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sonl identiques, le feu el l’eau, l’esprit et la matière. Le Tetidai (805) enseigne que cet absolu, c’est le Bouddha suprême, lequel débouddliilie, si l’on peut dire, toute chose en le produisant, et, en l’absorbant, le reboudilhilie, etc., etc.

Même divergence dans les pratiques. Le Tendai impose la méditation. Il faut s’aulosujjgestionner que les organes des sens el de la pensée sont identiques avec l’absolu. On se prépare à cet exercice mental par l’entraînement monastique ; on y aide par la rigidité de l’attitude, et la régularité de la respiration. A quoi le Slunf ; oii (So6), ajoute de la magie, des formules cabalistiques, des gestes rituels, et, pours’éclaircir l’esprit, le jeune prolongé. La secte y^eii, une des plus intellectuelles pourtant, enseigne qu’il est superflu de se tuer en lectures ; c’est dans son propre coeur qu’il faut trouver le cœur de Bouddha, substance absolue de toute pensée et de toute essence. Le savoir, le vrai, se communique du cœur au cœur, sans l’intermédiaire des mots. Ce que peut être cette contemplation, nous l’imaginons assez. « Ce n’est pas la pensée, c’est l’absence de pensée. Assis sur un coussin, les jambes croisées, les bras serrés, la tête droite, l’arête du nez perpendiculaire au nombril, la langue collée au palais, le contemplatif pense sans penser, il se lient là dans une espèce d’hypnose, dans une absence complète de toute idée précise. «  (A. Lloyd, Deyelopmciil of Jai/aiiese ISuddhism, p. 43,.)

Les sectes dont nous venons de parler sont archaisantes. Elles tiennent pour la voie étroite, on pourrait dire pour la foi soutenue par les œuvres ; c’est l’école du « chemin saint », le shodo mon. Elle exige, comme le bouddhisme ancien, l’elTort personnel, ascèse, sagesse, méditation. Mais quelqu’un ayant déclaré, dans le courant du xn siècle, que la religion était en décadence irrémédiable, que nul ne pouvait plus se sauver par sa propre activité, qu’il fallait autre chose, il se trouva de vieux textes indiens (ou chinois, c’est tout un dans l’espèce) pour proposer un nouveau sauveur. Le règne de Shaka était passé : celui A’Amida commençait. Amida mettait ses mérites à la disposition des hommes. Il consentait à ne point entrer dans son nirvana tant que les hommes auraient besoin de lui. Il conduisait ses clients après leur mort dans le paradis de la « Terre pure ii, dernière et facile étape avant le nirvana. Cette école nouvelle s’appelle le Djodo-mon, le (I chemin de la Terre pure » (ii, 5). Rien de plus f.uile désormais que le salut. Tout effort personnel (Si supprimé comme inutile et impuissant. Il sutTit de répéter la formule : « Gloire à Bouddha Amida. Ail mu Amida liiiisu. »

La secte Shin (1224) va plus loin. Inutile même de prier Amida : le salut s’opère automatiquement. Il sullit d’avoir conliance. Par ailleurs, plus d’austérités, plus de célibat monastique, plus d’observances, plus même de bonzes ; ou bien des bonzes mariés, vivant et habillés comme tout le monde. C’est le triomphe de la foi sans les œuvres. Le Shin est aujourd’hui le groupement bouddhique le plus nombreux du Japon el le plus actif.

Ce radicalisme devait amener une réaction Le A ; ’chiren (1261) revint violemment en arrière, damna les sectateurs d’Amida et ceux qui croient en la Terre pure, proclama le culte de Shaka seul salutaire, rétablit la double morale laïque et monastique. Secte violente el batailleuse.

L’influence, bonne ou mauvaise, des sectes, parait avoir varié d’après les temps, et beaucoup aussi d’après les doctrines. Les historiens notent par exemple qu’aux temps anciens, quand prévalaient les î^ecles plus ou moins nihilistes de Uosso et de

Sanroii, les scandales se multipliaient à la cour et au cloilre : mille histoires circulaient à la honte des lionzes (Gniiris, p. 21)i). Par contre, la secle Zen, et les sectes voisines, le liinzai et le Solo (xiii" siècle), sont présentées comme plus intellectuelles que d’autres, et jjIus morales.

