Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/586

Cette page n’a pas encore été corrigée

1159

JANSENISME

1160

Quant à ce qu’on a nommé la seconde partie du Baïanisme — celui qui n’a pas été proscrit du vivant de Baïus — ce sont les éléments d’un traité de la prédestination et de la grâce, qui résument les vues de son école, touchant la volonté de Dieu et la mort de Jésus-Christ pour le salut des hommes, l’opération divine sur les volontés humaines et la liberté dans l’état présent.

Voici les six points auxquels on les peut ramener : i" C’est un dogme de foi que la prédestination gratuite antérieure à la prévision absolue des mérites surnaturels, ainsi que la réprobation positive et absolue en vue du péché originel. 2° Il s’ensuit que, depuis le péché originel prévu, Dieu ne veut sincèrement sauver pour toute l’éternité que les seuls élus, et que Jésus-Christ n’est mort et n’a prié pour le salut éternel que des prédestinés seulement. 3° La grâce médicinale est une inspiration de charité, et elle n’est jamais purement suffisante, mais, toujours efficace, elle se distingue en grande grâce (produisant un effet parfait) et en petite (produisant un effet imparfait, et donc insuflisante à produire l’efTet parfait). L’ellicacité de la grâce consiste dans sa prédominance sur la cnpidité. Il s’ensuit : que les infidèles qui persévèrent dans leur infidélité sont exclus du bienfait de la grâce ; que les pécheurs qui ne se convertissent pas, et même certains justes sont privés de la grâce suffisante ; que ceux des justes qui ne persévèrent pas n’ont pas la grâce suffisante pour persévérer. 40 Il y a certains préceptes dont l’accomplissement est impossible, faute de grâce, non seulement aux infidèles ou aux pécheurs, mais encore à des justes. 5° Dans l’état présent, la grâce est irrésistible, aussi bien que la cupidité prédominante : l’homme, privé de toute giàce ou enrichi seulement de la petite grâce, suit nécessairement la cupidité ; s’il possède la grande grâce, il se liTe nécessairement à elle. 6" Pour mériter ou démériter, dans l’étal présent, il n’est pas requis qu’on soit exempt de nécessité, ce qui revient à supprimer le vrai mérite.

Tels sont les principes de Baïus sur la prédestination et la grâce. Il ne les a pas développés dans ses opuscules ; ce que nous en avons se trouve dans les Censures de Louvain et de Douai, et dans la Justification qui les a suivies. Nous les retrouverons dans VAugustinus où, renouvelés par Jansénius, ils remplissent les dix livres f>e gratia Christi saUatoris (’du Cuksnb. Histoire du Baïanisme, liv. III, § 2, et liv. IV, § 81. — Annales des soi-disans Jésuites, Paris, 176^, t. i, p. 109-454).

II. — La première période : le Baïanisme après Baïus et le Jansénisme jusqu’aux cinq Propositioas (1889-1649).

A. IIisToiiiR. — Les erreurs de Baïus ne finirent pas avec lui. P<uir les soutenir, un parti s’était formé à Louvain, dont, à la mort du maître, le disciple préféré, Jacques Janson (-j- 1626), prit la tête. Ce fut Janson qui endoctrina ses deux élèves Cornélius Janséxius et Jean du Vkrgteb de Haurannb. En même temps, il leur montra les Jésuites comme les anciens et redoutables adversaires du Baïanisme. Liés d’une étroite amitié dès leurs études, Jansénius et du Vergier vécurent ensemble, à Paris, puis à Bayonne, travaillant avec acharnement. En 1617, Jansénius regagna Louvain. mais la séparation ne mit pas un terme à leur commerce. Ils avaient, en effet, conçu comme le dessein de réformer l’Eglise, dans sa doctrine qui s’était altérée, pensaient-ils, en s’éloignant de celle de saint Augustin et des Pères, sous l’infiuence fâcheuse des scolustiques et surtout sous celle des Jésuites ; dans sa morale et dans sa discipline

