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JEANINE D’ARC

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l’archevêque adressa bientôt après au j^ape Boniface IX. Longtemps après la mort de ce vicaire général, des messes de Requiem furent célébrées pour le repos de son âme dans la cathédrale de Saint-Vit. Kien de certain n’a été rapporté sur 1 invention de son corps dans les eaux du fleuve, mais il est enterré dans la cathédrale. Le nom de martyr ou de bienheureux lui est attribué trois fois dans le cours des siècles, à savoir i" dans la plainte de l’archevêque ; 2" dans la vie de ce même archevêque écrite par un chanoine régulier ; et 3" dans une lettre de donation de i’i') ! , sur laquelle une maininconnue a apposé les mots : B. Joannes.ep. me f’ecil, pour dire que saint Jean Népomucéne avait rédigé l’acte. L’archevêque, dans sa plainte dont l’original existe aux archives du Vatican, raconte que son vicaire général fut martyrisé et jeté dans la Moldau, par ordre de Wenceslas, pour avoir conlirmé le nouvel abbé de Kladrau sans attendre le consentement du roi ; il ne parle nullement du secret de la confession, et il ne fait aucune mention d’un autre Jean Népomucéne, qui aurait été martyrisé dix ans auparavant, par le même prince.

Depuis le milieu du x-in’siècle, l’opinion s’est peu à peuétablie.parmiles catholiques d’.Vllemagne, qu’il y avait eu quelque erreur dans le procès de canonisation, et qu’on ne doit pas admettre, comme ce procès le suppose, deux personnages du nom de Jean Népomucéne, tous les deux chanoines de Wyssehrad à la même époque, tous les deux précipités dans la Moldau par ordre du même roi Wenceslas, l’un en 1383 et l’autre en 1393, tous les deux ayant leur tombeau dans l’église de Saint-Vit, et tous les deux qualifiés de saints ou de bienheureux. Il n’y aurait eu qu’un Jean Népomucéne, vicaire général de l’archevêque de Prague, martyrisé en iSgS ; la cause réelle, mais secrète, de son martyre, aurait été le refus de découvrir la confession de la reine, et la cause oflicielle, avouée et connue de tous, aurait été la confirmation de l’abbé de Kladrau.

Les ennemis de l’Eglise catholique ont tiré parti de ces discussions pour attaquer l’infaillibilité pontificale, et la valeur des procès de canonisation : « Le Pape, disenl-ils, s’est trompé et a proposé h la vénération des lidèles un personnage qui n’a eu d’existence que dans la légende. "

Nous pourrions nous contenter de répondre à nos adversaires que l’infaillibilité du Pape dans la canonisation des saints n’est pas une vérité définie, et que Ion peut la nier sans être hérétique. Nous ne voulons pas cependant nous arrêter à cette solution, parce que nous tenons pour certain, avec la généralité des théologiens, que le Pape est infaillible dans la canonisation des saints. Mais cette exemption d’erreur ne porte que sur le fait de la sainteté du personnage canonisé et sur la gloire dont il jouit dans le ciel ; quant aux détails des dates, des fonctions, des miracles, il ne sont compris par personne dans les matières auxquelles s’étend l’infaillibilité pontificale. Ainsi, d’après l’enseignement catholique, il n’est pas impossible que le Pape se soit trompé dans l’approbation du procès ou même dans la bulle de canonisation, en (ixant la date du martyreà l’an 1383, au lieu de 1893, en ne donnant pas au saint le titre de vicaire général, en le supposant confesseur de la reine Jeanne, au lieu de la reine Sophie, en admettant que ce saint personnage était différent d’un autre personnage du même nom, son contemporain. Il était infaillible seulement en définissant que la personne honorée en Bohême, sous le nom de Jean Népomucéne, a été vraiment sainte et qu’elle jouit de la gloire du ciel. Or, aucune des deux opinions en présence ne permet de douter de

ces afhrmations. Des messes de Requiem ont pu être célébrées pour le repos de l’àme de saint Jean Népomucéne : ce fait ne prouve rien contre sa sainteté ; il montre simplement qu’elle n’était pas reconnue universellement comme incontestable, dans les premiers temps qui suivirent sa mort. L’infaillibilité pontificale n’a donc rien à voir dans la question ; la mauvaise foi seule ou l’ignorance a pu l’y introduire.

