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ISLAMISME ET SES SECTES

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l’aime, et déleste celui qui le hait ; aide celui qui l’aide et abaisse celui qui voudra l’abaisser. »

quoicjue cousin germain et jjendre du prophète, Ali ne lui succéda pas tout de suite. Il ne parvint au khalil’at que le quatrième, et dans des circonstances ditliciles. Après son accession au pouvoir, il voulut changer le gouverneur de Syrie, Moawiah, qui se révolta ; il eut aussi contre lui la haine d’Ayéchah, veuve du prophète, qui fomenta la révolte à la Mecque. De g-rands combats eurent lieu dans le bassin inférieur du Tigre et de l’Euphrate. Dans la journée dite « du Chameau », Ali combattit et délit une première armée, amenée de la Mecque par Ayécliah ; celle-ci était présente à la bataille, dans une litière portée par un chameau. Une seconde bataille fut ensuite livrée par Ali à Sillin contre toutes les tr(Hii)es de Syrie amenées par Moawiah. Les historieus donnent comme cliill’res des combattants iSo.ooo Syriens contre 120.000 Persans. La lutte dura 110 jours et demeura indécise. On eut alors recours à un arbitrage, dans lequel Ali l’ut joué par l’arbitre qui était le fameux Amrou, le conquérant de l’Egypte. Le schisme continua. Mais peu de temps après, des fanatiques, appelés Khuridjites, qui n’admettaient pas que le droit du khalife pût être soumis à un arbitrage, assassinèrent Ali, en l’an 40 de l’hégire. Il fut inhumé près de Koufah en un lieu inconnu (V. BauNNOW, Die Charidjiten, 188 ; 5 ; Wellhausen, Die religios-politiaclien Oppositions parleieit iin alten Islam ; les études du P. Lam.mkns dans les Mélauf^es de la faciillé orientale de Beyrouth, tomes I et suivants ; du même Fàtimii, Rome, 1912 et les historiens tels que MuiR, The Califate, its rise and /ail, a" éd., 1892).

Après la mort d’Ali, son fils aine Hasan, abdiqua ; il retourna vivre à Médine où il fut empoisonné. Son second (ils, Hoséin, se révolta contre Yézid, successeur de Moawiah, avec ra[)pui des gens de Koufah ; mais bientôt trahi par eux, il fut massacré avec une petite troupe de fidèles, auprès de Kerbelah.

La mort de Hasan et de Hoséin est commémorée par les Chiites dans la fête d’Achoura. Us font des processions aux flambeaux, vêtus de deuil, pleurant et gémissant ; les plus fanatiques se flagellent ou se frappent à coups de sabre. On a reconnu dans ces rites une tradition se rattachant aux coutumes païennes relatives à la commémoration de la mort d’Adonis. Kerbelah est devenu le principal pèlerinage des Chiites.

A la suite de ces événements se constitua la théorie imamiste ou mahdiste. On reporta sur un descendant de ces princes qui avaient péri si malheureusement les espérances fondées sur eux. L’on se mit à attendre une sorte de Messie, auquel on donna le nom de Mnlidi, c’est-à-dire le dirigé, celui que Dieu dirige, qui de^ ait un jour conquérir le monde et y faire régner le bonheur. La plupart des théologiens admirent que le mahdi serait le douzième intuni : car on appelle imam, c’est-à-dire président, les princes de cette famille et autres grands personnages.- mais en un sens spécial, l’imam est le même que le mahdi. Or il se trouva que le douzième descendant d’Ali disparut mystérieusement, étant encore enfant, en l’an 9^0 de l’hégire, à Sorra-nien-Rà. Ses partisans refusèrent de croire à sa mort ; ils pensèrent qu’il vivait dans quelque caverne, d’où il ressortirait quand son heure serait venue. Pendant le temps de cette occultation, de saints personnages pouvaient le connaître et servir comme d’ambassadeurs entre le monde et lui.

