Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

109

FRANC-MACONNERIE

110

républiipie de frères, un cri, un sijine, peuvent nous faire entendre il’un pôle à l’aiiri’e, et nos liaisons devenir les conducteurs de celle électricilé civique qui doit établir dans la machine du monde un équilil )re de Bonheur. » (Arch. Nat., C, 128, n" 898. — Nous avons public ce texte dans la Re^ue des Questions Historiques, octobre 1910.)

On sait que Louis Blanc attache une grrande importance, dans les événements de 1789, à « la mine que creusaient alors sous le trône, sous les autels, des révolutionnaires (les francs-maçons) bien autrement profonds et agissants que les Encyclopédistes ». (Les HtOlulionnnires mystiques, p. 87 et suiv.) On sait aussi qu’il est facile d’extraire des auteurs de Méninires — Barruel, Bertrand de Molleville, Marmon-Icl, etc, — des citations concernant la participation de la maçonnerie aux événements de la Révolution. (Pour les massacres de septembre, par exemple, voir Bauruf.l. Mémoires, t. V, chap. xii.) Mais nous préférons laisser ici de côté ces témoignages plus ou moins discutables.

Quoi qu’il en soit, à partir de 1792, leGrand-Oricnt,

— tout au moins dans ses manifestations officielles,

— ( agit avec beaucoup de discernement », et tâcha, à l’exemple de Sieyès, de traverser « ces temps difiieilcs sans être par trop inquiété « (Rebold, p. 82). Il y réussitdu reste, car aucune loi, aucune mesure d’ordre général ne furent prises contre l’Ordre. En 1792, il constitua encore deux loges : le Point parfait à Paris (j septembre) et la Bonne amitir, à Marmande (20 décembre). En 1798, le13 mai, il se réunissait en assemblée générale pour déclarer vacante la grande-maîtrise en raison de la lettre dedémission que Philippe-Egalité avait fait insérer dans le Journal de Paris du 22 février : « Je m’étaisattaclié à laFranc-Maçonnerie qui offrait une sorte d’image de l’égalité, — y déclarait le prince sans-culotte en termes fort caractéristiques, — comme.je m’étaisattaclié au Parlement qui oll’rait une sorte d’image de la liberté ; j’ai depuis quitté le fantôme pour la réalité. » Le 5 janvier précédent, il avait déjà écrit au secrétaire de la grande-MiMitrise :

« Comme je ne connais pas la manière dont

leGrand-Orient estcomposé, et que d’ailleurs je pense qu’il ne doit y avoir aucun mystère, ni aucune assemblée secrète dans une république, surtout au commencement de son établissement, je ne veux plus me mêler en rien du Grand-Orient, ni des assemblées des francs-maçons. » (Texte dans Rebold, p. 82.) — Si Philippe-Egalité reniait ainsi un Ordre qu’il n’avait d’ailleurs jamais servi avec beaucoup d’enthousiasme, c’était sans nul doute pour présenter moins de prise aux attaques, dans la lutte féroce des factions. — On se garda bien de lui donner un successeur, et le Gr.’. Or.’, resta en sommeil durant plusieurs années.

Sommeil léger du reste, et qui n’exclut point certaines manifestations d’activité. Dés 1798, RœTTiEns DE Mo.NTALEAU, — emprisonné durant quelque temps comme suspect, — groupa les représentants d’une dizaine de loges ; en 1798, il reçut le titre de Grand-Vénérahle et s’employa à grouper en un seul faisceau toutes les forces maçonniques : ses elTorls aboutirent, le 28 mai 1799, a)i « concordat » qui unit enfin le Grand-Orient et l’ancienne Grande Loge de France, encore représentée par de vieilles loges qui se considéraient comme seules légitimes. La Révolution ayant d’autre part détruit la plupart des rites qui pullulaient avant 178g. le Grand-Orient se trouva investi dune autorité incontestée. — Mais avec le XIX"" siècle, avec Bonaparte, une ère nouvelle s’ouvrait pour lui.