Tâchant de retrouver dans leur cœur le cœur du bouddha, elles s’exerçaient à l’indifférence absolue pour le plaisir ou la douleur. Il est vrai, celle belle impassibilité s’appuyait, elle aussi, sur une sorte de nihilisme : " rien n’existe que les apparences, dès lors, à quoi bon ?… i> Ce sonteux, pourtant, les docteurs du Zen, qui ont formé les samurai, ou chevaliers de Mo3en Age japonais, à leur maîtrise de soi, à l’inflexibilité dans les desseins, au stoïcisme calme et souriant. — Mais, avec le temps, les sectes se rapprochaient ; toutes se faisaient idolâtres à l’envi, toutes exploitaient la crédulité populaire, et ce qu’il pouvait y avoir eu de noblesse dans une secte aristocr ; itique comme le Zen finissait par se corrompre. Les missionnaires jésuites du xvi" siècle signalaient les Jenxu (Zen-shii), comme d’habiles négateurs qui, professant l’anéantissement final de l’homme, mettaient au large les grands seigneurs dans l’usage et l’abus des choses terrestres.

VI. La vie monastique. — Les sectes se partagent la population. (Chacune forme une sorte de grand ordre religieux, ayant sa maison mère « iux environs de Kyoto, divisé en provinces et couvents, avec toute une liiérarchie de supérieurs. On a parlé ailleurs du monarchisme bouddhique (Heligions de riNDE, col. GCi). Disons seulement ici que nulle part aujourd’hui, il n’est aussi savamment organisé qu’au Japon : c’est lui qui a longtemps fourni au pays ses cadres religieux. Les bonzes ordinairement sont incultes. Ils ignorent les spéculations de leur secte. Par contre, ils entretiennent avec soin les superstition s les plus grossières. Ils exploitent l’idolâtrie : leurs temples sont peuplés de statues sans nombre. l’o jjréclient une morale qui n’est pas sans pureté ; mais ils déclarent qu’elle est au-dessus des forces laïques, surtout des femmes. (La secte Shin fait exception ; pour elle le salut des femmes est possible.) Mais, eux, pratiquent cette morale avec une surabondance de mérites dont ils peuvent faire jouir leurs clients vivants et morts ; seulement cela se paie… — Quant aux mœurs proprement dites, elles sont déplorables. On peut voir ce qu’en dit saint François Xavikr dans sa correspondance. Beaucoup d’histoires courent, dont le public s’amuse, plus qu’il ne se scandalise. Il n’y a pas que des couvents de bonzes ; il y a des bonzesses : on devine la suite. Et cela ne leur suffit pas. Ils trouvent dans les pratiques contre nature des compensations à leur célibat dérisoire. D’où les proverbes comme celui-ci : « Quand un prêtre Nichiren deviendra bouddha, la bouse du bœuf niso deviendra purée de fèves. »

VIL Morale. — Et cependant la morale prêchée par les bonzes ne manque pas d’élévation apparente. Ici nous ne cherchons pas à distinguer ce qui, dans cette éthique, est spécifiquement bouddhique, de ce

« lui revient à Confucius. (Sur la morale du Bouddha, 

voir /i’e/i^iOH5 rfe /’Inde, col. 5C3.) — Il y a, disent les livres et les prédicateurs, cinq préceptes négatifs {go-hai) : ne pas tuer, ne jias voler, ne pas forniquer, ne pas mentir, ne pas s’enivrer. Il y a cinq relations humaines à surveiller (go-rin), de sujet à prince, de fils à père, etc. (voir jilus haut. II). Il y a dix préceptes positifs (jii-zen) : amabilité, libéralité, chasteté, véracité, paroles d’harmonie et de concorde, langage noble et sim])le, sincérité (pas d’exagération),