Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/604

Cette page n’a pas encore été corrigée

119 :

JANVIER (LE MIRACLE DE SAINT)

1196

En même l., mps, les gens admis dans le sanctuaire se rangent autour de l’ofliciant, tout près de lui, à quelques centimètres de distance, si bien qu’aucun de ses mouvements ne savirait échappera leur attention très éveillée.

Alors il renverse le reliquaire et le tient sens dessus dessous durant quelques minutes pour montrer à tous que le sang est coagulé, car, en dépit de cette position la substance demeure immobile au fond de l’ampoule, comme suspendue en l’air. A ce moment un prêtre assistant fait remarquer cela, en criant : é dura, c’est-à-dire le sang est dur.

Aussitôt les prières commencent dans l’assistance tout entière, demandant à Dieu que le miracle s’opère. Si l’on veut connaître les détails, dont plusieurs offrent un grand intérêt, comme les touchantes prières des pauvres femmes qu’on appelle, improprement d’ailleurs, les Parentes de saint Janvier, l’enthousiasme de la foule après la liquéfaction opérée, le baisement de la relique d’abord par le clergé, puis par les parentes et pai- la foule, on trouvera cela décrit tout au long dans mon ouvrage : Le célèbre Miracle de saint Janvier.

ni. Historique du miracle. — Une vieille tradition napolitaine prétend que la première liquéfaction du sang de saint Janvier eut lieu en 315, sur le chemin de Pouzzoles à Naples, lors de la translation du corps, quand le sang, qui avait été recueilli et gardé par une chrétienne d’Antignano, fut placé en présence des ossements qu’il avait animés autrefois. Malheureusement il n’y a là qu’une pure tradition qu’aucun document écrit n’est venu jusqu’ici conûrmer. fg

La tradition ajoute (ce qui du reste est vraisemblable, car c'était la coutume des premiers chrétiens) que le sang, après cette première liquéfaction, fut enseveli avec le corps dans la catacombe de Naples. Mais à partir de ce moment on ne sait plus rien du sang, même par la tradition, jusqu’au ix' siècle, où nous le trouvons, réuni à la tête (sans que nous sachions comment il y est venu de la catacombe), dans l’hypogée d’un petit oratoire annexé à l'église Stéphanie, sur l’emplacement de laquelle devait être bâtie la cathédrale actuelle. Quand cette cathédrale, flanquée de quatre grosses tours, fut terminée, en iSog, la tête qu’on enferma dans un buste, et les deux ampoules, qui restèrent libres jiour le moment, furent placées dans la tour de gauche, du côté de la façade. Les deux reliques y demeurèrent jusqu’en 164'7, année où elles furent transportées dans la chapelle du Trésor, bâtie à cette intention, et où elles sont encore.

Quant au miracle de la liquéfaction, il n’en est pas question durant le long espace du temps qui s'écoula depuis 3l.5, daie de la prétendue première liquéfaction, jusqu’en iSSg, c’est-à-dire durant un millier d’années. Enfin cette année-là iSSg, nous trouvons un premier document authentiqvie constatant que le sang s’est liquéfié : c’est une chronique sicilienne écrite en latin, qui relate au jour le jour les événements de l’an 1340 à iSgô. Voici le passage relatif à la liquéfaction : <t Le 17 du mois d’août de cette année (138()) a eu lieu une grande procession à l’occasion du miracle que fit N.-S. J.-C. sur le sang de saint JanAÎer. Ce sang, contenu dans une ampoule, s'était liquéfié, comme s’il était sorti ce jour-là du corps du Bienheureux. » (Clironicon Siciilnm incfrti authoris ab anno IS^iO ad anrnim VS9H in forma diarii.)

A partir de 1889, il faut attendre soixante-sept ans pour avoir un second témoi^Tiage auUienli<|uedu miracle : c’est celui du cardinal Piccolomini, le futur p.Tpe Pie II, qui séjourna à Naples en ilSCi, en

qualité d’ambassadeur de la république de Sienne. Parmi les choses remarquables qu’il a vues à Naples, il cite le sang de saint Janvier.

