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événement ; on leur demande aide et protection. Mais parmi eux, aucune dillerence entre bons et mauvais. — Pas de morale : la morale est bonne pour les peuples corrompus, comme les Chinois ; le Japonais, étant d’essence divine, n’a, pour être vertueux, qu’à suivre la bonne nature et à rester lidèle à l’empereur. H y a une vertu indijjène cependant, la propreté. Toute saleté physique est odieuse aux kami. Ùe là les souillures légales elles purifications rituelles.

Pas de livres inspirés ; pas de clergé à pari : tout père de famille est prêtre dans sa maison. — Un culte aussi élémentaire que le dogme. Pour temples, de vraies chaumières en bois, représentant les habitations d’il y a deux mille ans. (Temples d’Isé. Il y a cependant de beaux temples shintoïstes, mais sans autre ornement que les bois précieux non peints dont ils sont faits.) Pas Je statues, pas d’autre mobilier que, derrière un voile, sur une table en bois non peint, quelques objets symboliques. Pour rites, quelques sacritices de victuailles, poisson, fruits, bière, eau claire. Quelques formules (nnrito) en japonais archaïque, inintelligibles aux dévots et aux prêtres eux-mêmes, contiennent des louanges à la divinité et des demandes de faveurs temporelles. Il y a des fêles familiales, des fêles de clan, el les lêtes générales de la nation. Ces dernières, dont le mikado est le pontife, forment comme un cycle agricole.Oans la fête Olionihe, l’empereur olfre, au coussin qui abrite la divinité, les prémices du riz ; dans le Toshigolii, il prie pour la moisson, et dans le Kin-nomatsury, pour la pluie ; dans le Olioharahi, qui se fait deux fois par an, il purifie le peuple des souillures contractées, surtout des délits agricoles, comme d’avoir écorché un animal vivant.

Tout, dans le culte national japonais, offre un double caractère. D’abord un archaïsme qui est la forme artilicielle mais intéressante du patriotisme : il se traduit jusque dans les formes architecturales des temples en bois, et dans le costume rituel des iannuchi (prêtres), lemple et costume qui reportent à deux mille ans en arrière.Puis une simplicité voulue, alTectée, frisant l’indigence. Et cette indigence extérieure traduit à merveille l’indigence intime et foncière de toute la religion.

II. Les importations chinoises- — Confucianisme. -- Le Japon en serait demeuré là sans doute si la Chine n’avait été si près. Les importations religieuses el intellectuelles commencent vers les débuts du troisième siècle de l’ère chrétienne. Art. écriture, industrie, agriculture, cérémonial, tout devient chinois. Dans le domaine des idées, on signale des infiltrations taoïstes, mais surtout des emprunts à l’éthique de Confucius. Ethique essentiellement laïque, comme on sait (voir l’article Chixk [Religion DR L.^l), mais qui se superposa d’autant plus facilement à l’éthique enfantine du shinto, l’une complétanl l’autre. De là de profondes transformalions dans l’ordre politique, social, familial. Nous n’avons pas à nous en occuper ici. Disons seulement qu’en remplaçant par un idéalplus complexe la simplicité excessive des vieux âges, le confucianisme dota le Japon d’une civilisation plus ralTmée. où l’on ne saurait dire lequel l’emporte du mieux ou du pire.

Comme en Chine, le confucianisme est à base de piété filiale. C’est lui qui règle les cinq grandes relation », d’empereur à sujet, de fils à père, d’épouse à mari, de frère cadet à frère aine, el d’ami à ami. Tout cela plus souriant, plus aimable au Japon qu’en Chine, mais aussi moins humain, moins direct que sous le règne shintoïste de la bonne nature. De sujet à empereur, ou de vassal à suzerain, la piété filiale

prend la forme de loyalisme, vertu par excellence du samurai ou chevalier, mais un loyalisme qui va tout de suite aux excès, jusqu’à la coutume du suicide par honneur, le harakiri. De fils à père, les relations sont normales, semble-t-il : cependant le droit du père est absolu, il peut vendre sa fille. Par contre, il a droit, un peu plus tôt, un peu plus tard, de cesser tout travail et de s’en remettre absolumentà son fils du soin de le nourrir ; c’est l’usage de Yinkio, la retraite. De mari à femme, tous les droits sont d’un côté, tous les devoirs de l’autre, el le premier devoir de la femme est de n’être pas jalouse.

III. Introduction du Bouddhisme. — Le Panthéon japonais- — Tous ces éléments chinois devaient être accentués et i)Oussés à l’extrême par l’influence bouddhique. — C’est en 55j que la doctrine de r « illuminateur » hindou, Çakya-mu.m, Siiaka pour les Japonais, fui apportée dansl’archipel par des ambassadeurs coréens. Elle ne s’imposa pas sans luttes. Il y eut résistance de la part du shintoïsme, guerre religieuse, incendies et massacres. Mais après trois quarts de siècle, en 623, le prince réformateur Slamayado, créateur de la centralisation japonaise, lui donna droit de cité. Le bouddhisme devint religion d’Etal.

Ce n’était plus, bien entendu, le bouddhisme des premiers âges, vieux qu’il était de mille ans déjà, mais le bouddhisme élargi, libéral, accueillant, de l’école Mahàyàna, le Grand Véhicule, qui ouvrait la voie du salut non seulement aux moines, mais aux laïques ; et de plus il arrivait au Japon chargé d’élemenls disparates, ramassés en cours de route à travers l’Asie. L’œuvre du moraliste athée élail devenue un polythéisme des plus encombrés.

Le point de dépari est dans l’idée même (idée prébouddhique ) que l’on se fait de l’humanité el de ses destinées. Tous ceux qui n’adhèrent d’aucune façon à la doctrine, sont condamnés, avant de parvenir au repos final, à passer d’existences en existence ;, à travers les six inondes, de l’enlér. des démons allâmes, des bêtes, des fantômes, des hommes et du ciel. Les adhérents au bouddhisme sont, ou bien des espèces de catéchumènes (shamon) ou des crojants instruits (engaku). Si. ayant bien saisi toute la loi, ils sont parvenus à n’avoir plus qu’une mort à subir, on les appelle les iosa/s » (sanscr. hodhisalUa). S’ils ont franchi la dernière étape, ce sont des bouddhas, des hutsu, ou des hotokes.

Les butsu ne sont point des dieux ; car il n’y a pas de dieu. Mais, simples sages canonisés par les docteurs, ils n’ont pu éviter d’être déifiés par le populaire, Shaka en lête. Les spéculatifs sont survenus, qui ont renchéri sur les dévots. Shaka, l’illuminaleur, le sauveur des hommes, était un être historique ; ils ont imaginé qu’avant lui il y en a eu des milliers d’autres ; que des milliers d’autres suivront, dont l’action bienfaisante s’est étendue ou s’étendra à des milliers de générations. On en désigne cinq comme appartenant à la période cosmique actuelle. Shaka est le quatrième : le cinquième n’a pas encore paru. Cen’eslpas tout ; au delà du bouddha réel, quel qu’il soit, le conleinpialif en discerne un autre, plus subtil et plus vrai, le bouddha de la contemplation, dont l’autre n’est que le reflet. Les einq bouddhas dont nous venons de parler ont ainsi leurs cinq doubles. Celui de Shaka s’appelle Amida (sansc. Amitàhho). Un autre est Daï-nitchi. qui passe pour le maître de Shaka, et que d’aucuns identifient avec le bouddha suprême. Car, pour compléter ce panthéon métaphysique, on a imaginé, au-dessus des mille bouddhas des trois mondes, présents, passés ou futurs, un bouddha primordial et suprême, dont les