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111. — Jeanne d’Arc dans l’accomplissement de sa mission de vie : phase guerrière. — Du sièga d’Orléans â la sortie de Compiègne.

Ainsi que Jeanne l’a déclaré aux ilocleurs qui l’exaluinaienl, à Orléans elle va donner son premier signe.

La première partie de sa mission, que l’on peut nommer sa « mission de vie », comprend elle-même deux phases, l’une guerrière, du siège d’Orléans à la sortie de Compiègne ; l’autre douloureuse, à laquelle se rattachent sa captivité, son procès, son supplice. Dans la « mission de survie », rentrent les événements annoncés par la Pucelle à Poitiers et Rouen comme devant s’eft’ectueV à coup sûr, sinon de son vivant, du moins après sa mort ; entre autres la paix d’Arras, la soumission île Paris, la recouvrance du rojaume, la délivrance du sol français.

Jeanne dans Orléans. — liaslilles emportées. — I.e.< Anglais lèvent le siège. — Orléans était la ville dont la possession importait le plus à Charles VII. Par sa position sur la Loire, elle barrait aux Anglais lattes des provinces du Centre et du Midi. Celte ville prise, la conquête du reste du royaume n’était qu’une affaire de peu de temps. Aussi le Grand Conseil d’Angleterre avait-il chargé un de ses meilleurs capitaines, le comte de Salisbury, de mener le siège. Le 12 octobre, il était sous les murs de la place. Le 2^ du même mois, il donnait assaut au boulevard ou fort des Tournelles, sur la rive gauche du fleuve, et s’en emparait. Mais le soir même de ce jour, un éclat de boulet le frappait en plein visage, et trois jours après, il mourait. Le siège traîna en longueur. Les Anglais entreprirent de construi-e autour de la place une ligne de petits forts ou bastilles se reliant les uns aux autres et menaçant les assiégés d’un infranchissable blocus. Elles étaient au nombre de treize. Le 20 avril, la dernière, celle de Saint-Jeanle-Blanc, du coté de la Sologne, s’achevait.

Le vendredi ag avril, Jeanne arrivait par la rive gauche de la Loire en vue d’Orléans, à la hauteur de la bastille de Saint-Loup. On avisa dès son arrivée

« Monseigneur le Bastard » (Jean, bâtard d’Orléans, 

gouverneur de.l’Orléanais), connu dans l’histoire sous le nom de Dunois ; il vint avec ses capitaines et quelques-uns des principaux bourgeois souhaiter la bienvenue à la jeune guerrière. En cette entrevue, plusieurs mesures furent prises. Elles devaient procurer l’entrée des vivres dans la ville par la Loire, le retour du corps expéditionnaire de Blois pour y prendre un second convoi, et l’entrée de la Pucelle dans la ville assiégée. Dunois insista sur ce dernier point. « Les Orléanais, dit-il, croiraientne rien avoir, s’ils n’avaient la Pucelle. » Tout se passa connue il avait été convenu. Des chalands, préparés exprès, reçurent les vivres. Comme l’avait annoncé Jeanne, les eaux, qui étaient basses le matin, grossirent ; le vent, qui était contraire, tourna ; nmnilions et vivres entrèrent dans la ville sans empêchement. Jeanne traversa la Loire, s’arrêta sur la rive droite au château de Reuilly, chez Guy de Cailly, et le soir, vers huit heures, elle faisait son entrée dans Orléans. Montée sur un cheval blanc, ayanl Dunois à sa gauche, à sa suite le maréchal de Boussac, La Hire, Xaintrailles, elle fut conduite à l’hôtel du trésorier du due d’Orléans, messire Jacques Boucher, avec ses deux frères et les deux gentilshoiiimcs de Vau couleurs, et y reçut une large hospitalité. Sur sa demande, la lille de son hôte vint avec elle, dans la chambre qu’on lui avait préparée, prendre son repos.

