Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/615

Cette page n’a pas encore été corrigée

1217

JEANNE D’ARC

1218

signifiaient « lue, avant la mi-carême, elle devrait se mettre en roule et aller au Dauphin, « fallùt-il user ses jambes jusiiu’aux genoux » ; que, avant peu, le capitaine lui accorderait ce ([u’elle demandait. En conséquence, Laxart la remit entre les mains d’un de ses amis, nommé Henri le Hoyer, et de sa femme. En attendant la réponse favorable, la jeune vierge mène dans Vaucouleurs la vie de travail et de piété qui avait été sa vie à Domremy. Deux ofliciers de Baudricourt, nonmiés l’un Jean de Novelompont ou Jean de Metz, l’autre Bertrand de Poulengy, en furent frappés. Us s’enquirent de ses projets. Jeanne leur ayant dit que « ni rois, ni ducs, ne pouvaient recouvrer le royaume ; qu’il n’y avait secours que d’elle, faible femme ; qu’ainsi le voulait le Seigneur », les deux gentilshommes mirent leurs mains dans sa main et lui donnèrent leur foi que. Dieu aidant, ils la mèneraient au Dauphin. Le travail désirable se fit dans l’esprit de Baudricourt pendant un voyage que, juste à ce moment, la Pucelle dut faire à Nancy, où l’appelait le vieux duc de Lorraine, alors malade assez gravement. Jeanne ne rendit pas la santé au duc, mais elle l’engagea à reprendre sa femme à laquelle il n’avait rien à reprocher.

llenlrée à Vaucouleurs après s’être agenouillée dans le sanctuaire de Saint-Xieolas-du-Porl, la jeune fille trouva Baudricourt en de meilleures dispositions, grâce sans doute à ce que lui avaient appris ses deux écuyers. Sur sa demande, le curé de Vaucouleurs fit subir à Jeanne un exorcisme, sans qu’elle s’y attendît. L’exorcisme n’ayant pas révélé chez elle la jirésence de l’esprit malin, Baudricourt fut singulièrement ébranlé lorsque le 12 février, jour du désastre de Rouvray, Jeanne se présentant soudain au capitaine, lui dit :.< En nom Dieu, vous tardez trop à ni’envoyer. Aujourd’hui, le jentil Dauphin a eu près d’Orléans grand dommage. Et il sera en péril de lavoir plus grand, si ne m’envoyez bientôt vers lui. »

Le lendemain 13 février, l’autorisation était accordée. Les habitants de Vaucouloirs voulurent offrir à la voyageuse le costume des gens de guerre de ce temps. Laxart lui acheta un coursier vigoureux au prix de seize francs d’or. Le jour du départ. 28 février, Jeanne et son escorte, composée de Jean de Metz, Bertrand de Poulengy, de leurs deux serviteurs, d’un messager royal et d’un archer, passaient sous la porte de France, aux acclamations des habitants. Baudricourt remettait une épée à la future guerrière et. prenant congé d’elle, lui disait :.llez, allez, et advienne que pourra.

De Vaucouleurs à Chinnn. — La Pucelle est nommée

« cliefde guerre ». — Il fallut onze jours pour se rendre

de Vaucouleurs à Cliinon, où étaient Charles VII et la cour. Dans cette chevauchée, la jeune fille n’entendit la messe qu’à Saint-Urbain et Auxerre, avant de pénétrer en terre française. En revanche, elle en entendit trois le même jour à Sainte-Catherine de Fierbois. De cette localité, elle écrivit au roi une lettre dans laquelle elle le priait de la recevoir. Elle ne voulait que lui venir en aide et elle l’assurait qu’elle le reconnaîtrait au milieu de sa cour (Procès, t. T, p. 54)..Sa lettre ne resta pas sans réponse. Le roi lui permit d’arriver jusqu’à Chinon. LeCmars.un dimanche, vers midi. Jeanne entrait dans la ville et allait attendre au logis d’une i bonne femme » que le Dauphin daignât la recevoir.