Après le témoignage de Piccolomini. nous avons, par ordre de date jusqu’au milieu du xvii"-" siècle, ceux du médecin Ange Caton en i^'j^. de Pic de la Mirandole vers 1500, du bienheureux Ancina, au .xvi' siècle, du jésuite Jean Rho, prédicateur du carême à Naples en 1643.

Quelques années après, exactement en iCSg, les deux députations, ecclésiastique et laïque, récemment créées pour garder les reliques, dans la chapelle du Trésor, au nom de la ville de Naples, eurent l’idée de dresser procès-verbal de toutes les liquéfactions qui se produiraient à partir de cette époque et des circonstances qui les accompagneraient. Ces procès-verbaux ont été rédigés très régulièrement jusqu'à nos jours. Les nombreux registres qui les contiennent sont conservés avec soin, soit dans les archives de la chapelle, soit à la mairie de Naples, où je les ai consultés ; j’ai même copié quelques-uns des procès-verbaux ; le premier porte la date du vendredi 19 septembre lôSg. Voici, à titre d’exemple, le procès-verbal du mercredi 7 mai 1884 :

n Aujourd’hui, mercredi 7 mai iSSii, la relique du précieux sang a été retirée de sa niche. Le sang était dur et beaucoup plus augmenté (que la veille), il s’est liquéfié au bout de 15 minutes. Le soir, après le chant des vêpres, il a été reporté dans sa niche tout liquéfié.

« Signé : Joseph de Sangro de’Masii, député laïque

— Mastrogiudice, trésorier — Giosué, prêtre sacriste. »

Les procès-verbaux officiels se trouvent confirmés depuis 1659 jus<[u'à nos jours par de nombreux témoignages privés, parmi lesquels il suffira de citer, en ce qui concerne la liquéfaction, ceux de Montesquieu en 1728, du romancier Alexandre Uumas en 1842, du journaliste Henri Cauvain en 1856 ; en ce qui concerne l’augmentation du volume, celui de Pulignano en 1^23 : « J’ai vu moi nu’me (f^omet vidi), écrit-il, le sang entièrement soulevé, au point que la fiole était complètement pleine » ; celui du profcssevuPergola qui dit : « Souvent le sang augmente abondamment (( ! ribiicco), tellement qu’on ne peut voir s’il est fluide, de quelque façon qu’on retourne l’ampoule » ; celui de l’abbé anglais Weedal en 1831 (The Cathnlic Mnf^azine, juillet 1831) ; celui du chimiste napolitain, Pietro Punzo, directeur du cabinet municipal de chimie, en 1879 (Teca di San Ccnnaro).

Enfin s’il m’est permis de citer mon propre témoignage, j’ai vu quinze fois au moins la liquéfaction au cours de mes trois voyages à Naples ; j’ai vu l’augmentation du volume en mai 1908 et sa diminution en septembre 1901.

Que si, malgré tout, quelque lecteur doutait encore de la réalité de ces trois phénomènes, qu’il sache qu’ils continuent à s’opérer et que par suite il |)eut aller les constater de ses propres yeux.

IV. ComiBent expliquer le miracle de saint Janvier. — 1-es uns y voient une supercherie, d’autres un elTcl purement physique, mais sincère, d’autres un effet métapsychique, beaucoup enfin le considèrent comme un vrai miracle de Dieu. Examinons attentivement chacune de ces explications.

Sujierriierie ? — Pour admettre l’hyiiotlièse d’une supercherie, il faudrait supposer que le secret en a été gardé inviolablement durant plus de cinq siècles, sans que rien en ait transpiré au dehors, car on ne le connaît pas ; il faudrait encore sujiposer que tous les archevêques et tous les iirètres de saint Janvier, depuis 1889, et dont beaucoup ont été des modèles