On ne pouvait songer à une action militaire, tant que le corps de secours et le second convoi de vivres ne seraient pas revenus de Blois. Le samedi 30 avril, ’la Pucelle envoya aux assiégeants une sommation

« bien simple, remarquait Dunois, mais catégorique

». Les Anglais répondirent que s’ils la tenaient, ils la feraient brûler. Non contente de cette sommation écrite, elle se rendit, le soir de ce même jour samedi, devant la bastille des Tournelles et somma le capitaine William Glasdale de se retirer. On lui répondit par des injures. « N’importe, répliqua la Pucelle, vous vous en irez bientôt, et toi, Glacidas (nom francisé de Glasdale), lu ne le verras pas. « 

Le dimanche i"’mai, nouvelle sommation à la Croix-Morin. Ce même jour et le lundi 3 mai, Jeanne parcourt la ville et encourage les habitants. Le mardi 3 mai, fête de l’Invention de la Sainte Croix, il y eut une procession solennelle à laquelle Jeanne assista. On lui disait : — « ’Vous pensez que Dieu aura pitié de nous ? — Oui, bons Orléanais. Les Anglais ont la personne du duc d’Orléans, ils n’auront pas sa ville. »

Le 4 mai, Jeanne avec cinq cents hommes d’armes vint à la rencontre du convoi de Blois, que Dunois ramenait. Troupes et vivres, en tête frère Pasquerel I>ortanl la bannière des hommes d’armes, entrèrent dans la ville sans que les Anglais tentassent de s’y opposer. De retour chez elle, la jeune lille se jeta sur son lit pour prendre un jieu de repos. Tout à coup elle s’éveille et dit à son écuyer Jean d’Aulon : <i En nouiDieu.mes Voix me disent d’aller contre les Anglais. » Elle sort, et apercevant son page : « Ah ! sangl.int garçon, lui dit-elle, vous ne me disiez pas que le sang de France fût répandu. Allez quérir mon cheval. » Elle y monte aussitôt, saisit son étendard et court vers la porte de Bourgogne. On se battail, en efTet, de ce côté. Des hommes d’armes imprudents avaient attaqué la bastille de Saint-Loup, que de trois à quatre cents Anglais occupaient. La bataille était rude. Jeanne accourt au milieu des assaillants, son ctendar<l à la main..Vu bout de trois heures, l, i bastille était emportée. C’est ce jour-là que, rencontrant un blessé couvert de sang, la noble lille demanda qui il était. — « Un Français, lui ful-il répondu. — Ah 1 s’écria-t-elle, je n’ai jamais vu couler de sang français que les cheveux ne se dressassent sur ma tête. » (Prucés. t. 111. p. 21 3.)

Le 5 mai, jour de l’Ascension, elle écrivait aux assiégeants une dernière lettre alin a qu’ils rentrassent dans leur pays ». Elle la leur envoya allacliée à une flèche.

Le 6 mai, vendredi, Jeanne passe la Loire avec quatre mille combattants, dans le dessein d’attaquer les bastilles de la rive gauche. Les Anglais ayant mis le feu à Saint-Jean-le-Blanc, elle s’écrie : (I Alors, enlevons les Augustins 5 ; et elle va planter son étendard sur le bord du fossé. Les ennemis sortant de la bastille jettent la panique dans les rangs des Français : ceux-ci reculent, entraînant la Pucelle. Mais la vaillante jeune lille se retourne et, secondée par La Hire, elle court sus aux Anglais. On la suit, le combat s’engage, acharné, les Français pénètrent dans la bastille, ils la livrent aux flammes, et une deuxième victoire couronne leurs efforts. Restait la bastille des Tournelles. Jeanne en remit l’attaque au lendemain. « J’aurai, dit-elle à son aumônier frère Pasquerel, plus ample besogne que jamais. Il sortira demain du sang de mon corps â la hauteur de la poitrine : tenez-vous toujours près de moi. » En avril précédent, la jeune Lorraine avait annoncé déjà cette blessure à Charles VIL « Au siège d’Orléans, lui avait-elle dit, je serai blessée ; mais non mortellement. »

Le samedi 7 mai, dès que la Pucelle eut rejoint les troupes devant les Tournelles, l’attaque de la bastille commença. Les Français paraissant faiblir, Jeanne