qui, avec le temps, étaient devenues lâches et accommodantes, toujours par le fait des Jésuites. Le plan, concerté entre eux, comportait la composition d’un ouvrage qui accréditerait leur système et, sous l’autorité de saint Augustin, propagerait sur la prédestination et la grâce, avec les idées de Baïus, la doctrine des censures de Louvain et de Douai. Jansénius se chargea du travail. Pendant vingt ans, il s’y consacra, lisant et relisant saint Augustin, s’acharnant à y retrouver la pensée de son maître. Janson et les Baïanistes de Louvain l’encourageaient au labeur. Elu évêque d’Ypres, en 1635, il ne s’interrompit pas. .A.ussi la tache était terminée, lorsqu’il mourut dans sonévèehé (1638), laissant à des amis le soin d’éditer VAugustinus, mais le soumettant par avance aux décisions du Saint-Siège.

De son côté, du Vergier, nommé en 1620 abbé de Saint-Cyrax. ne néglige pas l’exécution du programme. Dans ce but. à plusieurs reprises, il prend à partie les Jésuites, sm-tout par la publication du Petrus Aurelius (1682). Il travaille à recruter des I partisans, et l’influence qu’il acquiert sm- l’abbaye de Port-Rojal, autour de iG34, sur la Mère Angélique en particulier, sur ses proches et sur ses amis, l’aide fort dans son recrutement. Les religieuses et les solitaires qui, à partir de 1638, commencent à se retirer près d’elles, deviennent l’àmedu groupement. Enfin, l’austérité de Saint-Cyran favorise son action, et la rigidité morale qu’il conseille n’est pas sans en imposer. Aussi, lorsqu’en 1638 il est incarcéré sur l’ordre de Richelieu, il est trop tard pour rompre ses desseins. La petite église prospère dans l’ombre : elle l’accueille à sa sortie de prison (6 fc-*Tier 1643), et à sa mort, qui suit de près (1 1 octobre), elle le vénère comme un saint ; on peut donc dire, sans exagérer, que, s’il n’a pas établi le Jansénisme comme doctrine, il est au moins le fondateur du parti.

Déjà, sous la protection de l’Université de Louvain, l’.-i((_KHs((>ius avait été édité par les mandataires de Jansénius, Fromond et Calénus (1640). En dépit d’une défense de l’internonce, d’un décret et de lirefs d’UKB.*x.>i VIII, malgré les efl’orts des Jésuites qui, dès avant la publication, ont dénoncé le péril, malgré les thèses qu’ils dressent pour le conjurer (21 mars 164 1). l’ouvrage se répand de toutes parts. Il est même imprimé, une seconde fois, à Paris, avec l’approbation de docteurs de la Sorbonne (104 O-En vue de remédier au mal, le Pape donne l’ordre d’examiner le livre, qu’on juge condamnable comme imprimé sans permission et traitant des choses de la grâce, en même temps que ressuscitant les propositions de Baïus. Sa Sainteté le censure donc par la bulle In eminenti. Cette bulle, expédiée le 6 mars 164a et publiée le ig juin 1643, confirme les constitutions de Pie V et de Grégoire XIII contre Baïus, et le décret de Paul V sur les matières De auxiliis [lùirmula pro finicndis dispulationibus, h sept. 1607. Dbnzi.ngkb’", 1090 (964)]. Quant à l’AugusIinus, elle le proscrit comme contenant et renouvelant ce qui a été condamné par les susdites constitutions. Elle interdit en outre les thèses des Jésuites et les écrits suscités, des deux côtés, dans la controverse. La publication de la bulle rencontre plus d’une difficulté ; elle se fait même avec tant de ménagements qu’elle ne produit pas tout son effet.

De part et d’autre, dans les Pays-Bas comme en France, l’on s’agite et l’on discute ; la lutte religieuse est commencée. Dès lors,.

toine.

NAii, n — le

grand Arnauld. comme diront ses admirateurs — a pris la place de Saint-Cyran, et il la garde jusqu’à sa mort, cinquante ans environ (6 août 1094).."^ous la direction du fameux abbé. Arnauld s’était lancé dans la théologie et, dans les thèses de sa tentative,