège de la Charité-sui-Loire se termine moins heureusement. Avant de l’entreprendre, la l’ucelle, pour venir en aide au trésor royal, écrivit le 7 novembre aux habitants de Clermont-Ferrand, le g à ceux de lliom, sollicitant l’envoi « de poudres, salpêtres, arbalètes et autres habillements de guerre ». Ces secours ne suflirenl pas à porter remède au mal. Le siège commencé, artillerie, vivres, argent tirent défaut. La garnison boi^rguignonne, commandée par Perrinel Grasset, se défendit vigoureusement. Au bout d’un mois de siège, les troupes du roi fureiit obligées de se retirer.

Néanmoins, le Il janvier suivant, la Charité se rendait au roi de France. Pour « reconnaître les louables services que Jeanne avait rendus au royaume et ceux qu’elle lui rendrait encore v, Charles VU venait de l’anoblir (décembre 1^29), ainsi que toute sa famille, avec ce privilège que la noblesse s’y transmettrait par les femmes comme par les hommes. Sans être insensible à ces attentions royales, la jeune guerrière n’y trouvait pas une explication sullisante de l’inaction à laquelle, durant trois mois, de décembre à mars, elle se vilenquelquemanière condamnée. Anglais et Français pourtant ne cessaient de guerroyer. Les habitants de Reims redoutant une attaque des Anglo-Bourguignons, la jeune lille leur écrivit deux lettres en date du 16 et du 28 mars pour leur donner confiance. Le 23 mars elle en avait fait écrire une de Sully-sur-Loire aux Hussites de Bohême par son aumônier, frère Pasquerel, pour les engager à rentrer dans l’unité de la foi catholique. Le lendemain de sa seconde lettre aux Rémois, Jeanne mettrait à exécution le dessein qu’elle avait mûri. Sans aviser le roi, et pour cause, car il s’y serait opposé, elle sortait dans la campagne et avec son écuyer Jean d’Aulon. son frère Pierre d’Arc, et quelques-uns de ses gens, elle prenait la route de l’Ile-de-France.

En avril, nous la retrouvons à Melun et à Lagny, villes rentrées en l’obéissance du roi. A Melun, le 15 du même mois, sur les fossés de la place, les saintes aimées de Jeanne lui annoncent qu’avant la Saint-Jean d’été elle serait prisonnière. — « Ne t’étonne pas, lui disent-elles : il faut qu’il en soit ainsi ; prends tout en gré. Dieu te viendra en aide. » (Procès, t. 1, p. iii-116.)

A Lagny-sur-Marne, la Pucelle fut en compagnie de gens qui faisaient bonne guerre aux Anglais de Paris et d’ailleurs. Avec eux, elle débarrassa le pays d’un chef de partisans, nommé Franquet d’.Vrras, redouté pour sa rapacité et sa cruauté. Dans un combat acharné, elle tailla ses quatre cents hommes en pièces et le fit lui-même prisonnier. Réclamé par le bailli, Fran(]uct fut jugé, conyaincu de ses crimes et décapité.

Le séjour de Jeanne à Lagny fut marqué par un fait d’une tout autre sorte. Un enfant nouveau-né ne donnait pas signe de vie et demeurait privé du baptême. Des jeunes filles le portent à l’église devant une image de la Vierge et se mettent à prier. Soudain

la pensée leur vient de demander à la Pucelle le secours de ses prières, l.a Pucelle se prête à leur désir. Or, voilà que l’enfant donne signe de vie et bâille par trois fois. On s’empresse de le baptiser : il meurt peu après et il est inhumé en terre sainte (l’roccs, t. I, p. io5).

En dépit de ses démarches pacifiques, le duc Philippe de Bourgogne n’en nourrissait pas moins des intentions belliqueuses. Non content des a vaut âges obtenus par la trêve du 18 septembre, il médita de s’emparer de Compiègne qui, de ce côté, était comme la clef du royaume. Pour commencer, il s’empara i"e Gournay-sur-Aronde et assiégea Clioisy-sur-Aisne. A cette nouvelle, Jeanne accourut à Compiègne, où elle était le |3 mai. En cette ville, avec Xaintrailles et autres vaillants hommes, elle s’occujia de secourir Clioisy. Mais il eût fallu traverser l’Aisne, et le capitaine de Soissons ne le permit pas. Non secouru, Choisy fut emporté. Le 3’i mai, les troupes de Philippe le Bon campaient sous les murs de Compiègne. Le soir de ce même jour, Jeanne, qui était à Crespy, en fut informée. Allons à Compiègne, dit-elle aussitôt. Le 2/1 mai, au soleil levant, elle entrait par la forêt dans la place. Le jour même, après s’être rendu compte des positions occupées par les Anglo. Bourguignons sur la rive gauche de l’Oise, à Margny, Clairoix et en trois ou quatre autres points, elle combina avec le gouverneur de Compiègne, Guillaume de Flavy, une sortie qui, bien menée, devait jeter la panique dans les lignes ennemies. Il s’agissait d’attaquer brusquement les Bourguignons à Margny, de les culbuter et de s’y établir fortement. De son côté, Flavy appuierait l’attaque par l’artillerie des remparts et prendrait les moyens de protéger au besoin la retraite. Vers quatre heures du soir, la Pucelle, à la tête de cinq ou six cents hommes, sort par la porte du pont, à l’opposé de la ville, et atla<|ue Margny. Culbutés par deux fois, les Bourguignons ne cèdent pas facilement le terrain. A la troisième attaque, Jeanne ne les repousse qu’à mi-chemin de leurs quartiers. Mais ceux de Clairoix ont été avertis, ils arrivent au secours. Déconcertés par ce mouvement inattendu et craignant d’être tournés, les Français du dernier rang prennent peur et se précipitent du côté de la ville. Jeanne a beau vouloir les arrêter, ses elforts sont impuissants. On lui dit qu’elle doit elle-même gagner le boulevard, sinon elle est perdue. Jean d’Aulon prend de force la bride de son cheval et le tourne vers Com|iiègne. C’est trop tard. Autour de la noble lille qui fait toujours face à l’ennemi, il ne reste qu’un |)elil nombre de combattants. Acculée contre la chaussée qui traversait la vallée, les Bourguignons la pressent, l’entourent. Son étendard tombe à terre, un archer du bâtard de Wandonne la tire vicdemment par sa casaque vermeille et la renverse de cheval. Elle est entre les mains de ses ennemis ; son frère Pierre et Jean d’Aulon partagent son sort.

On les conduisit à Margny, où le duc de Bourgogne lui-même venait d’arriver.Philippe le Bon reçut la captiveeteut avec elle un entretien demeuré secret. Tout à la joie de ce succès inespéré, il s’empressa d’envoyer de nombreux courriers aux villes gagnées à la cause anglaise. En revanche, au sein des populations attachées au roi de France, la nouvelle de la prise de l’héroïne causa une profonde douleur. Ce fut dans beaucoup de villes un deuil véritable. On ordonna des prières publiques pour obtenir la délivrance de la captive. A Tours, une procession générale eut lieu dans laquelle on porta les reliques de saint Martin, au chant du Mixerere. Partout, on accusait hautement les capitaines et seigneurs d’avoir trahi la Pucelle qui condamnait leurs vices par sa vie toue