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JANSENISME

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dans ses Mémoires (t. III, p. Si-Sg), si l’on établissait incontestablement l’origine jansénienne de ce document curieux. Ainsi Pascal, par son apparente digression, ne sortait pas à strictement parler du terrain de la lutte : il changeait plutôt de méthode d’attaque. Du Jansénisme proprement dit — la doctrine de Jansénius condamnée par Innocent X et défendue par Arnauld — il ne faisait que passer à l’autre sorte de Jansénisme, celui du rigorisme et de l’austérité, qui, dès les jours de Saint-Cyran, en -avait si fort imposé au vulgaire et avait été pour la meilleure part dans le succès du novateur.

Sans insister sur l’inexactitude réelle et l’injustice des développements de Pascal, ou encore sur la valeur mince de son témoignage [Brou, les Jésuites de la Légende, I’= partie, chap. x-xii, p. 305-430,

— Mayn.^rd, Les Provinciales et leur réfutation, en comparant avec Moli>ter, Les Provinciales, t. I, Introduction, spécialement p. xxvm-xxxi ; liii-lxx ; cxxxv-cxxxvi ; cxLni-cxLiv ; et aA-ec Strowski, Pascal et son temps, III « partie, ch. ni-viii, p. 60-210 et cb. xiit, p. 354-3^2, spécialement § rv, p. 366-369 (cf. abbé Urbain, dans lievue du Clergé français, i déc. 1908, t. LVI, p. 569), — Histoire des cinq propositions, t. I, liv. ii, p. 168-181 et liv. iii, p. 260262], constatons que la diversion fut pour les Jansénistes d’un heureux effet : elle mit les rieurs de leur côté. Tandis que Pascal combat ainsi en plaisantant, Arnauld, soutenant la cause plus sérieusement, cherche à prouver que son système ne diffère pas de celui des Thomistes.

D. SbCOND TEAtrS DB LA. QUESTION DE FAIT : l’aUTO RiTÉ DB l’Eglise dans la décision des faits. L’insk-PARABiLiTiî DU FAIT ET DC droit (29 sept. 1654-19 janv. 1669) — En vue d’assurer l’exécution de la bulle Cum occasione, l’Assemblée du clergé examine et approuve ce qui a été fait contre le Jansénisme (i' et 2 sept. 1656). Elle se déclare donc sur le fait de Jansénius, qu’elle affirme, en l’entendant, cela va sans dire, dans le sens de l’attribution de la doctrine au texte du livre de Jansénius, sans égard à l’intention personnelle de l’auteur. Prononçant ensuite l’infaillibilité de l’Eglise dans la décision des faits dogmatiques (faits inséparables des matières de foi ou des mreurs générales, comme par exemple que tel concile est général ou légitime, ou que tel est le vrai sens de tel ou tel d’entre les Pères sur tel ou tel dogme ; on les désigne ainsi par opposition aux faits révélés dans l’Ecriture ou la Tradition, et aux faits personnels, dont l’Eglise juge, non pas sur l’examen des textes, mais sur le seul témoignage des hommes, par exemple que tel auteur avait dans l’esprit tel sens, lorsqu’il écrivait tel texte, ou encore qu’il était ou n’était pas de bonne foi, lorsqu’il enseignait telle erreur), elle résout dans le sens aflirmatif le problème de l’inséparabilité du fait et du droit, fameux dans les polémiques du temps, et sur lequel les gens du parti eux-mêmes ont été partagés. Voici à quoi revient sa déclaration, qui résume le sujet de la dispute : quoiqu’on puisse discerner le point de droit (lescinq propositionscontiennent une doctrine hérétique ) du point de fait (cette même doctrine est contenue dans le texte du livre de Jansénius), comme deux choses distinctes et séparables en elles-mêmes, on ne peut, après la décision de l’Eglise, révoquer en doute le fait, qui est un fait dogmatique, sans recourir à un principe qui rend douteux le droit même. (Ce principe serait que l’Eglise n’est pas nécessairement infaillible dans l’intelligence du sens de Jansénius : d’où il suivrait qu’elle n’est pas nécessairement infaillible dans l’inlelligence du sens des auteurs qu’elle approuve ou condamne, en