La théorie mahdiste, qui est fondamentale dans la d<)etrine du chiisme, se retrouve aussi dans l’islamisme orthodoxe, mais sous une forme réduite, et n’y

jouant qu’un rôle accessoire : Le mahdi doit paraître à la lin des temps à côté de Moise et d’Elie, et régner quelques années. Dans le chiisme au contraire, le mahdi doit paraître à un âge du monde encore relativement jeune, et ouvrir une ère indéliiiie de paix et de vertu. Mais aussi bien chez les Musulmans orthodoxes que chez les Chiites, le sentimeutmahdiste est répandu dans l’esprit du peuple, et il a été souvent une cause de troubles ; de prétendus mahdis ont paru à toutes les époques de l’histoli-e musulmane ; de nos jouj’S le plus iUustieest celui qui a assiégé et massacré Gordon pacha dans lUiartoum.

La religion chiite estacluellementcelle de la Perse. Shah Ismail adopta cette croyance au xvi » siècle, et la Perse y est restée attachée depuis lors.

Ismaéliens ; Karniathes ; Assassins. — La secte des Ismaéliens, dérivée du chiisme, manifesta sa puissance à la lin du ix" siècle de l’hégire, époque à laquelle elle menaça le khalifat de Bagdad. Abd Allau lils de Maïmoun, surnommé Kaddah, est le personnage qui acheva de constituer leur doctrine. Les Ismaéliens n’admettaient que sept imams au lieu de douze comme faisaient la généralité des Chiites. Le septième imam, le mahdi à venir, devait s’appeler Ismail, d’où le nom de cette secte.

La doctrine ismaélite ne recevait pas le sens externe du Coran ; elle enseignait qu’il devait être interprété. Les pratiques religieuses n’étaient pour elle que des symboles, et n’avaientpasd’importancepour les savants ; des essais de communisme furent faits dans cette secte ; les auteurs musulmans accusent même les Ismaéliens d’avoir admis la communauté des femmes. Cette doctrine mêlait le prophétisme biblique avec la philosophie grecque : elle aboutissait à une sorte de théorie gnostique. Un Dieu ineû’able, inconnaissable, incapable de créer, engendrait un premier principe, la Raison universelle, ou l’Intellect, duquel émanait un second principe appelé l’Ame. L’Ame était, à côté de la Raison, comme le germe à côté de l’être complet, ou comme le principe féminin à coté du principe masculin. La Raison était surnommée le Premier, et l’Ame, le Suivant. L’àme à son tour produisait la Matière, la matière première destinée à recevoir les formes dont les idées existent dans la Raison divine. De la Matière émanaient encore deux autres principes, l’Espace et le Temps. L’àme universelle descendait dans le monde de la Matière, de sphère en sphère, jusqu’à lu terre, dernière émanation, et produisait sur sou passage les âmes individuelles. Il faut entendre ici àme au sens des philosophes comme le principe d’animation et de vie, par opposition à l’intellect. Celte àmc. étant imparfaite, avait une tendance à acquérir la science parfaite, à remonter vers la raison ; aux divers degrés du monde, elle retrouvait la lumière de la Raison universelle, illuminant les individus ; grâce à elle, elle devait pouvoir à la lin s’absorber dans la raison, tandis que la matière elle-même s’absorberait dans l’àme.

Pour faciliter cette œuvre de salut, la raison et l’àme divine s’incarnaient de temps en temps dans des prophètes, qui aidaient la foule à s’élever au-dessus du principe matériel. Les Ismaéliens donnaient à la Raison incarnée le nom de.Xiitirj ou parlant et à l’Ame incarnée, celui d’Jsàs ou de base. Chaque Natif/ avait son asds : et il devait y avoir en tout sept de ces nâtiq ou prophètes, incarnations de la raison divine. Six d’entre eux avaient déjà paru : c’était Adam. Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Mahomet ; le septième était à venir, et ce serait le Mahdi. Ali était le sixième asds, la sixième incarnation de l’Ame universelle. Entre chacune de ces incarnations de la Raison, il y avait une chaîne de sept imams.