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JEANxNE D’ARC

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« Jeanne, vous prétendez que c’est le plaisir de Dieu

que les Anglais s’en aillent eu leur pays, et vous demandez des armes et des gens. Si cela est, il n’en faut pas, car le seul plaisir de Uieu peut les déconlire et les faire aller en leur pays. » — <i En nom Dieu, repartit Jeanne, les gens d’armes batailleront et Dieu donnera la victoire. « Sur ce, maître Seguin de Seguin, des Frères Prêcheurs lui aussi, lui demanda quelle langue parlaient ses voix. — «. Un meilleur français que le vùtre, répliqua la jeune Lorraine. » — C’était vrai, remarquait plus tard avec bonhomie maître Seguin : je parlais Ûmosin. En ce moment, un théologien carme du nom de Seguin tout court, « un bien aigi-e homme », dit la Chronique de la Pucelle, intervint et dit : — ^ Le roi serait sacré à Reims. — 3" La ville de Paris rentrerait en l’obéissance du roi. — 4° Le duc d’Orléans reviendrait d’Angleterre. « Moi qui vous parle, disait aux juges de la réhabilitation maître Seguin, j’ai ouï ces prédictions et je les ai vues accomplies’. » (Procès, t. 111, p. 205.)

Eu ces diverses séances, qui se renouvelèrent pendant trois semaines, il ne tomba des lèvres de Jeanne aucune réponse capable défaire suspecter sa piété, la pureté de sa loi. D’autre part, des dames de toute vertu, la reine Yolande de Sicile, les dames de Gaucourt et de Trêves, s’assuraient de la parfaite virginité, de la parfaite pureté de la jeune tille, choses incompatibles avec une influence démoniaque. Les docteurs de Poitiers, dans leur rapport au roi, émirent l’avis qu’il y avait lieu de donner à Jeanne des hommes d’armes, ainsi qu’elle le demandait, et de la mener devant Orléans.

« Ces choses ouïe », le roi considérant la grande

bonté qui était en cette Pucelle. conclut en son conseil que dorénavant il s’aiderait d’elle au fait de ses guerres, attendu que (>our ce elle lui était envoyée. » (Procès, t. iii, p. 2IO.) — En conséquence Jeanne fut nommée i chef de guerre ». IJiix femina helli facta est, remarque en ses Mémoires le i)ape Pie II (Procès, t. W, p. 510).

A Tours et Blois. — Départ pour Orléans. — Charles Vil ne se borna pas au témoignage de confiance qu’il venait de donner à l’envoyée de Dieu : il commanda qu’on lui montât une maison militaire en rapport avec le rang auquel il venait de l’élever, et il lui fit présent d’une armure toute blanche. A la tète de sa maison militaire fut placé un brave écuyer d’âge mûr, qui était au comte de Dunois, le plus honnête homme qu’il efit parmi ses gens. Deux jeunes

1. On remarquera qu « quelques-unes des pi-édiclions mentionnées p : ir frère Seguin, la rentrée de Pari » en l’obéissance du roi. le retour du duc d’Orléans captif en Angleterre." la desiruclion » des.anglais, c’esl-à-dire la victoire finale de nos armes, ne devaient pas être jiccomp’ies du vivant même de la Pucelle. C’est que l’accomplissement de ces j>rédiclion3 devait être 1 objet d une m’ssion spéciale, (jne nous nommons la mission de survie et que nous dérinirons (>lus bas.

gentilshommes lui servirent de pages, l’un nommé Louis de Coûtes, qui était avec Jeanne depuis l’audience de CLinon, l’autre dont on ne connaît que le nom de Raymond. Les deux écuyers qui avaient accompagné la jeune fille depuis Vaucouleurs, ses deux plus jeunes frères, Pierre et Jean, qui étaient venus la rejoindre, deux hérauts d’armes et des varlets complétèrent sa maison. Pour aumônier, la Pucelle eut frère Pasquerel, des Ermites de saint Augustin au couvent de Tours. A frère Pasquerel se joignit plus tard un religieux, cousin germain de Jeanne, frère Nicolas, profès en l’abbaye deCheminon de l’ordre de Citeaux, diocèse de Chàlons, que la jeune guerrière demanda elle-même à l’abbé du monastère.

Il y eut une chose que Jeanne n’accepta pas : l’épée que lui olfrait Charles VIL Elle n’en voulait d’antre, lui dit-elle, que l’épée conservée dans l’église de Sainte-Catherine de Fierbois. Elle en savait l’existence par ses voix. Sur ses indications, on alla la chercher et on la trouva derrière l’autel, toute rouillée, ornée de cinq croix. Un armurier de Tours la mit en bon état. Les prêtres de Fierbois olfrirent un fourreau de velours vermeil, les habitants de Tours un fourreau de drap d’or ; ce qui n’euipècha pas la Pucelle d’en faire exécuter un troisième de cuir solide.

La bannière ou étendard était pour les chefs de guerre le signe du commandement. Jeanne eut le sien dés Poitiers, « écu d’azur, avec une colombe blanche qui tenait en son bec une banderole sur laquelle on lisait : De par le roy du ciel ». Mais cet étendard n’était pas celui que voulaient ses saintes. Elles lui marquèrent de quelle manière il devrait être exécuté : en linon blanc, brodé de soie et semé de lis. Sur la face, en lettres d’or, les noms sacrés de Jésus et de Marie ; au milieu. Dieu assis sur les nuées, un globe dans la main. De chaque côté, un ange présentant une fleur de lis que Dieu bénissait. Sur le revers, figurait l’écu de France porté par deux anges.

A la bannière, Jeanne ajouta un peiinon, bannière plus petite. Ce pennon avait pour sujet l’Annonciation. Devant la Vierge, un ange tenait un lis à la main et le lui olTrait.

Le 20 avril, le jeune roi quittait Poitiers et donnait Tordre de conduire la Pucelle à Tours. En même tenq)S, il chargeait le duc d’Alençon de rassemblera Blois un corps expéditionnaire et un convoi de secours que Jeanne mènerait à Orléans. Le 25 avril, la Pucelle prenait le chemin de Blois en compagnie de l’archevc(]ue de Reims et du seigneur de Gaucourt. Arrivée en cette ville, elle se mit en rap])ort avec les gens du corps de secours et les convoqua deux fois par jour autour d’une bannière représentant l’image de Jésus crucifié..vcc les prêtres et frère Pasquerel, elle leur faisait chanter des hymnes et des cantiques, mais elle les engageait surtout à ])urifier leur conscience par une bonne confession. Avant de tenter le sort des armes, le nouveau chef de guerre voulut faire entendre aux Anglais et à leurs capitaines des propositions de paix. Elle leur adressa une lettre, dans laquelle, de la façon la plus décidée, elle leur signifiait que, s’ils ne voulaient s’en aller en leurs pays, ils seraient » boutés hors de France », et le roi Charles, (I vray héritier ». entrerait à Paris en bonne compagnie.

Sans attendre la réponse, le 2- avril le corps et le convoi de secours se mettaient en route pour Orléans. En tête des liommes d’armes flottait la bannière de Jésus crucifié : des prêtres l’enloiiraient et chantaient le Vent Creator. La messe fut célébrée en jilein air, Jeanne y communia. Il en fut de mcnie le len<leniain. Le 29, au matin, on arrivait en vued’Orléans.