Il n’en est pas moins vrai que, si l’opinion qui n’admet qu’un personnage du nom de Jean Népomucéne est vraie, les procès qui ont été faits pour la cause du patron de la Bohême contiennent des erreurs graves et nombreuses. Comme d’ailleurs les règles établies par l’Eglise ont été parfaitement observées en cette circonstance, comme la procédure a été conduite par des hommes très éclairés, notamment par Prosper Lambertini, plus tard Benoit XiV, dans un siècle où la critique historique était en honneur, il faut admettre que l’infirmité humaine garde sa part dans les enquêtes de ce genre et que l’erreur, malgré toutes les précautions prises, s’y glisse quelquefois. Les théologiens catholiques n’ont jamais prétendu le contraire, et le fait qui nous occupe, s’il est réel, montre simplement qu’il est sage de s’en tenir aiyi principes et de ne pas supposer l’infaillibilité là où l’Eglise ne la place pas.

L’identité du vicaire général avec le martyr du secret de la confession est aujourd’hui communément admise. On peut consulter Dobnbr, Vindiciae sigillo cuiifessionis Domini loannis iepomiicerii, protomartyris poenitentiae, assertae, Prague-Vienne, 1784 ; Ebkkndorfer, Chronica rerum romanaritm, 1469. Parmi ses défenseurs calholiques les plus récents, novis citerons : le D Ginzkl, dans un article de l’Encyclopédie de Wetzer et Welte, traduite en français par Goschler ; l’historien Constantin IIoiîfler, dans deux ouvrages parus en 1856 et 1861 ; Adolphe AVuBRFKL. 1862 ; Clément Borovy, 1878 ; Thomas NovAK, 1871 ; Antoine Frisd, plus tard cvèque de Leitmeritz, dans : Der gescliichtliche heilige Jahannes i’o ; i jXepomuk, Eger, 1861, et d’autres écrits j>ubliés en 1878 et 1879. ^^^ arguments de ce dernier auteur ont été adoptés par les Historiscli-polilischen Blætter, le Katholik de Mayence, les Stimmen ans Marial. aach, etc. Voir aussi Kirsch, article John of Nepomuk dans Catholic Encyclopedia. L’autre opinion a pourtant été reprise : Controversia de S. Joanne Nepomuceno, ouvrage anonyme (1881). et la dissertation du P. ScHMUDB (Zeitschrift fiiv kathol. theol., Innsbruck, jan. 1883).

[J.-B. Jaugev.]


JEANNE D’ARC (LA BIENHEUREUSE SERVANTE DE DIEU). — En 1 429, année qui vit la Piicelle intervenir dans les affaires du royaume, la guerre qui depuis cent ans mettait aux prises Français et Anglais semblait toucher à sa Un.

Des deux princes en présence, Henri VI d’Angleterre et Charles Vil de France, l’un était maître de Paris et des plus belles provinces françaises ; l’autre avait dû passer la Loire et se retirer à Bourges. Aucune grande victoire, durant cette longue guerre, n’avait réparé chez les Français les désastres de Crécy, Poitiers, Azincourt. A ces désastres s’était ajoutée, en 1424, la défaite de Verneuil qui mit les troupes de Charles VU dans l’impossibilité de tenir la campagne. Le pays était épuisé. L’assassinat de Jean sans Peur (septembre 14’9) avait creusé un fossé de sang entre les partisans du Dau[>hin etceux du duc Philippe de Bourgogne. Par surcroit de malheur, le traité de Troyes (mai 14ao), en donnant Catherine, fille de Charles VI, pour épouse au vainqueur d’Azincourt, Henri V, avait mis ce prince en