Charles Vil voulut entendre son Conseil et les deux genlilshoninies qui avaient conduit la jeune Hlle Des « nobles, conseillers et gens de la cour » vinrent aussi voir Jeanne en son logis. A leur question : Dans quel but avait-elle fait ce voyage ? elle répondit qu’elle avait deux choses en mandat de la

Tome 11.

part du Roi des cieux : faire lever le siège d’Orléans aux Anglais et amener le Dauphin à Reims pour qu’il y fût sacré (Procès, t. 111, p. 115). La jeune reine Marie d’Anjou manda la voyageuse et l’entretint. Après deux ou trois jours d’attente, Jeanne vit s’ouvrir devant elle les portes du château.

Charles VU avait i)ris la précaution de se vêtir moins richement que les seigneurs de sa cour et de se mêlera eux. Plus de trois cents personnes se pressaient dans la salle d’audience qu’éclairaient cinquante flambeaux. Jeanne se présenta modestement. Ut gracieusement la révérence d’usage, « comme si elle eût vécu constamment à la cour », et marcha droit au Dauphin. — « Dieu vous donne bonne vie, gentil sire, lui dit-elle. — Mais je ne suis pas le roi, repartit Charles VII : le roi, le voilà. Et il désignait un des seigneurs, richement vêtu. — En nom Dieu, reprit Jeanne, vous l’êtes le roi, gentil prince, et non un autre. Charles lui demanda son nom. Elle répondit : — Gentil Dauphin, j’ai nom Jeanne la Pucelle. Elle ajouta que Dieu l’envoj’ait pour lui venir en aide ; que, s’il lui baillait gens, elle ferait lever le siège d’Orléans et le mènerait sacrer à Reims.

— Gentil sire, dit-elle en finissant, mettez-moi à l’œuvre et lx pathir sera tantôt allégée. »

Ce cri émut profondément le jeune roi. La Pucelle lui dit ensuite qu’elle avait des choses secrètes à lui communiquer. Et « par l’espace d’une heure, elle l’entretint de choses que nul ne savait et ne pouvait savoir sinon Dieu. Une de ces choses fut l’assurance donnée par Jeanne à Charles de la part de son Seigneur qu’il était vrai héritier et fils du roi Charles VI. » Mais pour que Charles VII eût foi en elle, la première chose qu’elle lui révéla fut la prière qu’il avait faiteà Dieu le i"" novembre 1^28, lorsqu’il estimait la situation désespérée. De cette prière, Charles n’avait jamais parlé à personne. Instruite par ses voix, Jeanne la lui rappela textuellement en cette audience, et quelques jours après, en présence du duc d Alençon, de Christophe d’Harcourt et de Gérard Machet, confesseur du roi.

Charles VII sortit rayonnant de cet entrelien. On eût dit, au rapport d’Alain Chartier, « qu’il venait d’être visité du Saint-Esprit ».

Jeanne ne jouit pas longtemps à Chinon de l’hospitalité royale. Quatre ou cinq jours après l’audience, le 15 mars, Charles VII l’emmenait à Poitiers, ou une commission de prélats, conseillers et docteurs devait examiner s’il y avait lieu de la mettre « â l’œuvre », de lui donner des armes et des gens. A la tête de la commission olïicielle fut placé le chancelier du royaume, Regnault de Chartres, archevêque de Reims. Le registre dans lequel furent consignés les procès-verbaux des séances ayant malheureusement été perdu, nous savons très peu de chose des questions qui furent traitées. La Pucelle avait été confiée aux soins de dame Rabaleau, dont le mari, maître Jean Rabaleau, était avocat général criminel au Parlement. C’est dans celle honorable maison que se transportèrent les commissaires désignés pour interroger la jeune tille sur sa mission. A vous entendre, lui dirent-ils. Dieu même vous envoie vers le roi. Nous venons voir s’il faut vous croire. Et ils entreprirent de lui montrer par de belles et douces raisons qu’elle se trompait.

Jeanne leur répondit. « Et ils étaient grandement ébahis » d’entendre une simple bergère ainsi répondre. Elle parla de son pays, de ses visions, de la i)itié qu’il y avait au royaume de France, du commandement que ses voix lui aviiient fait de partir, de son voyage accompli sans encombre, ainsi que ses voix le lui avaient annoncé. Guillaume Ayuieric, dominicain et iirofesseur de théologie, lui dit alors :

39