particulier de saint Augustin et des Pères sur nos différents dogmes ; elle ne pourrait donc, par son autorité, nous assurer de la tradition d’aucun dogme contesté par les hérétiques. Le droit lui-même serait ainsi rendu douteux). Ainsi expliquée, la croyance du point de fait est inséparable de celle du point de droit (Histoire des cinq propositions, t. I, liv. iii, p. 187-19 ;). Les actes de l’Assemblée ayant été communiqués au Pape, Alexandre VII donne la bulle ^rf.s-flcram (16 oct. 1656), qui conflrme, en l’insérant, la constitution d’Innocent X et décide affirmativement le fait de Jansénius, c’est-à-dire l’héréticité du texte de son livre ; quelques mois plus tard (mars 1607), l’Assemblée du clergé reçoit cette bulle et arrête des mesures pour en assurer l’observation.

Alors vraiment, on peut le dire, la question défait a pris un nouvel aspect. Elle est dans son second temps. Tranché nettement par le bref du 29 septembre 1 654 et surtout par la dernière bulle (iG octobre 1606), le fait de Jansénius n’est plus douteux. Rome a certainement entendu condamner les cinq propositions comme étant de Jansénius et dans le sens de Jansénius. Ce dont les partisans de cet auteur disputent désormais, c’est de l’autorité même de l’Eglise dans la décision des faits qui, comme celui de Jansénius, ne sont pas immédiatement révélés de Dieu. La question de fait, dans son second temps, retombe donc en réalité dans une question de droit. D’un côté, les Jansénistes nient que l’Eglise soit infaillible dans l’espèce, qu’il s’agisse du fait dogmatique (sens objectif du texte) ou du fait personnel (intention personnelle de l’anteur), deux points qu’ils ne distinguent jamais, lis nient par conséquent qu’une soumission intérieure soit due aux décisions pontificales. D’autre part, l’Assemblée du clergé, nous l’avons vu, par sa déclaration de 1656, sur l’inséparabilité du fait et du droit, est d’un avis contraire. La controverse se prolonge, et ce sera seulement dans les conditions de paix imposées par Clkment IX aux quatre évêques (1668), que nous trouverons les éléments d’une solution définitive, solution qui, tout bien éclairci, et malgré qu’ils en aient, ne donne pas gain de cause aux Jansénistes.

E. Le FoRMULAinE(25 janv. 1661-19 janv.’^Gg). — Au milieu de ces discussions, l’Assemblée du clergé reprend un de ses projets antérieurs, celui de faire signer un formulaire de foi. Dès 1656, une première fois, puis à nouveau en 165^, en vue peut-être de remplacer un texte joint à la constitution.Id sacram {Rxpiy, Mémoires, t. ii, p. 440-441, 460-464 ; t. III, p. 128-136), elle en avait établi la formule, en des termes qui exprimaient la condamnation de coeur et de bouche de la doctrine des cinq propositions de Jansénius, contenuedans VAugustirius. C’est ce qu’on appelle le Formulaire du clergé. L’assemblée en était alors restée là. En 1661 seulement, le 25 janv-ier, elle prescrit aux ecclésiastiques de souscrire la formule dressée. Cette injonction, autorisée par le roi (13 avril), suscite des divergences de vues parmi les Jansénistes. Ils ne s’enten<lent pas sur la façon de signer, mais il est un point sur lequel ils s’accordent tous, c’est qu’en souscrivant l’on ne doit point, par un acte de soumission intérieure, condamner le livre (le Jansénius. Précisément, c’est là ce qui rend leur foi douteuse.

Une négociation fut entamée entre l’évêque de Comminges et le P. Ferrier, jésuite, d’une part, et les Jansénistes de l’autre ; elle n’.nmène rien, d’ailleurs, sinon l’envoi à Rome de cinq articles équivoques sur lesquels le Pape décide de ne pas prononcer (1662-1663). C’est le fait des cinq articles (voir