VU. La maçonnerie impériale. — On sait que la Franc-Maçonnerie se rallia sans scrupule à tous les

régimes qui se succédèrent deptiis le Consulat : la Contre-Eglise s’attache, en effet, beaucoup moins aux formes de gouvernement qu’aux principes qui en dirigent l’action, et semblable au personnage racinien qui avoue sa criminelle hypocrisie :

J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer,

elle flatte volontiers les souverains, à condition qu’ils favorisent son œuvre destructrice.

Bo.VAPARTE, « fils de laRévolution », sauveur même de son œuvre en face de la « restauration » menaçante, avait naturellement droit à ses sympathies ; c’est du reste dans ses régiments victorieux que s’étaient conservées ou reconstituées la plupart des loges encore en activité. Des 1801, lors d’une fêle qui réunit (le 10 avril) plus de 500 maçons au Grand-Orient, celui-ci encensa donc « l’idole du jour ». (Rebold, p. 89.) Sur la recommandation des FF.-.Masséna, Kellermann et Cambaeérès, le Premier Consul accueillit favorablement ces avances ; devenu empereur, il autorisa son frère Joseph (roi de Naples, puis d’Espagne) à prendre la grande-maîtrise de l’Ordre (1804-181^), avec Cambacérès et Muuat pour adjoints. « Ce fut l’époque la plus brillante de la Maçonnerie, écrivit Bazot, alors secrétaire du Gr. O.". : près de douze cents loges existaient dans l’empire français ; à Paris, dans les départements, dans les colonies, dans les pays réunis, dans les armées, les plus hauts fonctionnaires publics, les maréchaux, les généraux, une foule d’ofiiciers de tous grades, les magistrats, les savants, les artistes, le commerce, l’industrie, presque toute la France, dans ses notabilités, fraternisait maçonniquementavcc les maçons simples citoyens ; c’était comme une initiation générale. » Bazot ajoute : « Elle se laissa faire sujette du despotisme pour devenir souveraine. » (Code des francs-maçons, -p- 183.) Tacite avait déjà dit : omnia serviliter pro dominatione…

Pour se faire une idée de l’éclat des réunions du Grand-Orient impérial, il suffit de lire le récit de la fête splendide qu’il donna le 27 décembre 180D, en son hôtel de la rue du Vieux-Colombier (ancienne maison des Dames de la Miséricorde). Afin de célébrer les victoires de Napoléon, étaient accourus Cambacérès (archichancelier), Fouché (ministre delà police), Reynier (ministre de la justice), Lacépède ; des sénateurs (Davoust, Chaptal), et des tribuns. L’empereur fut loué, adoré « en des termes tellement exagérés qu’il les aurait blâmés sans aucun doute s’ils fussent parvenus à ses oreilles » (Rebold, p. 107).

A l’extérieur, la maçonnerie travailla puissamment à réaliser le programme d’ « émancipation des peuples » tracé par la Révolution. En Hollande, le roi Loiis devint grand-maître du Grand-Orient de Hollande (ancienne Grande Loge de^ Provinces i’nics). En Allemagne, en Italie, en Espagne, les loges militaires (78 en 181 4), répandirent et implantèrent partout leurs doctrines : elles initiaient les habitants que séduisaient ces doctrines et laissaient une loge secrète dans chacune de leurs garnisons, contribuant ainsi bien plus que leur « Robespierre à cheval » aux transformations politiques du xix* siècle. — A Rome en particulier, les ofliciers français fondèrent ivne loge militaire et une loge civile, dont le Vén.-.M.-. futlegénéral Rapp, préfet de la ville, prédécesseur de ce maire Nathan dont le pape Pie X dut, en septembre 1910, stigmatiser l’odieuse insolence.

La maçonnerie d’adoption fut également fiorissanle, grâce aux encouragements que donna l’impératrice Joséphine à ses « fêtes de bienfaisance ».

VIII. La maçonneria sous la Restauration et la Monarchie de Juillet. — De 181 5 à 1830, le